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Entre autoritarisme et chaos

Pourquoi la France se désagrège-t-elle ?

10 avril 2021

Pour expliquer le vertigineux phénomène de déclin et d’autodestruction qui affecte notre pays, il semblerait a priori naturel d’accuser l’action sournoise d’un groupe supposément malfaisant – groupe dont l’identité cependant, varie selon les opinions politiques du locuteur. Certains veulent ainsi y voir les conséquences de l’action néfaste des lobbies ultra-libéraux, d’autres l’influence délétère des gauchistes diversitaires, d’autres encore les conséquences d’une immigration de masse incontrôlée.

Mais beaucoup plus rares sont ceux qui imputent ce déclin à une causes plus structurelle, à savoir le dysfonctionnement de plus en plus généralisé des mécanismes démocratiques, dysfonctionnement qui a lui-même pour conséquence de transformer les idées réformatrices a priori les plus légitimes, une fois qu’elles sont (mal) mises en œuvre par nos dirigeants du moment, en sources récurrentes et cumulatives de destruction de notre identité nationale et de notre modèle d’action collective.

Je ne suis personnellement hostile ni à la protection de l’environnement, ni à l’égalité des droits entre les sexes, ni à la décentralisation, ni à la construction européenne, ni à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ni à l’exercice de la solidarité nationale envers les plus défavorisés, ni à l’introduction d’une dose de libéralisme et d’ouverture dans un système quelque peu sclérosé et corporatiste, ni même à l’idée qu’une immigration maîtrisée puisse être une source d’enrichissement pour la France.

Je constate simplement que la mise en œuvre – mal conçue ou mal pilotée – de ces différents principes réformateurs a conduit depuis une quarantaine d’année à un détricotage et à un affaiblissement généralisés de notre pays et à un dépérissement de notre génie collectif.

Pour comprendre les causes de ce désastre, il me semble plus fructueux d’analyser les dysfonctionnements de notre démocratie que d’incriminer un groupe particulier, opportunément accusé de toutes les malfaisances.

A mon sens, ces dysfonctionnements sont en effet fondamentalement imputables à trois causes : le poids et le pouvoir trop élevé des administrations de tous types (Etat, collectivité locales, sécurité sociales) sur la société ; le dérèglement progressif des mécanismes représentatifs (affaiblissement des partis et des syndicats, dysfonctionnement de la démocratie élective) rendant possible l’accès au pouvoir de majorités de hasard rassemblant des individus à la fois dogmatiques et sans expérience ; et, in fine, l’absence de facto de mécanismes d’évaluation permettant de corriger les politiques publiques, voire d’y mettre fin lorsque leurs conséquences néfastes apparaissent au grand jour. Tout ceci conduisant à une gigantesque dérive de l’action publique.

Que dire de cette croissance cancéreuse de l’Etat dont nous sommes tous les témoins affligés ? Toujours plus d’impôts spoliateurs, toujours plus de bureaucratie, toujours plus de dépendance vis-à-vis de la dépense publique qui transforme des dizaines de millions de gens en assistés ou en rentiers d’Etat, toujours plus d’interdictions édictées au nom de notre bien et conduisant à un véritable saccage de nos libertés… Inutile de détailler tout cela (ce que j’ai déjà fait dans d’autres publications) : le bilan est absolument accablant. Il conduit à une mise en tutelle de la société et à une collectivisation de fait qui détruisent le sens de la responsabilité individuelle et sèment les germes de la tyrannie.

Si au moins cet Etat (et les autres administrations publiques) était confié aux mains de gens compétents, clairvoyants, ou a minima représentatifs d’une forme de bon sens ou de consensus collectif !!! Mais non pas du tout !!! Depuis des décennies, nous voyons ces institutions dévoyées, comme le montre par exemple Olivier Babeau, par la démagogie des politiciens, la pratique du clientélisme, le court-termisme électoraliste, l’improvisation érigée en système, les pressions occultes des groupes d’intérêts investis (fonctionnaires défendant leur emploi, hauts fonctionnaires manoeuvrant pour accroître leur pouvoir, allocataires de subventions agrippés à leur rente, etc.).

A cela s’ajoute un phénomène un peu plus récent, mais tout aussi redoutable : l’affaiblissement des corps intermédiaires (syndicats…) et des partis de gouvernement traditionnels, désertés par leurs militants écoeurés et découragés. Avec pour résultat, non seulement un affaiblissement, mais surtout une déstabilisation des mécanismes de représentation démocratiques, pour deux raisons principales.

D’une part, au sein même de ces corps intermédiaires, l’effacement ou le retrait des éléments les plus pragmatiques et modérés ouvre largement la voie à une prise de pouvoir par des groupes minoritaires et dogmatiques, dont la dérive indigéniste de l’UNEF donne un excellent exemple.

D’autre part, l’affaiblissement et la dislocation des partis de gouvernement traditionnels rend possible l‘accès au pouvoir, au hasard des conjonctures électorales ou d’un mouvement « dégagiste », de groupes politiques de circonstance, caractérisés, selon les cas, par le dogmatisme, l’extrémisme ou l’inexpérience, et prêts à se lancer dans n’importe quelle expérimentation hasardeuse pour faire entrer leurs illusions dans les faits.

Pour cela, ils sont bien entendus tentés d’exploiter les immenses ressources offertes par un appareil d‘Etat surdimensionné, afin de pousser de manière volontariste une société supposément rétive vers les lendemains glorieux de leurs utopies absurdes. On voit alors déferler les lois liberticides, les aides ruineuses, les impôts spoliateurs et les réglementations délirantes, édictées par un personnel politique novice, incompétent et hors-sol. Cela débouche, selon les cas, sur le réformisme macronien, compulsif et brouillon, ou sur l’écologisme diversitaire, destructeur et dogmatique, des nouveaux maires verts krypto-gauchistes. Et ces fanatiques incompétents, coupés des réalités élémentaires comme des aspirations simples des gens, ont tôt fait de se transformer en apprentis-sorciers confondant la société française avec un champ d’expérimentations à la fois débridées et autoritaires.

Les conséquences sont évidement désastreuses : au nom de l’écologie, on interdit aux gens de circuler librement ; au nom du féminisme, on inscrit dans la loi la chasse au mâle blanc hétéro ; au nom de la décentralisation, on désarticule l’unité du pays en accroissant les prérogatives des potentats locaux et en gonflant la taille (et le coût) de leurs bureaucraties respectives ; au nom du libéralisme, on démantèle les services publics ; au nom de la construction européenne, on détruit la souveraineté nationale … Vous complèterez vous-même la longue liste de ces désastres trop connus de tous pour que j’en fasse une revue exhaustive !!!!

Si encore il existait des mécanismes de rappel pour corriger ces politiques lorsque leurs effets néfastes commencent à être clairement perçus !!! Mais non, la culture de l’évaluation reste en France complètement sous-développée, contrairement par exemple à ce qui se passe dans les pays du nord de l’Europe !!! Avec pour conséquence un gigantesque effet-cliquet : lorsqu’une nouvelle ligne budgétaire, une nouvelle aide, un nouvel impôt ou une nouvelle bureaucratie sont créées en France, vous pouvez être sûrs qu’elles ne seront JAMAIS supprimées, même si au bout de quelques années leur bilan apparaît plus que contestable. Nos impôts continueront ainsi pour l’éternité à être gaspillés dans des politiques publiques inutiles, mises en place par une majorité politique depuis longtemps disparue, de peur de froisser quelques fonctionnaires ou quelques rentiers d’Etat pratiquant un lobbying efficace !!!

Le résultat, c’est in fine la démoralisation d’une France sommée de se moderniser à coup de lois liberticides par des progressistes hors sol qui ne lui ont pas demandé son avis ; c’est la ruine des finances publiques obérées par les gaspillages et les aides de toutes sortes : c’est le démantèlement d’une nation soumise à la force centripète d’une fausse décentralisation conduisant in fine à disséminer partout les clones locaux de l’Etat interventionniste ; c’est l’égalitarisme niveleur, l’écologie punitive, la perte d’indépendance nationale, la faillite ou la délocalisation des entreprises, l’écrasement de nos libertés… Dois-poursuivre la liste ???

Oui, notre démocratie représentative est au bout du rouleau, et c’est pour cela qu’arrivent au pouvoir, en nombre croissant, des apprentis-sorciers maladroits, des fanatiques dangereux, et des incompétents notoires qui s’empressent de manipuler, sans aucun contrôle, les manettes d’un appareil public devenu trop puissant, détruisant ainsi, exactement comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, les vieux équilibres et rouages spontanés de la société française pour les remplacer par le chaos.

Et si nous voulions arrêter ce chemin vers l’abîme, la solution ne consisterait certainement pas à édicter de nouvelles interdictions ou une nouvelles aides, mais au contraire à nous atteler de manière décidée au démantèlement de cet Etat-providence obèse et inefficace, en supprimant ses ministères par dizaines, ses programmes et ses lignes budgétaires par centaines, ses lois liberticides et ses règlements kafkaïens par milliers, ses postes de fonctionnaires inutiles par millions et ses impôts spoliateurs par milliards (d’Euros). Tout ceci afin d’ouvrir à nouveau toutes grandes les portes de la liberté et à permettre aux individus de choisir eux-mêmes la voie qui leur semble la meilleure pour parvenir au bonheur par leurs propres moyens !!! Et je suis certain que la France deviendrait ainsi moins pauvre, moins sale, mieux éduquée, mieux logée, plus cultivée et plus entreprenante que si l’Etat et ses clones locaux continuaient, à leur manière brouillonne, autoritaire et finalement destructrice, à vouloir s’occuper de tout cela à la fois à la place des gens !!!

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