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Editoriaux de la Salida

La Salida n°22 : Amour, séduction, sensualité

Editeur : La Salida, Février-Mars 2001

Auteur : Fabrice Hatem

Amour, séduction, sensualité

salida22 Violence et tendresse, joie et tristesse, haine et amour : le tango se prête indiscutablement à l’expression d’une très large palette de sentiments. Mais la forêt touffue des affects ne doit pas cacher l’arbre bien dressé de la sensualité. Plus que la plupart des autres danses occidentales, le tango porte l’expression du désir, voire la stylisation de l’actes physique lui-même, aux dimensions d’un art majeur. Et c’est d’ailleurs cela qui a attiré vers lui, plus ou moins confusément, beaucoup d’entre nous.

Dans une civilisation – la nôtre – qui a longtemps refoulé et caché la sexualité, jusqu’à refuser d’en faire une dimension majeure de l’expression artistique, le fait de redonner à l’érotisme une forte visibilité, voire d’en faire un élément central du vocabulaire expressif, ne va pas de soi. Nous sommes à la fois fascinés et gênés par les origines de la danse, ce « reptile de lupanar », né dans les lieux de l’amour tarifé. Les textes des chansons sur lesquels nous dansons nos désirs et affirmons la beauté de l’amour physique évoquent des personnages inhibés, malheureux, frustrés, abandonnés. Et rien n’est à la fois plus fort et plus fragile que le couple tanguero, uni dans une brève et intense communion le temps d’une danse, pour se séparer ensuite sans une parole d’adieu. En ce sens, on pourrait dire que le tango sert de révélateur à toutes les ambiguïtés, à tous les errements, de l’amour réel.

Ainsi touchés à un point sensible de leur être, leurs pulsions intimes portées au jour et exacerbées par l’expression chorégraphique, les danseurs eux-mêmes adoptent des attitudes et des comportements très opposés, parfois contradictoires. Certains, comme Virginia Gift, nient la dimension sexuelle de cette danse, mais reconnaissent aussi l’existence d’une « transe » du tango, appelée « tangasme » aux Etats-Unis. D’autres, comme Claudia Rozenblatt ou Suzanna Miller, reconnaissent son immense sensualité tout en établissant une claire limite face au passage à l’acte. Les séducteurs rôdent également dans les bals, toujours à l’affût d’une proie facile, tandis que les femmes regardent avec un mélange de moquerie affichée et d’intérêt inavoué les stratégies d’approche plus ou moins subtiles des mâles. Mais si les dames dénoncent, en général, les petites manœuvres des dragueurs de milongas, elles sont néanmoins fort nombreuses à succomber un jour, en particulier, au charme de l’un d’entre eux. Qu’on le veuille ou non, l’amour, le vrai, est constamment présent dans nos bals, où la formation et la séparation des « vrais » couples constituent, de très loin, l’actualité la plus commentée.

Fabrice Hatem

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