Catégories
Petites pochades sans importance Souvenirs et Mémoires

Adieu les moineaux

Autrefois, j’allais danser le tango dans un lieu très chaleureux  qui s’appelait l’espace Oxygène. Il était situé dans une petite impasse typique du vieux Paris populaire, du côté de la place Gambetta. J’y étais toujours accueilli en ami, je m’y sentais bien, et j’y ai fait plein de sympathiques rencontres.

Je viens de donner un coup de téléphone pour savoir ce qu’il devenait et si je pouvais retourner y danser. On m’a répondu qu’il était définitivement fermé, n’ayant pu affronter les manques à gagner liés aux différentes péripéties du confinement et des fermetures d’établissement de danse.

Cela m’a fait beaucoup de peine, et tant de bons souvenirs ont alors douloureusement resurgi dans ma mémoire… La grille d’entrée délabrée et grinçante, l’accueil chaleureux d’Imed, le buffet généreusement offert, les danseuses qui riaient dans mes bras, le jardin minuscule où l’on s’asseyait sur une chaise branlante pour bavarder entre deux milongas…

Mais l’Espace Oxygène n’est le seul dans ce cas. En fait, si je fais le compte, ce sont des dizaines et des dizaines de lieux de convivialité, de partage artistique et de plaisir qui ont ainsi disparu au cours des deux dernières années dans le nord-est de Paris. Avec tous le même profil : des endroits un peu alternatif, marginaux, installés dans des vieilles bâtisses aussi pleines de charme que pas « aux normes », et gérés sans trop de souci de la rentabilité financière ou de la réglementation.

Le bilan : un véritable massacre du Paris populaire, rebelle, alternatif, pittoresque, sous différents prétextes : sanitaire bien sûr avec la crise du Covid, mais aussi urbanistique (mise aux normes des immeubles), sécuritaire, etc. Des centaines de petits interstices urbains grâce auxquels notre liberté pouvait s’épanouir ont ainsi été anéantis pour laisser la place à un univers hygiéniste, moderniste, normalisé, rentable, placé sous étroit contrôle municipal, et infiniment propice à une mise sous surveillance policière.

Le sort des moineaux parisiens constitue une sorte de symbole de cet effroyable désastre. Autrefois très nombreux, notamment dans le nord-est de la capitale, qu’ils animaient de leur joyeux pépiements, ils ont aujourd’hui presque complètement disparu, Renseignements pris, une des causes de cet anéantissement tient à  la modernisation du foncier parisien, les nouveaux immeubles « aux normes » leur offrant infiniment mois d’occasions de nichage que les vieilles bâtisses populaires d’autrefois. 

Adieu donc la vielle bicoque de l’espace Oxygène, qui, dans tes murs délabrés, a accueilli tant de joyeux danseurs, et dans tes toits de guingois, tant de moineaux aux vivants gazouillis !! Heureusement qu’il nous reste le Mc Do de la place Gambetta, pas loin de l’immeuble bétonné du commissariat sous surveillance vidéo… Je ne sais pas si cela me donne davantage envie de hurler que de mourir, vraiment je ne sais pas…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.