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Entre autoritarisme et chaos

Inhumain

19 mars 2021

L’Homme est par nature un être sociable, et c’est même cela qui fait sa force et son bonheur d’exister.

C’est en se spécialisant dans un métier au sein d’une collectivité de travail qu’il crée de la richesse. C’est en en réunissant avec d’autres hommes pour apprendre, pour se cultiver ou exprimer sa foi qu’il élève son esprit. C’est en combattant aux côtés des autres membres de sa communauté qu’il parvient à protéger celle-ci des agressions extérieures. C’est en fréquentant des amis et des partenaires amoureux qu’il trouve le bonheur, le plaisir et contribue à la perpétuation de son espèce.

Bien sûr, cette sociabilité inscrite au plus profond de sa nature présente aussi des dangers. Certains hommes peuvent exploiter d’autres hommes en leur volant le produit de leur travail. Des amitiés ou des amours déçues peuvent se traduire par des déchaînements de violence. Des groupes agressifs peuvent asservir par la force d’autres groupes moins bien armés ou organisés. Et, bien sûr, la constante proximité physique avec les autres hommes peut favoriser la propagation des épidémies.

Et c’est même pour éviter (plus ou moins…) ces risques que les sociétés humaines se sont dotées de règles juridiques et morales qui organisent la coexistence des hommes et codifient la grégarité inscrite dans leur nature.

Ces systèmes de règles, évidement, n’empêchent totalement ni les injustices, ni les guerres, ni les meurtres, ni les épidémies. Si l’on voulait vraiment parvenir à ce but utopique, il n’y aurait au fond qu’une solution : proscrire la sociabilité elle-même pour en abolir tous les méfaits et obliger chaque être humain à vivre absolument seul. Alors plus d’exploitation de l’homme par l’homme puisque plus de division du travail. Plus de violence entre les individus puisque plus de possibilité pour eux d’interagir les uns avec les autres. Plus de fanatisme et plus de guerre puisque plus de possibilité de se regrouper pour cultiver les mêmes sentiments de haine envers d’autres groupes et mettre en œuvre des stratégies collectives d’agression.

Et, last but not least, plus d’épidémies puisque les contacts physiques entre les individus seraient abolis.

Comment se fait-il d’ailleurs, que nous n’y ayons pas pensé plus tôt ? Comment se fait-il que la géniale invention du confinement ait du (là, je simplifie un peu) attendre l’époque contemporaine pour être mise en œuvre de manière aussi systématique ? Au fond, quand on y pense, il y a belle lurette – près d’un million d’années environ – qu’on aurait dû la mettre en oeuvre pour éviter tous les tracas ultérieurs : guerres, violences de toutes natures, exploitation économique, etc.

Mais, si une solution aussi géniale à tous les maux de l’Humanité n’avait pas été appliquée jusqu’ici, c’est, tout simplement, parce qu’elle est doublement inhumaine : au sens littéral, d’abord, parce qu’elle est « non-humaine », qu’elle s’inscrit en dehors de notre nature profonde ; au sens figuré (et communément accepté), ensuite parce qu’elle provoque de ce fait toute une série de souffrances insupportables pour l’être humain.

Philosophiquement parlant, le confinement – quels qu’en soient le prétexte ou les modalités – n’est au fond que le produit d’une utopie totalitaire : celle qui consisterait à priver entièrement les hommes de leur liberté pour éviter qu’ils ne fassent un mauvais usage de celle-ci ; celle qui consisterait à penser que l’Etat est, partout et toujours, mieux à même que les individus de décider ce qui est bon ou mauvais pour eux ; ou encore elle qui consisterait à empêcher les gens de vivre afin de les protéger de la mort. Triple utopie évidement absurde, destructrice et finalement suicidaire, comme d’ailleurs toutes les autres utopies totalitaires qui l’ont précédée.

C’est vrai pour le confinement sanitaire actuel comme pour tous les autres confinements, qui au fond, pourraient être envisagés dans le futur afin de protéger l’homme de sa propre nature. Comment ne pas voir, en effet, le désastre multiforme qu’un an de confinements à répétition et à géométrie variable ont provoqué dans la société française : des entreprises fermées, des emplois détruits par millions, des jeunes qui n’étudient plus et ne peuvent plus profiter de leur jeunesse, des vieux privés de la compagnie de leur famille, un Etat ruiné à force de gaspiller les milliards pour remédier aux désastres humains qu’il a lui-même déclenché par ses décisions, un état de droit et des institutions démocratiques profondément affaiblis…

Tout cela était au fond prévisible, puisque, par définition, le confinement, un peu comme un poison neurotoxique, vise à bloquer simultanément tous les mécanismes de sociabilité spontanée qui permettent à une société de fonctionner ? Alors, en suivant cette logique mortifère, pourquoi ne pas directement prendre une pilule de cyanure pour se protéger, d’un seul coup, de tous les risques et de tous les tracas de l’existence ?

Et que les mêmes désastres se soient simultanément produits, avec plus ou moins de gravité, dans d’autres pays ayant appliqué les mêmes méthodes ne justifie rien : au contraire, cela démontre peut-être qu’au-delà du cas français, c’est l’Humanité toute entière qui bientôt, devra choisir entre son aspiration naturelle à la liberté (et à la sociabilité), et l’asservissement total et stérilisant d’individus entièrement isolés face à l’Etat.

C’est pourquoi, en dehors même des événements sociétaux ou des aléas historiques qui pourraient servir de prétexte à sa mise en œuvre, c’est le principe même du confinement qui devrait être, d’urgence (c’est-à-dire si possible dès demain), banni de notre ordre juridique. Sinon, nous devrons nous préparer à subir, et pour longtemps, une dictature in-humaine.

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