Catégories
Petites pochades sans importance

Tonneau des Danaïdes ou Rocher de Sisyphe ?

15 janvier 2021

Cela a l’air a priori très sympa de créer un site web pour y présenter toutes vos publications. Mais c’est aussi un peu comme le supplice du pal : ça commence bien et ça risque de finir très mal.

D’abord tout va bien : vous créez un site site gratuit, très simple, vous voyez vos articles s’accumuler peu à peu au fil de votre créativité, le nombre de lecteurs augmenter, etc. Que du bonheur, quoi., Même si parfois vous trouvez que les chargements et les mise à jour vous prennent un peu trop de temps.

Ensuite, les premières difficultés commencent : par exemple, votre sites est mis brutalement hors ligne par quelqu’un que vous ne connaissez pas et pour une raison que vous ne connaissez pas. Paniqué devant la perte possible de toute votre oeuvre (car bien sur vous n’aviez naïvement fait aucune sauvegarde), vous vous précipitez en larmes chez un professionnel des sites web qui vous facture très cher la récupération des données (sauf, disons, un millier de photos perdues, une bagatelle, quoi !!). Et en plus, c’est vous qui lui dites merci !!!

Ensuite, il faut reconstruire un autre site. bien sûr, cela coûte cher, mais surtout cela vous prend un temps fou. D’abord, il faut retrouver une à une les 1000 photos que vous aviez perdues. Ensuite, vous vous apercevez que beaucoup de liens internet que vous aviez mis dans vos articles sont obsolètes et qu’il faut les remplacer un à un. Ensuite, vous relisez vos articles et vous vous apercevez qu’ils sont bourrés de fautes d’orthographe, d’erreurs, parfois même un peu dépassés. Cela vous prend des semaines pour tout mettre à jour : on parle de 3000 articles, là, dont certains ont en fait plusieurs centaines de pages !!!

Ensuite il faut reformater la présentation des articles (par exemple pour les adapter aux téléphones portables). Bien sûr, vous vous apercevez rapidement que ce reformatage n’est pas presse-bouton, mais déstructure votre ancienne mise en page, qu’il faut la refaire article par articles (toujours 3000 articles à corriger un à un, donc).

Ensuite, il faut reclasser tous les articles dans la nouvelle présentation du site, Après l’avoir fait, vous vous apercevez qu’en allant trop vite, vous vous êtes en fait trompé au départ dans la nouvelle classification et qu’il faut la refaire entièrement, puis reclasser tous les articles à nouveau, puis vérifier, un à un, que cette fois ils vont vraiment bien classés. Ensuite, vous vous occupez de leur visibilité sur internet en rajoutant des mots-clés sur chaque article (toujours 3000 articles plus les 20 nouveaux que vous avez rédigés entre-temps).

Ensuite, vous entendez parler d’histoires terrifiantes de sites web fermés du jour au lendemain, sans possibilité de récupération des données. Alors vous vous précipitez pour faire toutes sortes de sauvegardes (sur disque dur, sur disque externe, sur support papier, etc;), en les dispersant dans plein d’endroits différents pour plus de sécurité (pour un jour vous apercevoir, lorsque vous en avez besoin, que vous avez oublié où vous les avez cachées).

Ensuite, vous vous rendez compte qu’en changeant de site, vous avez perdu 90 % de vos anciens lecteurs qui ne savent plus où vous trouver sur le Net parce que l’ancien nom de site a disparu et que vous n’avez pas pu créer à temps les liens de redirection vers le nouveau site. Et après vous être épuisé à recréer celui-ci, vous voyez donc arriver une bande de petits rigolos qui vous disent : « il était bien ton site, dommage que tu l’aies supprimé ».

Sans compter que même après tous ces efforts, vous vous apercevez en permanence qu’il subsiste des erreurs : articles mal classés, liens brisés, faut d’orthographe, qualité discutable du travail, etc. (car le site met cote à cote vos articles de débutant et ceux que vous avez écrit en ayant 10 ou 20 ans d’expérience sur le même sujet, d’où une qualité hétérogène de l’ensemble).

Bref, vous réalisez que votre situation est assez proche de celle de Sisyphe roulant son rocher pour l’éternité ou de celle des Danaïdes remplissant sans cesse leur tonneau toujours fuyant.

A ce moment-là, vous en arrivez à vous demander sérieusement si vous avez eux raison de créer un site web, et s’il n’aurait pas mieux valu continuer à publier, comme au temps de votre jeunesse insouciante, dans des revues confidentielles et chez des éditeurs fauchés.

D’autant que vous commencez aussi à vous inquiéter de ce qui arrivera à votre site après votre mort (prochaine à l’échelle des cycles cosmiques) et que la réponse tombe alors, implacable : « ben, beta, le site disparaîtra à peu près un an après ta mort, quand l’hébergeur le supprimera pour cause de non-paiement des frais d’hébergement ». Cette constatation vous glace un peu sur le moment, alors vous décidez d’allez chez le notaire pour rajouter un codicille à votre testament, du genre « à charge pour lui d’entretenir mon site web ». Mais enfin, vous ne serez pas là pour vérifier, et puis ça ne fera au mieux que reporter le problème d’une vingtaine d’années.

Bref, en créant un site web, vous aviez cru donner sans trop de difficultés une visibilité permanente à votre oeuvre. Mais en fait, vous êtes rentré dans un monde de précarité, d’inconstance, de dépendance, de dépenses croissantes et d’obsolescence accélérée.

Au fond, les bouquins publiés par un éditeur, ça avait quand même du bon !!!!

Alors mes amis, soyez sympas, ne me laissez pas penser que tous mes efforts – en fait mon chemin de croix – ont été vains, et allez faire petit tour sur mon nouveau site.. Et merci d’avance pour votre soutien psychologique !!!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.