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Entre autoritarisme et chaos

Je confonds tout

30 Mars 2022

Je vous préviens d’avance : j’ai l’esprit brouillon. Dans cet article je vais en effet tout mélanger : les sanctions contre les oligarques russes, la pénalisation des clients de prostituées, la pérennisation d’une situation d’hyper-déficit budgétaire permanent dans l’UE, l’encadrement des loyers, le confinement pour cause de Covid, les délits d’homophobie ou de contestation de crimes contre l’humanité, la répression du harcèlement de rue, la loi contre les fake news, les lois d’urgence anti-terroriste, la généralisation des amendes administrative sans procès, l’interdiction de la fessée, la persécution des automobilistes parisiens et les condamnations d’agriculteurs qui ont le malheur d’avoir encore des vaches qui meuglent.

Mais qu’est-ce qu’il raconte, ce type ? Il confond tout, c’est juste un réac grognon à l’esprit brumeux !!! Non, pas du tout, je n’ai pas l’esprit brumeux, au contraire, j’ai l’esprit très clair. Et je constate simplement qu’au nom d’un progressisme dévoyé, nos gouvernants multiplient aujourd’hui, sous prétexte de nous imposer ce qu’ils considèrent comme une société meilleure, plus juste, plus égalitaire, moins discriminatoire, toutes sortes d’atteintes de plus en plus violentes et assumées aux principes de l’état de droit et aux libertés publiques et privées les plus fondamentales : liberté d’expression, liberté du travail, droit de propriété, doit de circuler librement, droit de disposer de son corps, droit d’élever ses enfants à sa guise, liberté de nouer les relations amoureuses de son choix, droit des accusés à un procès équitable.

Le principe de production de toutes ces atteintes nouvelles aux libertés progressivement inscrites dans notre code pénal est toujours le même : on se fixe un objectif, souvent utopique, de justice, d’égalité ou d’équité. On construit ensuite un raisonnement parfaitement abstrait et déconnecté de la réalité conduisant à identifier, d’une part de nouvelles catégories d’être malfaisants dont les comportements nuisent – y compris à travers les actes les plus banals de la vie quotidienne – à la réalisation de cet idéal ; et d’autres part des « victimes » de leurs insupportables méfaits. Et, pour punir ces nouveaux salopards imaginaires tout en protégeant leurs « victimes » tout aussi imaginaires, on vote ensuite une loi – voire on édicte parfois un simple règlement encore plus arbitraire – visant à criminaliser les actes voire les propos des premiers (qui n’ont rien fait de mal) afin de protéger les secondes (qui n’ont pas demandé qu’on les protège).

Dans l’inventaire à la Prévert des nouveaux criminels, qui le plus souvent donc n’en sont pas, je citerai, pèle-mêle : les propriétaires bailleurs (y compris ceux qui n’ont que la ressource de leur petit loyer pour survivre), les clients de TDS (y compris ceux qui n’ont plus d’autre moyen d’accéder au plaisir), les automobilistes (y compris ceux qui n’ont pas d’autres moyens de se déplacer), les responsables politiques ou économiques russes (arbitrairement désignés, sans autre forme de procès, comme complices de crimes de guerre), les dragueurs lourds, les agriculteurs criblés de dettes, les papas rigoureux, les gens qui ne veulent pas se voir imposer un vaccin, les conservateurs hostiles au mariage de personnes du même sexe, ainsi que les hommes en général.

Quant à la liste tout aussi foutraque des « victimes » supposées, on y trouvera : les locataires (y compris ceux qui malhonnêtement profitent d’une loi trop protectrice pour ne pas payer leurs loyers), les enfants (y compris les petits insolents qui méritent une bonne paire de claques), les bobos détenteurs d’une résidence secondaire (qui aiment bien la campagne à condition qu’elle ressemble à un parc de loisirs), les cyclistes (y compris ceux qui se transforment en dangers publics en ne respectant pas les règles élémentaires du code de la route), les prostituées (y compris celles qui ont librement choisi ce métier et demandent juste qu’on les laisse travailler), tous les ukrainiens (y compris ceux qui sont eux-mêmes coupables de crimes de guerre ou se sentent profondément russes au fond d‘eux-mêmes), les gens qui s’estiment blessés par des propos critiques sur la GPA ou sur les excès du transgenrisme.. Et d’une manière générale, les femmes (y compris celles qui à l’occasion d’un divorce conflictuel instrumentalisent la loi pour proférer des accusations abusives ou mensongères contre leur conjoint). Mais « on te crois », paraît-il…

Par contre, dans la liste des victimes de ce progressisme délirant et destructeur, on ne mentionne jamais les petits épargnants et les retraités, menacés désormais de ruine par une inflation qui n’a rien de fatal, mais est directement causée par les politiques budgétaires délirantes menées depuis trois ans au nom du bien commun, sous toutes sortes de prétextes (lutter contre les conséquences économiques du COVID, moderniser à coup de subventions administrées une industrie française préalablement ruinée par les impôts sur la production, faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine…). Une liste à laquelle s’ajoutent régulièrement, au fil de l’actualité, de nouveaux items. Au point que l’on se demande parfois s’il n’y a pas derrière cette gabegie une sorte d’intention cachée d’affaiblir par l’inflation et l’emprunt forcé la classe honnie des détenteurs de rentes diverses.

Ah ! Oui !! Je me rends compte que je viens d’oublier, dans mes listes confuses, la mère de toutes les atteintes aux libertés, celle par laquelle ce processus mortifère a commencé, à savoir les diverses lois d’exceptions antiterroristes qui ont en quelque sorte dressé les populations, tétanisées par la peur d’affreux attentats, à accepter de se voir imposer un régime permanent de surveillance policière et de viol des libertés individuelles fondamentales, à coup de perquisitions, de cybersurveillance généralisée et d’assignations administratives à résidence. D’ailleurs, il ne fallut pas plus de cinq ans pour que ce système d’assignation à résidence, en principe au départ réservé à quelques suspects de terrorisme, ne soit généralisé à l’ensemble de la population, soumise pendant plusieurs mois à un régime quasi-carcéral pour cause de COVID. Mais oui, bien sûr, je confonds tout…

Mais non, au contraire, tout est très cohérent : c’est l’ensemble de nos libertés fondamentales, notre droit à la vie privée, notre droit à la protection contre l’arbitraire qui sont ainsi progressivement grignotées… Et quand je dis grignotées, je suis encore optimiste : je devrais dire déchiquetées…

Bien entendu, certaines des justifications de ces atteintes aux libertés sont légitimes : personne n’a envie de mourir sous les balles d’un terroriste, d’être contaminé par une maladie dangereuse, ou de voir un dictateur agressif lancer ses armées contre un pays voisin. Mais le résultat constamment confirmé, la tendance lourde aveuglante, c’est que notre domaine de liberté se réduit comme peau de chagrin au gré des lois liberticides et des réglementations paralysantes édictées au nom d’un idéal utopique. Ce sont en fait les démocraties occidentales elles-mêmes qui sont en train de changer de nature profonde, leur caractère autrefois libéral et tolérant cédant progressivement la place à une forme d’autoritarisme inquisiteur et moralisateur. Désormais pris d’une sorte d’Hubris – et je pense particulièrement au cas de notre pays en disant cela – les gouvernants des ex-démocraties libérales se sentent investis d’une mission prométhéenne de modernisation à marche forcée de la société, de lutte contre le Mal (mâle) réactionnaire et d’avènement du Bien tel que défini par eux. Ce qui les conduit à légitimer, avec de moins en moins d’états d’âme, le piétinement de nos libertés au profit de l’Utopie, tout en n’accordant plus finalement qu’un intérêt assez faible à la gestion quotidienne des missions régaliennes dont ils ont la charge : police, armée, justice…, sans même mentionner la monnaie, désormais gérée au niveau supranational…  

S’agit-il là d’une dérive totalitaire ?? Accusation peut-être exagérée sous cette forme brutale…  « Il faut y aller molo avec les noms d’oiseaux !!» comme vient de le dire fort justement Jean Luc 1er à l’occasion d’un autre débat. Mais comment toutefois, ne pas reconnaître certains traits fondamentaux du totalitarisme dans ce mélange d’activisme prométhéen, de contraintes exercées sur la société pour permettre l’avènement de l’utopie, et de stigmatisation des opposants (comme par exemple ces affreux réactionnaires qui pensent encore que les hommes et les femmes présentent des différences intrinsèques et fondamentales, dictées par la nature et ne pouvant être réduites à un simple conditionnement culturel) ?

Et comment ne pas comprendre que si nous ne réagissons pas très vite contre cette dérive autoritariste, contre cette forme de dictature douce qui est en train de s’instaurer sous couvert de progressisme, nos enfants risquent de vivre dans un monde beaucoup plus proche de celui de Georges Orwell que de celui d’Alphonse Daudet ? Or, personnellement, je continue à préférer « Le sous préfet aux champs » à « 1984 ». Pas vous ?

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