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Entre autoritarisme et chaos

Journal d’un confiné: Voyage vers le passé

J’ai un petit studio en haut de Montmartre, qui me sert de refuge poétique à mes heures d’inspiration.

En y passant un court moment hier, j’ai d’abord constaté que toutes les boutiques de la rue étaient fermées. Rien d’anormal, jusque-là, pensai-je, c’est le confinement.

Puis j’ai vu sur certaines de ces boutiques des affiches annonçant des pénuries de produits de première nécessité. Là non plus, rien d’anormal, en période de difficultés d’approvisionnement.

Ensuite, j’ai vu que les heures d’ouverture des magasins étaient réduites. Normal, avec tous ces problèmes de transport.

Puis j’ai vu des affiches appelant au respect du couvre-feu sous menace de sanctions. Tiens me suis-je dit, ils ont encore durci les mesures de confinement.

Ensuite, j’ai vu des affiches du gouvernement appelant à fêter le retour des prisonniers. Je me suis dit, ah oui c’est vrai, ils ont vidé les prisons à cause de l’épidémie, mais de là à le crier sur les toits et à s’en vanter, c’est quand même un peu excessif.

Ensuite, j’ai vu des affiches appelant à lutter contre le bolchevisme. Bon, d’accord, ai-je pensé c’est vrai qu’on a un gouvernement assez libéral, et que moi-même je n’aime pas beaucoup les cocos, mais quand même, là ils exagèrent un peu.

Et puis, j’ai vu une affiche appelant au recensement des Juifs. Là, j’ai quand même eu un moment de panique : je me suis dit que la transformation de la France en régime totalitaire était allé beaucoup plus vite que je ne le pensais. Et moi qui étais venu jusque-là avec un ausw… enfin je veux dire un laisser-passer pas trop en règle, c’était pas prudent…

En fait, renseignements pris, c’était juste le décor d’un film sur l’Occupation qu’on était en train de tourner dans ma rue avant que tout soit interrompu pour cause d’épidémie. Les acteurs et les caméras sont partis, les décors sont restés…

D’abord, j’ai poussé un soupir de soulagement.

Mais ensuite, j’ai été saisi d’un malaise rétrospectif en pensant que les trois-quarts de ces affiches m’avaient au départ semblé presque normales…

Bref, on s’habitue bien vite à la disparition de la Liberté….

(texte rédigé le 6 avril 2020)

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