Drame musical de Leon Ichaso, Etats-Unis, 2006, 116 minutes
Le film nous conte la vie tragique du grand chanteur de Salsa portoricain Héctor Lavoe, décédé du sida en 1993. Ou plus exactement celle de la relation passionnée et douloureuse qui l’a uni à sa femme Puchi, dont le témoignage, recueilli en 2002 par Jennifer Lopez, également productrice du film, a constitué la base du scénario.
La critique n’a pas été très tendre avec El Cantante, reprochant notamment au film l’omniprésence d’une Jennifer Lopez un peu narcissique dans le rôle d’une Puchi forte et sans reproche, et la vision réductrice qu’il donnerait d’un Héctor Lavoe au caractère faible et immature.
Je ne partage pas ce point de vue. El Cantante est une bio-fiction qu’il ne faut pas seulement juger à l’aune de sa stricte valeur documentaire, mais également pour ses qualités dramatiques. A cet égard, le choix de centrer une grande partie sur l’intrigue sur la relation de couple entre le chanteur et sa femme, ainsi que le fait de privilégier un point de vue féminin dans la narration, me semblent proposer un angle d’approche décalé et original. L’histoire d’amour tragique entre Hector et Puchi – leur romance passionnée, la construction difficile d’une famille, la tragique mort accidentelle de leur enfant, la dérive du chanteur détruit par la drogue, sa tentative de suicide et sa fin lamentable – fournissent d’ailleurs malheureusement une trame dramatique d’une grande intensité. Enfin, j’ai personnellement été très sensible à l’interprétation de Jennifer Lopez, mélange d’enivrante féminité et d’énergie explosive.
J’ai été cependant un peu moins séduit par l’interprétation de Mark Anthony, qui manque parfois un peu de charisme et d’expressivité, sauf dans les scènes de concert, où son talent de chanteur se révèle. Mais si ces séquences sont très réussies du point de vue musical et même cinématographique – avec un montage « zapping » qui restitue très bien l’atmosphère survoltée d’un concert de salsa de la grande époque – je reste dubitatif sur le choix consistant à préférer la voix de Mark Anthony à celle – inimitable – d’Héctor Lavoe. Ceci crée en effet un sentiment d’invraisemblance et même de frustration pour les admirateurs du chanteur.
Le film est construit comme une série de flashes-back, introduit par le témoignage douloureux d’une Puchi filmée seule, en noir et blanc, comme si elle portait toujours le deuil de son époux disparu. A travers l’histoire de leur couple, nous revivons l’épopée de la Fania, dont les principaux protagonistes (Jerry Masucci, Johnny Pacheco, Willy Colon, Ruben Blades…) sont représentés à l’écran, de manière très crédible, comme un groupe de jeunes musiciens latinos ambitieux. Les étapes de l’ascension et du déclin du fameux label – les albums majeurs, les grandes tournées, les concerts marquants – sont présentées de manière succincte mais assez précise, permettant d’introduire les principales chansons d’Héctor Lavoe : Aguanile, El cantante, Todo tiene su final, etc. Enfin, la destruction progressive de l’artiste par la drogue, son instabilité croissante, ses vains efforts pour surmonter son addiction, jusqu’à sa triste fin, sont représentés à l’écran de manière poignante.
Bref, malgré quelques faiblesses et certains choix criticables, El Cantante est dans l’enemble un bon film.
Fabrice Hatem
Pour plus de renseignements : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=109079.html