Les politiques culturelles, sources de gaspillage et d’effets pervers ?
Dans mon futur ouvrage, « La dictature insidieuse», j’envisage de donner quelques exemples de politiques publiques françaises interventionnistes, sources de gaspillages et d’effets pervers. La politique culturelle d’Etat, avec son bras armé (à nos frais), le « Ministère de la culture », me semble a priori un excellent exemple de ces dérives dispendieuses et sournoisement totalitaires. Afin de tester, de nourrir et éventuellement d’amender mon propos critique, j’ai donc lu plusieurs ouvrages consacrés à ce thème, dont celui de Claude Patriat, « La culture, un besoin d’Etat ».
Ce livre a présenté pour moi un triple intérêt. Tout d’abord parce ce qu’il aborde le sujet sans a priori idéologiques trop marqués – ni opposition ultra-libérale de principe à toute politique culturelle, ni brûlot communiste en faveur d’un monopole d’Etat sur la culture – et qu’il offre de ce fait une certaine garantie d’objectivité ; ensuite, et de manière corollaire, parce que l’auteur y analyse de manière très technique, concrète et très bien documentée, et sans jamais se laisser entraîner par les tentations imprécatoires, les dérives qui ont empêché la politique culturelle française d’atteindre ses objectifs affichés ; enfin parce que Claude Patriat tire de ce constat plutôt négatif, non l’idée d’une renonciation au principe même de politique culturelle, mais au contraire des préconisations visant au renforcement de son ambition démocratique. Son ouvrage s’oppose donc sur ce dernier point avec celui, beaucoup plus marqué idéologiquement à droite, de Marc Fumaroli, « L’Etat culturel », rédigé quelques années auparavant ; ceci ouvrant un intéressant débat de fond sur l’avenir des politiques culturelles.
Mais les deux livres aboutissent aussi à des diagnostics sévères et convergents sur les dérives et les échecs de la politique culturelle française. Ils constituent ainsi une sorte de confirmation « en double aveugle » – puisque venant d’horizons idéologiques différentes – de ma propre posture critique.
L’art d’apprivoiser le temps
Dans un long prologue, intitulé « L’art d’apprivoiser le temps », l’auteur expose la thèse fondatrice de sa pensée : pouvoir et culture seraient intensément et intrinsèquement liés, même en l’absence de toute politique culturelle explicite. En effet, la culture – dans les acceptions extrêmement variées que l’on peut donner à ce terme – constitue l’un des principaux moyens utilisés par le pouvoir, depuis la naissance des communautés humaines, par le pouvoir pour entrer en médiation avec la société et renforcer sa légitimité auprès d’elle.
Art, pouvoir, culture : le cercle magique
Partant de cette hypothèse de départ, l’auteur replace dans une perspective longue la genèse des politiques culturelles d’Etat, tout en cherchant à mettre en lumière les spécificités du cas français. Il propose tout d’abord, après une longue discussion sur l’étymologie et les différentes acceptions du terme « culture », d’opposer deux visions polaires de celle-ci : d’une part, la culture au sens strict – qu’il assimile à l’art, qu’il s’agisse du patrimoine déjà existant ou d’œuvres nouvelles – ; et d’autre part, la culture au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des références communes permettant à un groupe humain donné de mener une vie collective organisée.
Claude Patriat se livre ensuite à une analyse anthropologique de la notion de pouvoir politique et de son rapport à la culture. Son idée fondamentale est que le pouvoir politique, toujours considéré par la société comme à la fois nécessaire et dangereux, utilise l’art comme un moyen de justifier son existence. l’art possède en effet la capacité de donner une forme visible à la sacralité, aux croyances et aux valeurs collectives, à travers notamment une célébration des dieux et des mythes fondateurs. Il constitue de ce fait un outil de représentation du monde permettant de construire et d’asseoir la légitimité du pouvoir – que celle-ci repose sur la tradition, la légalité élective ou le charisme du chef.
Mais si ce rapport étroit entre l’art le pouvoir politique a toujours existé, l’intervention affichée de celui-ci dans la culture est d’origine plus récente. Cette évolution est liée notamment à l’émergence des sociétés démocratiques soucieuses d’inculquer aux citoyens la conscience d’une identité nationale et de l’existence de valeurs républicaines partagées : une préoccupation didactique nouvelle qui dépasse la stricte recherche de la légitimité politique.
Le paradigme français : la voie royale
Selon l’auteur, le particularisme français, reflet d’une vieille tradition étatiste, réside dans l’intensité historiquement exceptionnelle de l’intervention de l’Etat dans la culture – une intervention d’ailleurs pas seulement cantonnée au soutien à l’art, mais étendue à la culture au sens large. Il s’agirait là d’une constante dans l’attitude de l’Etat français depuis l’Ancien régime – même s’il est toujours risqué d‘établir des continuums rétrospectifs dans la mesure où les périodes d’interventionnisme fort ont alterné avec les périodes de demi-sommeil. Le système français se différencierait en cela fortement du système américain, beaucoup moins interventionniste, ou du système allemand, plus décentralisé.
L’auteur aborde ensuite l’histoire de la politique culturelle française d’après-guerre, fondée sur l’affirmation ambiguë d’un « droit à la culture », et caractérisée par une hésitation permanente entre les objectifs de soutien à la création artistique et d’accès pour tous à la culture, hésitation qui finalement obère la réalisation des ambitions initialement affichés.
La genèse de la politique culturelle en France est d’abord retracée en remontant jusqu’à l’Ancien régime, où l’art aide le pouvoir royal à se constituer comme puissance légitime autonome, notamment face à l’Eglise. Puis la Révolution et l’Empire, enfin la République, vont avoir recours à l’art pour exalter leurs épopées respectives. Dès 1789, les révolutionnaires s’intéressent tout d’abord à la préservation du patrimoine national – affirmant d’emblée le principe de sa mise à la disposition de tous -, puis à l’exaltation du sentiment civique par l’organisation de célébrations collectives, tout cela allant de pair avec l’émancipation des hommes et l’inculcation des valeurs de la citoyenneté par l’éducation. Beaucoup plus tard dans le siècle, la généralisation de l’instruction publique obligatoire aura pour corollaire l’essor de l’éducation populaire, puis des universités populaires, qui constitueront en quelque sorte les matrices de l’action culturelle républicaine. Ce mouvement se poursuivra au XXème siècle avec la création du Sous-secrétariat chargé des loisirs et des sports sous le Front populaire, puis la mise en place d’une Direction des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire sous la IVème République.
Les trois objectifs à la base du projet d’André Malraux – soutien aux artistes, éducation du public, conservation des œuvres, sont donc déjà présents dans la discours de la IVème République, avec entre autres l’affirmation d’un « droit à la culture » dans le préambule de la Constitution de 1946. Mais ce n’est qu’en 1959 que la culture devient officiellement une affaire d’Etat, avec la création du Ministère des affaires culturelles et la mise sur pieds d’une administration dédiée.
Le droit à la culture : une reconnaissance ambiguë
Prenant pour fil directeur le cas du théâtre décentralisé, l’auteur retrace ensuite les dérives auxquelles conduit un soutien trop marqué à l’objectif de création artistique, par rapport à un objectif de développement culturel quelque peu négligé. Dès la création du Ministère des affaires culturelles, l’éducation populaire est en effet écartée d’emblée de l’action culturelle et renvoyée vers la sphère éducative. Mais les acteurs de cette mouvance, souvent compagnons de route du PC, réintégreront ensuite rapidement l’action culturelle dans le cadre notamment du théâtre décentralisé auquel ils donneront une teinte militante de gauche très marqué, d’abord communiste, puis gauchisante après 1968 avec le manifeste de Villeurbanne.
Malgré les efforts de Jacques Duhamel pour défendre au début des années 1970 l’intégration de la culture dans un projet de développement éducatif global, l’action culturelle de l’Etat se recentrera une nouvelle fois après 1974 sur son aspect de soutien à des créateurs souvent institutionnalisés (centres dramatiques, etc.), ce qui se traduit par une tendance à la marginalisation du socio-culturel et à la dévalorisation de la figure de l’animateur culturel. Le primat du créateur est alors institué, le médiateur ayant essentiellement pour rôle de favoriser la diffusion des œuvres nouvelles et non de développer la capacité créative du public.
Cette politique de soutien aux artistes sera encore davantage affirmée par Jack Lang à partir de 1981. Celui-ci confie en effet la direction des institutions culturelles à des créateurs. Mais les importantes subventions dont ceux-ci sont alors bénéficiaires les conduit, en les mettant à l’abri des contraintes du marché, à porter une attention moindre aux attentes du grand public et à se focaliser de manière quelque peu narcissique sur leur propre activité créatrice. Cette institutionnalisation d’une création artistique subventionnée conduit également à l’établissement de chasses gardées au détriment des petites compagnies et des jeunes créateurs hors système. Si le succès médiatique et même la fréquentation des salles par un public cultivé est à peu près au rendez-vous, cette politique se solde finalement par un échec auprès du public populaire, qui déserte les centres dramatiques. D’où une focalisation de l’action dite de « développement culturel » sur des opérations de « médiation » destinées en fait à faciliter la diffusion les œuvres des créateurs subventionnés, au détriment de la priorité accordée à l’éducation artistique populaire.
L’auteur porte également un regard critique sur la dérive de la politique culturelle socialiste vers une activité d’animation de loisirs sur grande échelle. Il part pour cela de ce qu’il estime être le trois postulats fondateurs de l’action de Jack Lang : le soutien à la création artistique, la reconnaissance du lien économie-culture et l’extension du champ des pratiques artistiques reconnues au-delà des pratiques traditionnelles légitimes (Street Art et Hip hop notamment). Ces principes se traduisent par une tentative, apparemment fort louable, de combler le fossé entre culture cultivée et culture populaire de masse. Mais cette démarche s’avère dans les faits profondément ambiguë, conduisant à une dérive de la politique culturelle vers une démarche d’animation de loisirs vaguement démagogique (fête de la musique…), instrumentalisée comme un outil de communication politique, et dont les préoccupations mercantiles ne sont pas absentes (utilisation de l’animation « culturelle » à des fins d’attractivité touristique). Les mêmes errements peuvent également être observés dans le domaine du patrimoine, où la mise en valeur « dynamique » des sites (création artistiques, événements, animations diverses) est privilégiée par rapport à leur conservation stricto sensu, conduisant à la transformation de nombreux châteaux et églises en autant d’aires de loisirs touristiques.
Le droit de la culture : une traduction incertaine
L’ouvrage évoque ensuite les difficultés d’ordre institutionnel et organisationnel qui, indépendamment des ambiguïtés du projet politique global, compromettent les efforts de l’Etat – comme d’ailleurs des collectivités territoriales – en matière de développement culturel? Il s’agit en effet d’un domaine où les modes d’intervention publics, avec leurs lourdeurs bureaucratiques, sont par nature mal adaptés.
Lorsque Claude Patriat publie son livre, en 1998, la politique culturelle semble avoir réussi à conquérir sa place dans l’action publique. Dès 1959, le Ministère des affaires culturelles parvient à regrouper des programmes, initiatives et actions éparses dans une administration unique dont les moyens vont ensuite s’accroître considérablement pour atteindre 1% du budget de l’Etat sous les deux septennats de François Mitterrand. La politique culturelle jouit alors d’une forte légitimité et d’un grand prestige, tout en devenant un quasi-service public. Elle joue dans ses différents aspects – commémorations, fêtes, grands travaux – un rôle central dans la mise en scène du pouvoir socialiste dont elle contribue puissamment à asseoir la légitimité.
Mais cette politique culturelle reste cependant ambiguë dans ses objectifs et contestée dans ses résultats. Comme le dit Robert Abirached, qui fut Directeur du théâtre a cours du premier septennat de François Mitterrand : « Plus on s’écarte de l’administration de la vie sociale ou économique proprement dite, plus les raisons alléguées par l’Etat pour prendre en charge une activité au nom de l’intérêt commun sont difficiles à traduire en termes objectifs et moins les résultats en sont matériellement quantifiables ».
De plus, l’univers du fonctionnement administratif hiérarchique et le dispositif habituel des politiques publiques ne sont pas bien adaptés aux objets de la politique culturelle et aux mentalités de ses acteurs, tandis que les nouvelles formes d’action mises en place pour remédier à ces défauts (autonomisation de certaines institutions, par exemple) n’ont qu’une légitimité fragile au regard du droit public.
Enfin, le principe de la « neutralité du service public » cadre mal avec le contenu d’une production artistique, qui par nature ne peut être « neutre ». Cette inadaptation structurelle peut conduire à de graves dérives lorsque tel ou tel groupe de pression idéologique parvient à s’infiltrer au sein de l’appareil culturel d’Etat pour le contrôler et en l’orienter les productions, comme le fit le Parti communiste avec le théâtre décentralisé dans les années 1960.
Un autre problème récurrent de la politique culturelle est celui de ses frontières et de ses articulations avec certains domaines connexes, comme l’éducation ou la jeunesse et les sports. C’est ainsi que dès sa création, le Ministère des affaires culturelles a voulu affirmer son autonomie et sa spécificité par rapport à celui de l’éducation, notamment en lui abandonnant le domaine de l’éducation populaire pour se concentrer sur la création artistique et la mise en valeur du patrimoine. Mais, après avoir ainsi établi son pré carré par rapport à l’éducation nationale, le ministère de la culture n’aurait pas vraiment cherché à coopérer avec les autres, contribuant ainsi à créer une sorte d’opposition un peu factice entre enseignement et politique culturelle. « Volonté de s’autonomiser et incapacité de fixer un territoire commun [s’additionnèrent alors] pour perturber le dispositif d’intervention publique dans l’art et la culture ». Plusieurs gouvernements tentèrent par la suite de remédier à cette coupure en modifiant les domaines d’attribution des différents ministères. Mais ces tentatives n’aboutirent finalement qu’à mettre davantage en lumière le fait que le champ d’action de la politique culturelle reste fondamentalement incertain, soumis aux choix de circonstance du pouvoir politique…
Enfin, l’institutionnalisation progressive de l’action culturelle s’est accompagnée de l’aggravation des lourdeurs bureaucratiques et d’un certain enkystement des acteurs dans leurs positions acquises. C’est ainsi qu’en 1997, alors que se profilait la fin de la priorité accordée à la culture sous la présidence de François Mitterrand, la ministre Catherine Trautmann tenta de mettre un peu d’ordre dans une activité créative devenue un peu trop autonome et auto-centrée en édictant des règles de conduite résumées dans un projet dit de « Charte des missions de service public ». Mais cette tentative se heurta alors à une violente réaction corporatiste des acteurs de la création, qui sous le vertueux prétexte d’une défense de l’indépendance des artistes, exprima surtout leur refus de toute contrainte politique et de toute d’évaluation sérieuse dans l’utilisation de l’argent public. On s’aperçut alors que les instruments de la politique culturelle s’étaient transformés en autant de bureaucraties, porteuses d’intérêts investis par des acteurs ayant leurs objectifs propres, distincts de ceux affichés par le pouvoir politique. Comme le résume l’auteur en une formule lapidaire, « Prométhée [était] devenu Narcisse ».
Création ou animation : la politique culturelle sur le fil du rasoir
La politique culturelle est par ailleurs constamment placée sur le fil du rasoir entre les deux risques symétriques de dérive vers l’élitisme avant-gardiste et vers la simple animation de loisirs de masse. Entre ces deux risques polaires, la politique culturelle va constamment osciller d’une position à l’autre, les meilleures intentions se soldant finalement par des échecs et des déceptions.
Par exemple, l’ambitieuse tentative de Malraux de démocratiser l’accès à la culture par le développement d’une offre de haute qualité se heurta rapidement à la faiblesse de la demande sociale. En d’autres termes, le « droit à la culture » affirmé par les textes officiels ne répondait pas vraiment en fait à une attente de la part du public. Pour remédier à cette difficulté, apparaîtra à la fin des années 1960, le concept de « développement culturel », visant à susciter pour la haute culture une demande sociale qui n’existe pas encore dans la réalité (étrange conception de la démocratie, soit dit en passant, qui postule que les désirs du peuples doivent s’adapter aux politiques des gouvernements, et non l’inverse !!). Mais, du « développement culturel » à la simple animation de loisirs à visées touristiques, le pas est vite franchi vers un dévoiement des hautes ambitions initiales, comme le montreront certaines dérives des politiques socialistes dans les années 1980 et 1990 (cf. supra).
Faut-il alors au contraire maintenir le cap vers une vision ambitieuse de la culture ? Malraux l’avait voulu, en refusant de réduire l’action culturelle à une démarche d’animation de loisirs. Mais cette attitude de messianisme culturel au fond coupé de l’attente populaire risque alors de tourner un peu à vide. En se focalisant sur l’objectif d’une offre artistique de qualité, on aboutit en effet à l’idée d’une diffusion par le haut d’une culture produite par les artistes d’élites subventionnés, et à laquelle l’adhésion de la population serait ensuite stimulée par des actions dites de « médiation ». Mais la culture, considérée alors comme un travail douloureux d’amélioration de soi-même, devient ce fait quelque chose de sérieux, d’ennuyeux, d’imposé par le haut, qui n’intéresse plus spontanément les gens.
Le Manifeste de Villeurbanne de 1968 avait bien saisi cette difficulté, exprimée dans la tonalité gauchisante de l’époque : « quelle que soit la pureté de nos intentions, cette attitude (d’embourgeoisement au sein d’une cause politique) apparaît en effet à une quantité considérable de nos concitoyens comme une option faite par des privilégiés en faveur d’une culture héréditaire particulariste, c’est-à-dire tout simplement bourgeoise ». Ce qui ne l’empêcha d’ailleurs pas les auteurs de ce texte de préconiser des formes d’action culturelles encore plus inadaptées aux attentes du public populaire que celles qu’ils critiquaient à juste titre… En l’occurrence en vantant les mérites d’une culture dite « ascendante » où le « non-public » serait devenu l’acteur principal de la création culturelle, mais qui se révéla dans les faits n’être qu’un mélange indigeste d’agit-prop gauchiste et d’avant-gardisme new-yorkais…
Du temps des compromis au temps des ruptures radicales : quel avenir pour les politiques culturelles ?
Messianisme culturel des pouvoirs publics se heurtant au faible intérêt du public populaire ; coupure entre création artistique d’avant-garde et culture populaire de masse ; développement de bureaucraties culturelles subventionnant des créateurs institutionnels, avec pour corollaire la création de chasses gardées au détriment des créateurs indépendants : sur toutes ces ambiguïtés, toutes ces dérives, tous ces échecs, le diagnostic de Claude Patriat converge avec celui, beaucoup plus marqué idéologiquement à droite, de Marc Fumaroli. Il devient dès lors bien difficile de nier l’existence de graves problèmes structurels, voire systémiques, dans la politique culturelle française…
Mais, alors que les solutions implicitement suggérées par Fumaroli pointent plutôt vers un démantèlement massif de la politique culturelle d’Etat, Patriat plaide au contraire pour une retour au vieil idéal de démocratisation culturelle, mis au service d’un projet de transformation sociale. Ce qui supposerait, bien sûr, un renforcement des moyens de l’intervention culturelle.
Entre les deux, mon cœur réac ne balance pas une seconde… Il faut taper dans le tas et couper à grands coups de sabre budgétaire dans le vif de ces politiques inutiles d’aide à la création. Avec l’argent ainsi économisé, on pourrait par exemple réduire la TVA sur les produits culturels, permettant au gens de payer moins cher pour acheter le livre ou la place de concert de leur choix… Quant l’immeuble de la rue de Valois, le produit de sa vente pourrait être affecté à une réduction de l’endettement public…
Claude Patriat, La culture, un besoin d’Etat, Hachette, Paris, 1998, 224 pages
Nb : cette fiche de lecture s’inscrit dans mon actuel travail de rédaction d’un ouvrage intitulé « La dictature insidieuse », où je tente de mettre à jour les mécanismes par lesquels l’Etat français contemporain réduit peu à peu nos libertés. Pour tester mes hypothèses de travail, je suis en ce moment amené à lire un grand nombre d’ouvrages, récents ou plus anciens, portant sur ces questions. Comme les autres comptes rendus de lecture du même type que je publierai au cours des semaines suivantes, le texte ci-dessous ne porte donc pas directement sur l’ouvrage lui-même, mais sur la manière dont il confirme ou infirme les thèses que je souhaite développer dans mon propre livre, et que je présente au début du compte-rendu sous la forme d’un encadré liminaire, afin de les tester à l’aune de cette nouvelle lecture).