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La dictature insidieuse

Délivrez-nous du bien : Cette nouvelle inquisition qui monte

ImageDans un des chapitres de mon futur livre, «  La dictature insidieuse », je développe la thèse selon laquelle la montée en puissance de la nébuleuse diversitaire-multiculturaliste constitue une nouvelle forme de menace contre nos libertés. En s’infiltrant au cœur des partis politiques et de l’appareil d’Etat, en investissant massivement les médias et les réseaux sociaux, elle conduit à l’émergence d’un climat quasi-inquisitorial contre l’expression de toute pensée non conforme à nouvelle doxa, ainsi qu’au vote de textes législatifs, qui, sous prétexte d’élargir le champ des libertés offerts à de supposées minorités opprimées, restreignent celui de la majorité tout en heurtant un certain nombre de convictions également majoritaires. L’ouvrage de Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoint, Délivrez-nous du bien, développe exactement la même thèse, et ce de manière à la fois claire et incisive, au point, que, quelque peu découragé, j’ai presque envisagé un moment de renoncer à la rédaction de mon propre ouvrage, puisque c’était déjà fait…. Avant de réaliser tout de même, que mon livre avait sa spécificité, puisqu’il insiste davantage sur les mécanismes à l’œuvre au sein même de l’appareil d’Etat (vote de lois morales et infiltration des lobbies diversitaires notamment), alors que celui de Polony et Quatrepoint s’appuie sur un focus sociétal plus large (mouvement Meetoo, théories du genre, etc.).

L’ouvrage, fort agréable à lire, ne nécessite pas d’effort de mémoire ou de concentration trop intense dans la mesure où il expose pour l’essentiel des faits d’actualité connus, analysés dans une langue simple et accessible. La thèse centrale est que les démocraties occidentales sont aujourd’hui menacées par une nouvelle idéologie, celle du « minoritarisme », qui, en dévoyant des causes au départ légitimes – droits des homosexuels, égalité-hommes femmes, lutte contre le racisme ou la souffrance animale – imposent peu à peu leur nouvel évangile diversitaire, destructeur de toute notion de normalité, à la majorité de la population, tout en érigeant l’« homme blanc hétérosexuel » en nouvelle figure fantasmée du mal, désormais désigné sous le nom de « domination patriarcale ».

Le premier chapitre est consacré aux dérives d’un néo-féminisme qui dévoie le légitime combat contre les violences les injustices de genre en une agression hargneuse contre le mâle blanc : mouvements « meetoo » et « balance ton porc » transformés en tribunes de diffamation publiques ; criminalisation systématique des comportements masculins, les hommes étant pratiquement assimilés à des violeurs en puissance et leurs entreprises de séduction amoureuses réduites à une série de manipulations condamnables  ; victimisation systématique des femmes, allant jusqu’à réclamer – et obtenir – l’acquittement ou la grâce de meurtrières patentées de leurs conjoints ; et finalement, rapports entre sexes perçus uniquement sous l’angle de l’agression et de la domination patriarcale. A cela s’ajoutent les ravages provoqués par la théorie du genre, qui stipule que les identités sexuelles ne sont pas innées, mais entièrement construites par l’éducation, et qui conduit à d’aberrantes prescriptions pédagogiques, comme celle d’encourager les petits garçons à revêtir des costumes de fées et à jouer à la poupée…

Dans le second chapitre, les auteurs s’attaquent à la religion du « minoritarisme ». Si les minorités ont toujours existé en France, leur comportement dominant consistait jusqu’ici à se faire oublier, à se rendre invisibles, bref à s’assimiler le plus possible au noyau majoritaire. Il n’en n’est plus ainsi aujourd’hui,  et ces minorités – sexuelles, ethniques, religieuses -, ou plutôt les mouvements militants qui prétendent les représenter, revendiquent désormais hautement leur différence, jusqu’à dénoncer de manière agressive et souvent outrancières les « discriminations » dont elles seraient l’objet. Le Cran, les mouvements LGBT, les néo-féministes, les militants décoloniaux, somment en permanence la société majoritaire d’exprimer son repentir pour les crimes dont elle aurait été coupable, criminalisant l’expression d’opinions contraires, multipliant les opérations d’agit-prop jusqu’à souvent porter atteinte à la liberté d’autrui, distordant ou cachant la réalité lorsqu’elle contredit leurs dogmes, modifiant l’orthographe, l’art et la mode pour les rendre conformes au nouveau crédo multiculturaliste, censurant des œuvres et des auteurs anciens non conformes à la nouvelle doxa, pratiquant la police de la pensée à travers une criminalisation de tout propos polémique à leur encontre,  et réduisant leurs adversaires à l’autocensure par l’intimidation et le harcèlement.

Le troisième chapitre est consacré au vote récent en France d’un certain nombre de lois, qui, sous un habillage progressiste, restreignent en faits non libertés : liberté de disposer de son corps avec la loi de pénalisation des clients de prostituées ; liberté d’aller et venir avec la limitation de vitesse sur les axes routiers ; liberté de fumer et de boire de l’alcool, avec la multiplication des taxes à visée soi-disant hygiéniste ; liberté d’éduquer ses enfants comme bon nous semble, avec l’interdiction de la fessée ; offensive vegan très agressive contre les producteurs, vendeurs et consommateurs de viande ; label de supériorité morale accordée sans inventaire à un « charity business » dont la réalité est parfois très éloignée de cet idéal fantasmé. Tout cela dessinant, non les traits d’une société plus libre, mais au contraire asservie aux dogmes et tabous des nouveaux bigots.

Dans le chapitre conclusif, les auteurs nous mettent en garde contre l’avènement d’un monde où les groupes minoritaires chercherait à faire prévaloir leur propre vision du monde et du Bien en criminalisant et intimidant la majorité, sommée de penser et d’agir selon leurs dogmes ; où ces mêmes groupes tenteraient de provoquer par la force l’avènement d’un homme parfait, pétri, jusqu’à l’oubli de sa propre identité et de ses propres désirs, des nouveaux principes du « politiquement correct » diversitaire – en oubliant que la beauté de l’homme réside justement dans sa nature d’être imparfait, contradictoire dans ses affects, et habité de désirs confus. Un monde où notre bel idéal de laïcité républicain et les solidarités sociales traditionnelles voleraient en éclat devant les exigences d’un individualisme narcissique poussé à l’extrême, ouvrant ainsi un large boulevard aux valeurs mercantiles du néo-libéralisme. Un monde où le bel idéal de fraternité serait mis à mal par la revendication systématique du droit à la différence, facteur in fine de divisions et de replis communautaires.   Un monde enfin où l’exigence de transparence pesant sur la vie privée virerait peu à peu à la tyrannie morale. C’est contre cette perspective que s’insurgent les auteurs, en réclamant que soit préservée, contre l’étouffement des interdits bigots, la liberté humaine, c’est-à-dire le droit de l’homme au libre-arbitre, à l’erreur, au désir et à l’humour.

Cet ouvrage clair et vigoureux constitue selon moi un utile instrument de réarmement moral contre la dictature des minorités diversitaires. Je ne peux donc qu’en conseiller chaleureusement la lecture à tous les amoureux de la liberté.

Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint, Délivrez-nous du bien, Halte aux nouveaux inquisiteurs, Editions de l‘observatoire, 2019, 279 pages.

(Nb : cette fiche de lecture s’inscrit dans mon actuel travail de rédaction d’un ouvrage intitulé « La dictature insidieuse », où je tente de mettre à jour les mécanismes par lesquels l’Etat français contemporain réduit peu à peu nos libertés. Pour tester mes hypothèses de travail, je suis en ce moment amené à lire un grand nombre d’ouvrages, récents ou plus anciens, portant sur ces questions. Comme les autres comptes rendus de lecture du même type que je publierai au cours des semaines suivantes, le texte ci-dessous ne porte donc pas directement sur l’ouvrage lui-même, mais sur la manière dont il confirme ou infirme les thèses que je souhaite développer dans mon propre livre, et que je présente au début du compte-rendu sous la forme d’un encadré liminaire, afin de les tester à l’aune de cette nouvelle lecture).

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