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Petites pochades sans importance

Place Sainte Marthe

Cachée, aux pieds du quartier de Belleville, dans un entrelacs de petites rues situées entre le boulevard de la Villette et l’avenue Claude Vellefaux, la place Sainte Marthe est aujourd’hui un lieu agréable et pimpant.

Mais il y 20 ans, on ne pouvait pas en dire autant.

J’allais alors y prendre des cours de piano auprès d’un musicien de tango fauché.

L’étroite rue du même nom qui y conduisait depuis l’avenue Claude Vellefaux avait alors des allures de ghetto misérable. Une population majoritaire immigrée s’y entassait dans de petites maisons décaties de 3 ou quatre étages aux allures de gourbis, avec leurs escaliers vétustes, leurs logements sans confort et dégradés. Les anciennes boutiques d’artisans, quand elles n’étaient pas à l’abandon, avaient été transformées en épiceries et en cafés maghrébins. Quant à la place elle-même, c’était le lieu de rendez-vous de tous les clochards et les poivrots du coin.

C’était vivant, avec une population bruyante et bariolée. Mais je me souviens aussi que j’avais un peu peur d’y aller…

En moins de 20 ans, c’est fou ce que ça a changé !!! Les anciens bistrots miteux ont été transformés en galeries d’art et en bar à tapas aux devantures multicolores. Les vieux immeubles ont été entièrement retapés et abritent derrière leurs façades soignées des studios offrant tout le confort moderne. Les portes cochères munies de digicodes du dernier modèle laissent entrevoir de coquets jardins intérieurs. Place Sainte Marthe, un restaurant branché attire à sa terrasse des bataillons de yuppies animés et bavards.

Et bien sûr, une population nouvelle s’est installée là. Ils sont enseignants, informaticiens, chargés de communication, cadres commerciaux, musiciens, avocats et architectes…

Mais où sont passés les petits retraités maghrébins, les africaines en boubou, les chinoises sans papiers, les gosses qui jouaient au foot sur la place, les clochards un peu braillards dont les cris dérangeaient les voisins ?

Certains sont morts, d’autres sont partis vers une banlieue lointaine, d’autres plus chanceux ont été relogés dans un HLM du boulevard de la Villette…

Au fond, tout le monde s’en fout, de ce qu’ils sont devenus…

… Mais moi, quand je passe dans cette rue, je me souviens de ces gens disparus…

… parce que c’est quand même un peu de ma jeunesse qui s’est envolée avec eux.

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