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Cinéma de danse et de musique européen

Alice Guy Blaché (1873-1968) : une pionnière du film de danse

ImageSaviez-vous que les premiers films de danse de l’histoire du cinéma ont été réalisés à la fin du XIXème siècle ? Et, qui plus est, par une cinéaste française, Alice Guy Blaché ?

Cette découverte, que j’ai faite il y a moins d’une semaine, m’a conduit à remettre en cause les chronologies sommaires que j’avais élaborées sur l’histoire du film musical. Je croyais en effet jusque-là que le premier film de danse (Charlot danseur, en l’occurrence), datait de 1914, le premier film chanté (The Jazz Singer), de 1927, et le premier long-métrage dansé en couleur (Le Magicien D’Oz), de 1939. Mais c’était méconnaître le rôle pionner joué par Alice Guy Blaché dans tous ces domaines.

ImageNée en 1873 à Saint Mandé, celle-ci débute en effet en 1896 sa carrière de réalisatrice à la société de Léon Gaumont, dans les studios des Buttes-Chaumont. Elle y réalise jusqu’en 1907 des « vues comiques », puis des courts-métrages de fiction (La Fée aux choux, 1896), et même ce que l’on peut considérer comme le premier long-métrage de l’histoire du cinéma, La vie de Jésus-Christ (1906, photo ci-contre).

Elle réalise également de très nombreux court-métrages documentaires, ou plus exactement ce que nous appellerions aujourd’hui des « captations », sur des thèmes divers : scènes de rues, vie quotidienne, petits métiers, curiosités, prestations artistiques…

ImageParmi ces centaines de petits films, plusieurs ont pour thème la danse ou la musique. Avec même parfois, s’il vous plaît, de la couleur et du son !!! Car Alice Guy fut toujours à la pointe des  innovations cinématographiques de son temps…

Dès 1897, Elle tourne par exemple une des toutes premières scènes de danse de l’histoire du cinéma : Danse serpentine par Mme Bob Walter (2 mns), constitué d’un seul plan fixe où l’on voit une danseuse tournoyer en imprimant son ample jupe un mouvement ondulant.

ImageMais la production d’Alice Guy ne se limite pas loin de là, à de très courts films muets en noir et blanc. Elle s’engage en effet simultanément au début du XXème siècle dans trois innovations majeures : la production de films plus longs et complexes, l’introduction de la couleur et la sonorisation.

Par exemple, le film Espagne (1905), d‘une durée de 10 minutes, est constitué de plusieurs séquences présentant différents aspects de la vie quotidienne dans la péninsule ibérique. Parmi celles-ci figure une scène de danse gitane, à la conception elle-même plus ambitieuse que les films de danse précédemment cités, puisqu’elle comporte cette fois deux plans différents au lieu d‘un seul plan fixe.

ImageAlice Guy réalise également dès 1903, à l’aide de la technique Gaumont Chronophone, des courts-métrages sonores (oui, sonores vous avez bien entendu), appelés phonoscènes. Il s’agit notamment de captations de chansons, comme Lilas Blanc, de Mayol (1903) et Five O’Clock Tea, de Dranem (1905, photo ci-contre).

ImageEnfin, la réalisatrice introduit la couleur, comme en témoignent les deux courts-métrage suivants, d’environ deux minutes chacun : La Malageña et le torero, un court-métrage muet tourné en Espagne, où l’on peut voir un duo en costume traditionnel interprétant une danse folklorique (photo ci-contre) ; et Le Tango,  présentant une scène de tango andalou (photo ci-dessous).

ImageEn 1907, Alice Guy s’installe aux Etats-Unis, où elle est la première femme à fonder une société de production cinématographique, en l’occurrence la Solax Film Co. Celle-ci, localisée sur la côte est du pays, sera très active jusqu’à la fin des années 1910, avec à son actif une vingtaine de long métrages malheureusement disparus aujourd’hui. Mais les déboires de sa société, mal gérée par son mari, mettent un terme prématuré à sa carrière de réalisatrice alors même que l’industrie américaine du cinéma connait un boom extraordinaire sur la côte ouest des Etats-Unis. Elle mourra, quasiment oubliée, en 1968.

Une destinée bien injuste pour cette femme, qui joua un rôle pionner dans l’histoire du 7ème art et tout particulièrement du film musical et de danse. Alors, lorsque vous captez avec votre i-phone la démonstration de votre professeur de tango favori ou de votre groupe de salsa préféré, ayez une petite pensée pour celle qui eut la première, il y a plus d’un siècle, l’idée de filmer ce type de scènes !!!

Pour en savoir plus Alice Guy Blaché, cliquez sur la fiche Wikipedia.

Fabrice Hatem

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