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Reflets du cinéma latino-américain

O Homen que copiava (L’homme qui faisait des copies)

Fiction brésilienne de Jorge Furtado, 2003, 123 minutesImageAndré a un travail médiocre et mal payé : il fait des photocopies dans une papeterie de Porto Alegre. Pas terrible pour séduire les jeunes femmes du coin à la recherche d’un prince charmant (c’est-à-dire riche). Il dessine aussi et observe la nuit les habitants de son quartier à la jumelle. Il tombe ainsi amoureux d’une voisine, Silvia, vendeuse dans une boutique de vêtements. Il va chercher par tous les moyens à se procurer l’argent à ses yeux nécessaire pour la séduire. De transgression en transgression, il est ainsi entraîné dans des situations de plus en plus violentes et dangereuses.

Traité, malgré son thème assez grave (pauvreté, violence, désorientation morale de la jeunesse), sur un mode burlesque, le film possède d’immenses qualités. La narration à la première personne nous fait rentrer, de manière comique et décalée, dans le quotidien frustrant d’un jeune homme désargenté et complexé avec les filles. Les images de rue transmettent de manière convaincante et loin des clichés exotiques, l’atmosphère grise et ennuyeuse d’une ville brésilienne de province. Le scénario, digne d’un bon film policier, parvient à tenir le spectateur en haleine pendant plus de deux heures. Il  est de plus servi par un montage rythmé et plein d’inventions (insertion de dessins animés…). Enfin, la fraîcheur du jeu des acteurs crée une forte empathie pour les quatre protagonistes de cette bande improvisée de jeunes toquards réunis par le hasard de leurs rêves et de leurs frustrations.

Mais le principal intérêt du film réside peut-être dans un parti-pris qui m’avait, au premier abord, profondément choqué: l’oeuvre raconte en effet ,sur un ton de comédie légère, la montée d’une violence criminelle allant jusqu’à l’homicide. Et cela sans que le metteur en scène ne se départisse une seconde de sa sympathie pour ces quatre petits salauds improvisés auxquels il reconnait toutes les bonnes raisons du monde pour aggresser, trafiquer, fabriquer de la fausse monnaie, voler ou assassiner. Cette ultra-banalisation de la violence criminelle dans la société brésilienne d’aujourd’hui, sur fond d’implosion de la cellule familiale et de perte de repères moraux, constitue peut-être – qu’il soit ou non voulu – le principal et terrifiant message de ce film en forme de comédie légère.

Fabrice Hatem

(Vu au festival Filmar en Americalatina, à Genève, le lundi 19 novembre 2012)

www.filmar.ch 

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