Catégories
Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Les orchestres de Son à Santiago de Cuba : une tentative de recensement commenté

A mon amie et mentor la chanteuse Yaima 

photositebissetLors de mes visites à Santiago de Cuba, j’ai été frappé par la vitalité des orchestres de musique traditionnelle dans cette ville. Los Guanches, Las Perlas del Son, Morena Son, Septeto de la Trova, Bisset Son : autant de formations de grande qualité qui peinent parfois à se faire connaître en dehors de Cuba. Et pourtant, quelle source extraordinaire, peut-être unique, de talents, dont chacun mériterait qu’on lui rende longuement hommage, voit-on surgir là, loin des grandes scènes internationales !!!

Il m’a donc semblé que mon « devoir » minimal de voyageur de passage amoureux de cette musique consistait à faire un peu mieux connaître ces artistes de talent. J’ai donc entrepris de réaliser ce petit répertoire commenté des orchestres de Son à Santiago (1). Celui-ci reste, faute de temps et aussi par sa nature même, incomplet dans son contenu et imprécis dans ses limites.

Incomplet, parce que je n’ai pu aller écouter et interviewer tous les orchestres professionnels qui se sont produits à Santiago lors de mon séjour, en juillet ; parce que certains de ces orchestres n’étaient pas programmés à ce moment, faute de contrats ou du fait d’une tournée à l’étranger ; enfin, parce qu’il existe d’excellents orchestres amateurs qui ne passent pas forcément sur les scènes « officielles » du centre de Santiago.

Imprécis, parce que le répertoire de ces orchestres dépasse en général les strictes limites du Son, soit parce qu’ils interprètent d’autres styles de musique traditionnelle cubaine (Boléro, Trova, Afro…), soit parce qu’ils font des incursions dans d’autres formes de musique latino (Cumbia, Bachata…), soit parce qu’ils s’intéressent également à des styles plus modernes (Salsa, Timba..).

tivo3 La définition même du Son pourrait donner lieu à de très long développement qui feront l’objet d’autres articles dans la même série. Disons simplement ici que je me suis particulièrement intéressé ici aux orchestres :

– Dont la structure instrumentale est fondée sur le triptyque voix – cordes pincées – bongo (avec ajout possible d’autres instruments – vents et tumbadoras – dans les formations plus étoffées) ;

– Interprétant une musique populaire originaire de l’Oriente Cubain sur une mesure à 2/4 et fondée sur la cellule rythmique de la clave ;

– Et dont les compositions sont structurées en deux parties vocales entrecoupées d’intermèdes instrumentaux (introduction, ponts, coda ou fin). Dans la première partie, le chanteur soliste interprète une ou deux strophes écrites à l’avance. Dans la seconde partie, il réalise une succession de courtes improvisations vocales en alternance avec le chœur qui répète à intervalles régulier le même refrain, parfois très court.

Ces réserves et définitions liminaires étant faites, il est possible de recenser une trentaine de formations professionnelles de toutes tailles pratiquant la musique de Son à Santiago de Cuba (2). Je les ai classés selon deux critères hiérarchisés : la taille de la formation et l’ordre alphabétique (en donnant toutefois la priorité aux orchestres sur lesquels j’ai pu réunir une information originale, les autres étant regroupés en fin de section).

Chanteurs solistes (1)

grinan Eva Griñan

Cette chanteuse à la très belle voix de contralto a enregistré de nombreux disques et effectue régulièrement des tournées à l’étranger (Brésil, Espagne…). C’est donc l’une des artistes solistes santiaguera qui a réussi à « percer ». Elle n’était d’ailleurs pas présente à Santiago lors de mon passage en juillet dernier pour cause de contrat à l’extérieur. Je n’ai donc pu l’écouter.

Chelly Romero et Israel Guttierez

Ces deux vétérans de la chanson traditionnelle sont des piliers de la Casa de la Trova où ils chantent presque tous les jours en milieu de journée un répertoire traditionnel, souvent accompagnés à la guitare par Baldo Saez. Ils ne forment pas un duo, mais chantent ensemble depuis des années. Ils furent également chanteurs du Coro Madrigalista. De nombreux autres interprètes plus jeunes, en pleine possession de leurs moyens artistiques, leur ont témoigné en ma présence de grandes marques de respect.

saez Baldo Saez

Guitariste et chanteur, il a commencé à jouer à la Casa de la Trova à 20 ans. Il a été l’un des plus jeunes interprètes de l’ancien café de Virgilio et connaît bien la musique traditionnelle. Il accompagne plusieurs chanteurs solistes, dont notamment Chelly Romero et Israel Guttierez. Il a joué avec de nombreux groupes de Trova ainsi qu’avec l’orchestre Corazon de Son de Maria Ochoa.

Xiomara Vidal

Lorsque que je pénétrai, le vendredi 17 septembre 2010, dans la grande salle du rez-de chaussée de la Casa de la Trova, le concert de Xiomara Vidal avait déjà commencé. Un tout petit groupe de spectateurs – 4 ou 5 tout au plus – étaient alignés devant un nombre à peu égal de musiciens : deux guitaristes et un joueur de bongo, plus le présentateur-animateur qui faisait également, par moments, fonction de joueur de claves.

xiomara1 Dans tout autre spectacle, ce petit nombre aurait semblé bien faible, et la salle, désespérément vide. Mais ici, le sentiment de communion autour de la musique ne s’en trouvait que renforcé, et le groupe soudé des interprètes et du public dégageait une énergie tonique et positive.

Cette force vitale, c’est d’abord dans la voix de la chanteuse qu’elle prenait sa source. Une voix qui, en fonction des œuvres, pouvait recouvrir un très large spectre de nuances, depuis l’intimisme romantique, parfois teinté de tristesse, de certains Boléros, jusqu’à d’éclatantes « descargas » de Son aux rythmes très entraînants. Depuis 30 ans, Xiomara Vidal interprète la Trova (ou chanson) Santiaguera traditionnelle, le Son, ainsi que ses propres compositions.

Xiomara Vidal, née à Santiago de Cuba en 1955, est un peu considérée ici par les afficionados comme une grande prêtresse de la Trova. Depuis qu’elle a débuté sa carrière, il a plus de 30 ans, au Cabildo Teatral de Santiago – un groupe artistique très connu ici – elle est toujours restée fidèle à ce style, participant à de nombreux spectacles et festivals, écrivant des musiques de films, ainsi que plus de 35 compositions personnelles.

xiomara2. Que sa parole et sa voix fassent autorité dans ce domaine, on n’en doute plus lorsque son interprétation du Boléro-Son Lagrimas Negras vous entraînent dans un tourbillon rythmique qui va crescendo jusqu’au feu d’artifice final. Mais on est aussi séduit par sa manière directe, un peu péremptoire, de s’adresser à vous, yeux dans les yeux, avec son visage un peu boucané, pour vous présenter la chanson qu’elle va vous interpréter, complétant ainsi son tour de chant par plusieurs mini-conférence sur l’histoire de la chanson Santiaguera. De toute sa personne au physique râblé émane un sentiment de force vitale qui s’incarne aussi dans sa voix, puissante et tonique.

Soutenue par l’accompagnement discret mais efficace d’un guitariste et d’un joueur de bongo, elle nous propose ainsi un spectacle d’une très grande intensité musicale, mais également d’une haute valeur culturelle. Le public, composé d’initiés, artistes, amis et voisins, témoigne son enthousiasme à la façon cubaine, en frappant le rythme des claves, en reprenant les parties de chœur en réponse à la chanteuse, en interpellant les musiciens pour leur manifester leur approbation. Tout cela est chaleureux et entraînant, et l’on a vite fait de se saisir soi-même d’une paire de claves ou d’un bongo pour participer aussi à cette fête.

Mais je m’arrête ici pour vous laisser découvrir cette artiste à la grande présence scénique, à travers une petite vidéo et un diaporama.

Duos

Duo Cohiba

Formé en 1993, le duo intègre actuellement le guitariste et premier chanteur Youri et le second chanteur Lardué. Il interprète un répertoire traditionnel de Son et de Trova : Compay Segundo, Miguel Matamoros, Julio Brito, Sindo Garay, Nico Saquito. Il participe régulièrement à des festivals à Cuba, notamment le Festival de la Trova à Santiago.

Youri a une jolie voix de ténor qui incite au rêve poétique. Il vit dans le village d’El Cobre, dont il est originaire. Ses parents n’étaient pas musiciens professionnels, mais son frère et sœur sont également chanteurs.

cub5 Duo Los Cubanitos

Los Cubanitos ne font peut-être pas partie, techniquement parlant, des musiciens Santiagueros les plus exceptionnels. Mais c’est cependant à eux que je dois ma première découverte de la magie du Son et du Boléro cubain.

En m’approchant de ce couple de vieux musiciens inconnus, un jour de septembre 2010, je fus en en effet bouleversé par le charme de leur interprétation : elle avec sa voix enthousiaste, à peine ébréchée par l’âge, qui faisait si bien ressentir le romantisme des chansons de boléro ; lui, avec ses énergiques et chaleureux solos de guitare à faire chavirer le cœur le plus endurci. Leur musique me projeta instantanément, en rêve, dans le patio d’une maison coloniale du siècle passé, où, le cœur battant, je déclarais mon amour, par une chaude soirée d’été, à une belle indifférente.

Et ces artistes plus qu’honorables chantaient pour nous, non comme pour un public anonyme, mais comme pour de vieux amis, avec lesquels ils échangeaient des regards de connivence. Nous chantions, reprenions les parties de choeur et battions le rythme pour les accompagner. Entre deux chansons, ils nous parlaient d’eux, de leur vie, demandaient des nouvelles de notre pays, de notre famille. De temps en temps, le guitariste passait son instrument à l’un de ses auditeurs, pour qu’il nous interprète, à son tour, une chanson.

cub4 Leur nom : Los Cubanitos. Ils sont mariés depuis 40 ans. Lui, Feliberto Nuñez, a une étrange ressemblance avec Eliades Ochoa. Il a commencé sa vie comme travailleur agricole dans les champs de canne à sucre. Et puis, un jour, las d`être exploité et maltraité par les policiers de Fulgencio Batista, il a rejoint les Barbudos de Fidel Castro et combattu avec le Che. C’est elle, Caritad Sabari, qui lui a appris à lire. Et depuis, ils chantent ensemble la chanson populaire cubaine traditionnelle : Son, Guariras et surtout Boléros.

Entre deux chansons, ils nous parlaient de cette musique : les compositeurs, les circonstances de la création de tel ou tel thème… Feliberto s’aidait pour cela des tableaux accrochés derrière lui au mur. A chaque chanson, il nous désignait la toile représentant son auteur : Miguel Matamoros, Arturo Monzon, Sindo Garay… Et cette poésie, soudain, prenait pour nous une vie inattendue, faite des espoirs, des joies ou des déceptions de celui qui l’avait écrite, tandis que la galerie des portraits, elle aussi semblait magiquement s’animer à l’évocation de ces souvenirs. J’appris ainsi, par exemple, que la chanson Huellas del Pasado avait été écrite par Compay Segundo pour une femme dont il avait été très amoureux pendant sa jeunesse, et qu’il retrouva dix ans plus tard, mariée et mère de plusieurs enfants.

Je restais ainsi près de deux heures à les écouter chanter, évoquer leurs souvenirs qui, bien souvent, se confondaient avec l’histoire du Cuba contemporain, parler avec amour de cette musique cubaine traditionnelle, qu’ils connaissent sur le bout des doigts.

melod Pour voir quelques images de Los Cubanitos, cliquez sur les liens suivants : Diapo et Video.

Duo Melodías Cubanas

J’ai écouté pour la première fois ces deux charmantes chanteuses, qui ont derrière elles une longue carrière en juillet 2011. Georgina tient le rôle de première voix et Candelaria celle de seconde voix. Elles interprètent, sans arrangements compliqués, un répertoire de Sones et de Boléros traditionnels. Elles ont longtemps appartenu à la prestigieuse formation du Coro Madrigalista, dont elle sont parties il y a une dizaine d’années, remplacées par de jeunes chanteurs de formation académique. Elles se sont alors réunies en duo et chantent depuis à la Casa de la Trova.

ferrin Autres duos

Parmi les autres duos Santiagueros interprétant la musique de Son, on peut citer Madrigal et Voces Latinas. Je n’ai pu écouter ces formations lors de mon passage à Santiago en Juillet dernier. Enfin, Las Hermanas Ferrin, qui sont essentiellement connues comme un duo de chanteuses, se produisent aujourd’hui dans une formation plus étoffée (photo ci-contre).

Trios

Trio Eroshas

Ce trio est composé d’une chanteuse (Yaima), d’un guitariste et d’un violoncelle. L’essentiel de son répertoire est composé de chansons populaires cubaines et latino-américaines traditionnelles et contemporaines délicatement arrangées dans une sensibilité moderne. Un musicologue a un jour défini le style de ce groupe du nom de « musique populaire de chambre ».

eroshas Ils n’interprètent que peu de Sones. Je les mentionne cependant car ils constituent de véritables piliers de la Casa de la Trova et que leur musique est de grande qualité. Et aussi parce que la chanteuse, Yaima, une très chère amie, m’a beaucoup aidé – ou plus exactement a constamment guidé mes pas – dans mes recherches sur la musique populaire cubaine traditionnelle (ce répertoire des Soneros de Santiago, en particulier, n’aurait sans doute pas existé sans elle, et nous co-signerons bientôt un texte plus étoffé sur un sujet proche).

Pour en savoir plus sur le trio Eroshas, cliquez sur le lien suivant : Eroshas

Trio Jota Jota

Ce groupe reprend la formation de base des trios de Son : bongo, chanteur et guitariste. Sa réputation est très bonne, mais je n’ai pu l’écouter lors de mon passage à Santiago.

Quartets

Eliades Ochoa y su grupo Patria

eliades Je ne sais à vrai dire pas très bien dans quelle catégorie classer cette formation de musique cubaine traditionnelle, que certains appellent également du nom de Banda « El Jigue » : soliste, quator,sextet ? Ce groupe est en effet totalement dominé par la personnalité de son chanteur – guitariste vedette. Il est composé de deux trompettes, d’une basse, de percussions, d’un tres et d’un chanteur. Eliades joue de la guitare, son fils chante et joue des maracas. Il se produit parfois à la Casa de la Trova quand Eliades Ochoa est à Santiago. Je n’ai pu l’écouter pendant mon séjour.

Le Grupo Patria est directement issu de l’ancien Cuarteto Patria, dont Eliades Ochoa a été directeur pendant des années, avant de décider de lui adjoindre deux trompettes supplémentaires pour former le Grupo Patria. Cependant, Il arrive parfois qu’Eliades décide de ressusciter le vieux quartet.

Quintets

sol3 Quintet/Septet Sol y Son

J’ai passé de très agréables moments en la compagnie de cette formation de Son traditionnel, créée il y a une quinzaine d’année, et qui peut, selon les cas, peut prendre la dimension d’un quintet ou d’un septet. Son répertoire est constitué d’un mélange de musique traditionnelle et de composition des musiciens de d’orchestre – notamment celles écrites par son directeur, Elio Torres. Celui-ci, petit-fils d’un trovadore célèbre du début du siècle, Pepe Bandera, fut ingénieur de maintenance aéronautique avant d’opter pour la carrière artistique.

sol2 Sol y Son est le premier groupe de musique traditionnelle que j’avais entendu (en formation quintet) lors de ma première visite à la Casa de la Trova en septembre 2010. A l’époque, j’avais surtout été sensible à sa capacité à créer une atmosphère chaleureuse (voir mon reportage). Cette fois-ci, en juillet 2011, la chaleur humaine était toujours là, mais avec un plus une réelle qualité d’interprétation, notamment celle de la joueuse de Laud, Milagros, dont je vous propose d’écouter quelques extraits en solo.

La composition actuelle du groupe (en formation septet) est la suivante : Chanteur-directeur, Elio Torres. Tres, Nestrucilio Mustellier. Laud, Milagros Etchavaria. Violon, Robert Audoux. Guitare, Ahiedas Limonta. Chanteur, Alberto Rodriguez. Bongo, Roberto Caballero.

Sextets

garzon La Ronda Lirica

Ce très agréable sextet (violon, percussions, guitare, basse et piano électrique, voix) n’a que des rapports lointains avec le Son. En fait, il est surtout là pour mettre en valeur le répertoire de chansons romantiques (boléros…) et la jolie et douce voix de ténor d’Armando Garzon, accompagné en voix seconde par le guitariste Alejandro Almendares. Le violon contribue à accentuer le caractère très romantique du climat musical. Certains arrangements tentent une fusion entre plusieurs genres : boléro, jazz, Son, parfois même tango. C’est extrêmement sympathique, mais cette musique tranquille, poétique et sensible manque parfois un peu de tonus.

Pour voir quelques images de La Ronda Lirica en concert, cliquez sur le liens suivant : ronda.

Los Guanches

guanch1 J’avais déjà apprécié cet excellent orchestre lors de mon premier séjour à Santiago, en octobre 2010. Sur sa musique allègre, énergique, bien charpentée, j’avais pu danser avec beaucoup de plaisir la Salsa et le Son à la Casa de la Trova, où il se produit souvent. En revenant l’écouter cet été, j’étais bien décidé à en savoir plus sur cette formation, et j’ai donc sollicité un entretien avec son directeur, Armando Machado « Armandino ». Une requête acceptée avec simplicité par cet homme trapu, souriant et jovial. Celui-ci a répondu à mes questions, en présence des membres de son Sextet, entre deux « Sets » d’un concert, à la Casa Artex de la rue Heredia, un des centres névralgiques du son Santiaguero, le Lundi 18 juillet 2011 (photo ci-contre).

A Santiago de Cuba, la musique professionnelle se pratique souvent en famille. Il existe même de véritables dynasties musicales, comme les familles Miranda Varela ou Hetchaveria, où le talent et le métier se transmettent de génération en génération. Dans la famille d’Armando aussi, on joue entre frères, entre cousins. « Au début de ma carrière, j’avais formé avec mon frère un duo qui s’appelait Los Hermanos Machado ; il s’est ensuite s’est élargi, pour former un groupe du même nom » explique Armando. Et l’histoire de Los Guanches n’est pas très différente. « Le groupe s’est formé en 1993. Les musiciens étaient tous plus ou moins cousins, membres de la même famille. Et son premier nom a donc été El combo Los Primos (les cousins) ».

guanch2 Mais avant de former Los Guanches, Armando a parcouru une trajectoire musicale d’assez haut vol, s’intégrant avec talent dans les différents courants de la musique populaire Santiaguera. Il a par exemple participé, au début de sa carrière, au mouvement de rénovation de la Trova. « Dans les années 1980, nous avons formé, dans la rue Heredia, un groupe nommé Convergences, qui s’intégrait au mouvement dit de la Nueva Trova Santiaguera, aux côtés d’autres groupes, comme Murailla, Identidad, Granma, Unitad.

Armando joue ensuite dans de nombreux groupes de très bon niveau, côtoyant des musiciens de grand talent, parfois célèbres. Il intègre d’abord le CuartetoSantiaguero, puis le groupe Guitaras y Trovadores, sous la direction d’un trovadore très connu, Carlos Manuel Delgado, auteur de la fameuse chanson Si yo fuera como tu. Il s’incorpore ensuite au groupe Melodias de Ayer, dirigé par Juan Alberto Ferre Nuñez (l’ancien chanteur du groupe Los Jubilados, surnommé Bebeto). « J’étais tresero, percussioniste et directeur musical de ce groupe qui s’appelle maintenant Septeto Santiaguero », explique Armandito. Il joue également avec le CuartetoPatria au début des années 1990. Avec eux, il part en tournée à l’étranger, aux Etats-Unis, au Mexique, dans les Caraïbes, où il joue avec CompaySegundo, participe à des festivals internationaux…

guanch3 C’est en 1993, le 17 septembre 1993 exactement, qu’Armando fonde Los Guanches. On y retrouve pratiquement tous les musiciens de l’ancien groupe Convergence. L’orchestre a la structure d’un sextet dominé par les guitares et les voix. « Depuis le début, l’objectif de notre groupe est de sauver de l’oubli la musique traditionnelle cubaine et son style particulier, explique Armando. Nous n’avons pas d’instruments à vent ni de tumbadoras dans le groupe : notre sonorité est dominé par les guitares, le tres et le chant, avec un accompagnement de percussions et une contrebasse. Notre retrouvons aussi, en l’amplifiant, le style et la sonorité des trovadores et des soneros classiques. Notre musique est fondamentalement dansante ».

La discographie de Los Guanches – l’un des groupes de Son traditionnel les plus connus à l’extérieur de Santiago – est assez impressionnante. « Nous avons réalisé de très nombreux albums, comme El Muerto se Fue de Rumba en 1996 avec la maison d’édition mexicaine Corason ; puis en 1997 Vengo Juan avec le chanteur Armando Garzon. Nous avons également réalisé l’album Danzon con Descarga de Son, et un CD avec les soeurs Ferrin, dont j’étais co-producteur. Parmi les CD plus récents, je peux citer Son de Los Brujo, ainsi qu’un disque-hommage au Cuarteto Patria. Notre CD Mi Son Cubano a été nominé au Cubadisco. Et notre groupe a également participé au disque-collectif Veneración, ou il interprète le boléro Tristezasde Pepe Sanchez », explique Armando.

Le répertoire de Los Guanches, traditionnel et populaire, est très large : plus de 300 titres, parcourant toute la chanson cubaine, notamment celle du milieu du XXème siècle, entre 1920 et 1970. Il comporte également des compositions d’Armando Machado et de certains de des musiciens. « Nous voulons mélanger le passé et le futur « explique Armando. Outre les styles proprement cubains comme le Son ou le boléro, l’orchestre il peut également interpréter d’autres rythmes des Caraïbes, comme la Plena ou le Meringue.

La composition actuelle du sextet est la suivante : Percussions, Roberto Machado Gorda « El chino ». Guitare et chant, Rafael Casaco Cabrera « Felo ». Guitare cuatro et chant, Armandito Machado, directeur. Contrebasse, Robin Matos. Chant et percussions mineures, Ibrahim Burgos Alago. Guitare tres et chant, Marco Figueredo Silva.

Pour voir quelques images de Los Guanches, cliquez sur le lien suivant : vidéo.

Septets

trad3 Bisset Son

Lors de l’une de mes premières soirées à Santiago, en Septembre 2010, j’avais pu apprécier les grandes qualités du Septet Bisset Son : magnifiques solos de trompette et de guitare, rythmique très entraînante pour la danse, chanteurs qui feraient presque oublier la beauté de leur voix par le naturel de leur attitude et l’humour de leurs interprétations…

J’ai ensuite eu le plaisir de les retrouver, quelques jours plus tard, au Patio de los Dos Abuelos. Désireux d’en savoir davantage sur cette formation de grande qualité, j’ai pu poser quelques questions à son directeur, Hermelino Bisset, a aimablement accepté de me conter l’histoire de cette formation.

tivo6   copie Le septet a été formé au début de 2004, à l’initiative d’Hermelino. Celui-ci a longtemps joué dans un des plus prestigieux groupes de Son cubains, Los Jubilados, à l’éclatant palmarès musical : tournées internationales en Europe et en en Amérique latine, concerts avec Oscar de Léon, obtention du Cubadisco, nomination aux Grammys…

Et puis, un jour, Hermelino a décidé de voler de ses propres ailes. Il a réuni autour de lui six musiciens expérimentés. Certains d’entre eux étaient autodidactes, d’autres étaient issus de prestigieuses formations académiques. Mais tous avaient déjà derrière eux une longue et brillante carrière d’instrumentistes au sein de prestigieux orchestres, comme Chepin Choven, Sucaribe, Gloria Latina, Tierra Caliente, Banda Patrolera, La Mecanica, Tipica juventud…

bisset3 Le projet cette formation : faire vivre et faire connaître le Son cubain. « Cette musique était en train de se perdre, car la jeunesse d’aujourd’hui s’intéresse davantage au Reggaeton, explique Hermelino. Alors, nous avons voulu la sauver de l’oubli, comme le fait aussi Adalberto Alvarez ».

Le répertoire de l’orchestre est donc constitué essentiellement de musique cubaine traditionnelle : Son, Boléros, Guarachas, dont beaucoup ont été composées dans les années 1930 et 1940. Parmi les auteurs, reviennent fréquemment les noms de Arsenio Rodriguez, Felix Chappotin, Pedro Flores, Compay Segundo, Jose Nicolas… Mais l’orchestre interprète également ses propres compositions : une dizaine au total. Les arrangements sont réalisés par Ismael Garcia Carron, venu d’un de ces quartiers périphériques de Santiago qui constituent les véritables berceaux de la musique cubaine, Palma Soriano.

bisset2 « Nous jouons simplement de la bonne musique traditionnelle cubaine pour faire danser les gens. Nous cherchons donc des arrangements qui aient un rythme contagieux et de la saveur ». explique Hermelino. Apparemment avec un certain succès, puisque l’orchestre est très populaire à Santiago, où il se produit dans la plupart des lieux nocturnes les plus réputés : Patio de los Dos Abuelo, la Claqueta, la Casa de los Caribes… Il participe également à de nombreuses émissions locales de radio et de télévision radio, comme « Buena Noche Santiago » de Radio Mambi ou « Noche Tropical » de Radio Revolucion.

En écoutant Bisset Son et d’autres orchestres de cette qualité, je suis toujours surpris qu’ils ne bénéficient pas d’une plus large audience nationale, voire internationale. Il est vrai que le talent n’est toujours reconnu sur le lieu même où il naît. Il a fallu qu’un producteur Colombien s’intéresse à Pablo Montanié pour qu’il soit reconnu à Cuba. A quand donc, un nouveau Buena Vista Social Club entièrement consacré à la musique Santiaguera d’aujourd’hui ?? Elle le mérite en effet plus que largement … Et, à défaut d’une main tendue à leur talent, ces orchestres risquent en effet de se retrouver un jour démoralisés et appauvris.

Pour regarder et écouter l’orchestre Bisset Son, cliquez sur les liens suivants : Diapo et Video.

corazon Corazon de Son

Ce septet dirigé par Maria Ochoa (sœur de Eliades, qui n’était pas là le jour où je les ai entendus), interprète une musique campesina, joyeuse et légère (largement du fait de la présence du laud et de la flûte). Son répertoire intègre beaucoup de boléros, alertant œuvres classiques et compositions pus contemporaines comme Solo Una Lagrima, écrite Tony Rondon, le chanteur à la très belle voix, puissante et éclatante, qui parfois même domine l’orchestre.

Composition de l’orchestre : Guitare (Baldomero Saez) ; Tres (Yovannis) ; Tumbadoras ; Laud (Milagros) ; percussions (Vladimir) ; chant (Tony Rondon) ; flûte (Tamara, qui a également fait des études de musique classique).

esteud Estudiantina Invasora

Ce septet à la longue histoire est composé d’une tres, de deux guitares, d’une contrebasse, d‘une percussion et de deux chanteurs. Il est dominé par la personnalité de son directeur- trompettiste, Paisano, au style original et dont les accents rappellent parfois ceux de Louis Armstrong.

Paisano a derrière lui une carrière d’interprète assez prestigieuse : membres de l’orchestre symphonique de Santiago, de l’orchestre Chepin Choven… Il dirige depuis plus de 15 ans la Estudiantina Invasora. Il joue assis, un peu à l’écart des autres membres de l’orchestre (En le comptant, on obteient donc un octet).

Pour écouter un extrait de leur musique in vivo : Estudiantina

valera Famille Valera Miranda

Cette excellent septet tire son nom d’une dynastie familiale de musiciens, comme il en existe plusieurs à Santiago (Choven, Hetchavaria…). La Famille Valera Miranda, qui habite dans les collines (« Lomas ») des environs de Santiago est l’une des plus connues d’entre elles. Elle contient dans son répertoire un thème intitulé « Castellanos» qui pourrait avoir directement inspiré la composition « Que Bueno Baila Usted » de Beny Moré. La formation actuelle, malgré son nom, intègre en fait une majorité de musiciens n’appartenant pas à la famille, et en particulier le chanteur principal (excellent), Tony Rondon.

Je vous propose d’écouter quelques extraits d’un concert de la famille Varela Miranda à la Casa de la Trova en juillet dernier en cliquant sur le lien suivant : Valera.

Grupo Changui de Santiago

changui Ce groupe de musiciens assez âgés, dirigée par le chanteur Victor Perez, interprète les rythmes populaires traditonnels tels que le Lingo, le Changi (venu des collines de Guantanamo), le Kiriba, le Mengon, le Suku Suku (venu de la Isla de la Juventud). Il incorpore trois chanteurs, 3 percussions (bongo, marimbula, chereke), et un tres.

La musique de Changui a une saveur un peu plus rurale et africaine que le Son, mais lui ressemble beaucoup. Certains musicologues considèrent le Changui comme l’antécédent direct du Son, d’autres comme une variante, archaïque mais contemporaine, de celui-ci.

Pour écouter un extrait de leur musique in vivo : Changui

perl8 Las Perlas del Son

C’est en septembre 2010, au Patio de los Dos Abuelos, que j’avais entendu, pour la première fois, le Septet féminin Las Perlas del Son.

Avant même le début du concert, elles égayaient déjà la scène avec leur joli body de satin rose clair. Puis elles commencèrent à jouer les Boléros romantiques, les Son entraînants et les Guarachas comiques qui composaient leur répertoire. Leur orchestre à la rythmique entraînante dégageait une énergie juvénile et joyeuse. Les trois chanteuses se complétaient très agréablement : l’une, un peu forte, avec sa voix verte et mutine ; la seconde, dont on se demandait par quel miracle un corps si fluet pouvait produire un timbre si puissant et profond ; la troisième, une grande et belle femme aux gestes athlétiques et au chant voluptueux. Non seulement elles chantaient bien, mais elles animaient aussi agréablement le spectacle par de jolie mini-chorégraphies, des jeux de scène, de petites animations comiques éparpillées entre ou au milieu même des chansons. Cet agréable trio vocal était accompagné par deux guitares qui ajoutaient encore un peu de légèreté et de fraîcheur à l’ensemble, et, bien sûr, un bongo et une contrebasse.

perl4 Je les ai retrouvées en juillet 2011, mais quelque chose avait changé. Au lieu des adolescentes un peu mutines sont j’avais gardé le souvenir, j’avais maintenant l’impression de me retrouver en face de femmes adultes, volontaires, dégageant un puissant fluide vital imprégné d’érotisme. La raison de cette mutation inattendue me fut donnée, lors d’un entretien par l’actuelle directrice du groupe, Oleisis Infante Guerra : depuis mon dernier passage, la composition du groupe avait été presque entièrement modifiée, avec le départ et le remplacement de cinq des interprètes, et notamment l’entrée d’une nouvelle chanteuse, Jacqueline, dans le trio vocal. Mais commençons par le commencement.

Le sextet féminin Las Perlas del Son est apparu en 1995. A l’époque, le Monde du Son est dominé à Santiago par des hommes aux préjugés machistes bien ancrés. Beaucoup considèrent que les femmes n’ont pas l’énergie nécessaire pour interpréter cette musique, et notamment les percussions (bongo et tumbadoras), instruments nécessitant une grande force physique.

perl7 Rosa Maria Lopez Mustellier n’est pas d’accord. Elle regroupe autour d’elle plusieurs jeunes musiciennes auxquelles les portes des orchestres sont fermées. Un premier projet de Septet, Las Divinas, n’a qu’une existence éphémère. Mais Rosa Maria ne se décourage pas et créé en 1995 Las Perlas del Son, le premier groupe féminin de musique traditionnelle à Santiago.

Cette fois, les choses vont durer. Quinze ans plus tard, le groupe a à son actif de nombreuses tournées à l’étranger (Japon, Australie, Mexique, Canada, Nouvelle Zelande, Mexique) ; la participation régulière à des festivals (Festival Ignacio Pineiro de musique traditionnelle, Festival des Caraïbes, Fête du feu, Festival international de documentaire Santiago Alvarez, Festival international de la Trova, Festival international du Son) ; et la réalisation de 5 CDs, dont le dernier, Siempre soneras, a été publié en février 2011.

perl1 « L’idée fondamentale de Las Perlas a toujours été de maintenir la musique traditionnelle cubaine, mais en intégrant le moment d’aujourd’hui, le contemporain » explique Oseisis, l’actuelle directrice (photo ci-contre). Mais nous sommes aussi un groupe de show : nous faisons pour chaque thème une petite mise en scène, nous jouons la comédie, nous dansons de petites chorégraphies, nous utilisons l’humour, le double-sens, le picaresque. Dans nos arrangements, les lignes de chant solistes se dédoublent, les chanteuses se répondent à l’intérieur de la chanson. Nous interprétons notre musique un peu en avant de la pulsation rythmique, ce qui lui donne un côté plus frais, plus juvénile. Nous passons aussi souvent d’un rythme à l’autre à l’intérieur du même morceau : du Son au Cha Cha Cha et vice-versa, C’est notre « toque » à nous, notre manière de faire, qui sort un peu du commun des orchestres de Son ».

Le groupe possède aujourd’hui un répertoire très large, allant de la musique traditionnelle (Pepe Sanchez, Miguel Matamoros, Sindo Garay, Marcello Guerra, CompaySegundo), jusqu’à des compositeurs contemporains : Marcos Perdomo, Vladimir Lopez, Emilie Rodriguez, Pedro Figuereido, Jacqueline Sarran Palay… Il interprète, bien sûr, des Sones et des Boléros, mais aussi une proportion importantes de Guarachas – une variété de musique traditionnelle faisant une large part à l’humour, au double-sens et au picaresque.

perl6 Depuis 8 mois, le groupe s’est profondément renouvelé, beaucoup d’interprètes s’étant mariées et parties à l’étranger. C’est en particulier le cas de Rosa, la fondatrice, qui a laissé sa place de directrice à Oseisis, qui était déjà membre du groupe depuis 2000 comme chanteuse et percussionniste mineure. Et aussi de l’une de chanteuse, Mercedita, remplacée par une nouvelle venue, Jacqueline, ancien chanteuse du groupe Septeto Cumbre. Ceci a entraîné, comme je l’ai dit plus haut, une profonde modification de la couleur musicale de l’orchestre.

Mais parlons d’abord de ce qui n’a pas changé. Le Septeto Las Perlas c’est, d’abord et avant tout, trois chanteuses solistes accompagnées par une guitare, un tres, un bongo et une contrebasse. Il n’y a pas d’instruments à vent, pas de tumbadoras et peu de solos instrumentaux. C’est donc avant tout le jeu des trois chanteuses, placées bien visiblement en première ligne de l’orchestre, qui fait l’identité musicale et artistique du groupe. Une caractéristique qui s’est même encore renforcée avec les changements intervenus dans la composition de celui-ci.

perl3 Je les ai vues jouer le 18 juillet dernier à la salle Artex de la rue Heredia. Comme en septembre dernier, leur tenue de scène était soignée, toutes les musiciennes étant vêtues à l’identique. Elles portaient toutes cette fois-ci un pantalon blanc et un body noir au corsage rehaussé de broderies argentées.

Le premier morceau qu’elles interprétèrent ce soir-là s’appelait Ave Maria Mora. C’était la première fois qu’elles jouaient. Tout de suite, j’ai senti la différence avec la précédente formation. Il y avait dans les voix quelque chose de plus africain, de plus instinctivement vital, de plus pêchu, qu’auparavant. J’avais vraiment l’impression que les jeunes filles mutines de l’année passée s’étaient transformées en femmes d’expérience, aimant les plaisirs de la vie et sachant exactement ce qu’elles pouvaient attendre des hommes.

Puis les titres s’enchaînèrent, alternant traditionnel et contemporain : Sieteanos, de Polo Montanez, sur un rythme de Bachata ; l’ultra-classique Lagrimas Negras, de Miguel Matamoros ; puis deux compositions récentes, Montuno si es, de Miguel Rodriguez, et Con el Sonar de los Cueros, de Vladimir Lopez. Enfin un Changui-son de Polo Montanez, Locura, chanté très énergiquement, avec une saveur un peu flamenco.

On voyait et on entendait surtout les trois chanteuses, tandis que les quatre instrumentistes restaient beaucoup plus discrètes, avec très peu de solos instrumentaux. Un peu incertain au début, le swing et l’énergie du groupe se mit progressivement en place, à mesure notamment que la salle, initialement presque vide, se remplissait d’un public attentif, permettant à l’orchestre de trouver davantage d’assurance, notamment dans l’interprétation pleine de vitalité de Locura, à la fin du second set. Au total, un moment fort agréable, qui s’est terminé en feu d’artifice.

Pour une quelques images de Las perlas del Son dans leur ancienne et leur nouvelle formation, cliquez sur les liens suivants : ancien et nouveau.

Los Jubilados

Cette formation de Son traditionnel a connu sa plus grande heure de gloire il y a une vingtaine d’années. Les musiciens et le chanteur de l’époque, de formation empirique, avaient un son très original. La légende raconte que lors d’une tournée au Mexique, il avaient réussi àattirer un public supérieur à celui de Los Van Van. A Santiago, ils jouaient dans un lieu appelée Filin, qui est aujourd’hui devenu la Casa del coro madrigalista.

Depuis, les fondateurs (le bassiste s’appelait Ňaña, le chanteur Bebeto), morts ou malades, ont été remplacés et l’orchestre s’est entièrement renouvelé, avec une sonorité et un répertoire très différents, inspiré notamment par Pedro Gomez, chanteur-compositeur et directeur actuel du groupe. Leur musique reste extrêmement agréable pour danser.

cont1 Septeto contemporaneo

A Santiago de Cuba, les bonnes surprises artistiques vous guettent pratiquement à chaque coin de de rue. En particulier, la Casa de la Trova, avec sa dizaine de concerts quotidiens étalés tout au long de la journée, fonctionne comme un festival permanent du Son et de la chanson cubaine traditionnelle. Il suffit de s’y rendre à partir de midi, sans même prendre la peine de consulter le programme, de s’installer tranquillement, un verre de rhum à la main (n’abusez pas trop, tout de même, car l’addiction est rapide), et vous voyez défiler devant vos yeux émerveillés des orchestres de qualité presque toujours excellente, parfois exceptionnelle.

cont6 J’en ai eu une nouvelle preuve en écoutant à deux reprises, au cours du mois de juillet, une excellente formation de Son, le Septeto Contemporaneo.

Cet orchestre est un quelque sorte la preuve vivante de l’enracinement de la Timba contemporaine dans le Son traditionnel. Il est en effet exclusivement composé des instruments classique des Septeto de Son (guitare, tres, tumbadora, bongo, deux chanteurs, contrebrasse). Et pourtant, son « toque » est, par moment, très proche de celui d’un orchestre de Timba : le tempo rapide, le son « macho » des percussions et la vitalité du chant font oublier l’absence des cuivres et des claviers électroniques.

cont4 Le jeu scénique du chanteur principal, EdnarBoch (Piqui), avec ses longs cheveux tressés à la Bob Marley, rappelle parfois – en plus discret tout de même – celui des chanteurs de Timba de la Casa de la Musica de La Havane. Mais il y a aussi dans sa manière d’établir une communication chaleureuse et enjouée avec le public quelque chose d’intime et de bon enfant qui nous rappelle que nous sommes bien à Santiago, berceau des rencontres amicales de trovadores. D’ailleurs, les musiciens d’autres formations, comme par exemple le flutiste du groupe MonedaNacional, n’hésitent pas, à l’occasion, à monter sur scène pour venir « faire le bœuf » sans chichis.

cont3 Le groupe a été fondé en 1993 par des étudiants en musique. L’essentiel de son répertoire est composé d’œuvres originales dont la plupart ont été écrites par Esteban Blanco, directeur et tumbadore (Supe de Alguien) ainsi que par d’autres musiciens de l’orchestre, comme le guitariste et chanteur Ernesto Camacho (Canto corazon). « Notre sonorité a été dès le début très différente des orchestres de Son traditionnels, explique Esteban Blanco. Nous étions jeunes, nous avions hâte de renouveler le style par un répertoire et des arrangements originaux. Nous étions un peu en avance pour l’époque, et, au début, nous avons été un peu incompris. Un jour, un musicien qui était venu écouter répéter nous a dit : pourquoi ne pas vous appeler Septeto Contemporaneo ? ».

cont5 Mais l’orchestre sait aussi parfaitement donner un ton plus traditionnel à ses interprétations, par exemple quand il joue de sensuels et lent boléros romantiques (Cuanta pena me das) ou d’allègres Guajiras. Il fait aussi quelques incursions réussies dans des styles étrangers, comme la Bachata (Si Supieras Amor). J’ai aussi été séduit par quelques chants A capella très réussis.

Ces musiciens talentueux et sympathiques méritent d’être davantage connus et reconnus. Pour animer un petit festival en Europe, ils seraient parfaits… et beaucoup moins chers sans doute que les grands fauves de la Timba. Je vous livre donc leur numéro de téléphone comme je jetterais une bouteille à la mer : 00 53 22 62 66 31.

Pour écouter quelques mesures du Septeto Contemporaneo, cliquez sur le lien suivant : septeto

Septeto Cumbre

Cet excellent septet bénéficie notamment du talent d’animateur de son chanteur principal, qui établit une bonne communication avec le public. La présence d’une flûte à la place de l’habituelle trompette donne un son mélodieux et aérien à cette formation. ecos

Septeto Ecos del Tivoli

Cette formation très solide, de composition classique (tres, guitare, trompette, etc.), nous offre une musique très carrée avec une excellente pulsation rythmique (voir photo ci-contre).

Pour écouter un extrait de leur musique : eco

moneda Septeto Moneda Nacional

Cet excellent groupe a été créé en 1998. J’ai particulièrement apprécié, bien qu’il ne s’agisse que d’une partie marginale de leur répertoire, leurs très beaux chants masculins a Capella. Sa section rythmique, qui comprend une tumbadora à côté du traditionnel bongo, est excellente. La présence d’une flûte à la place de l’habituelle trompette des septets donne un caractère doux et aérien à sa sonorité.

Septeto Morena Son

morenas Morena Son est, comme Las Perlas del Son, un Septeto féminin (avec parfois la présence d’un chanteur mâle, Tony Rondon). Par rapport à ces dernières, la section rythmique est plus puissante, avec la présence d’une tumbabora aux côtés du Bongo. Par contre, la section vocale n’incorpore que deux chanteurs (épaulés il est vrai par l’une des guitaristes), contre trois pour Las Perlas.

La plupart des musiciennes ont une formation académique et donc une technique instrumentale très solide. Par exemple, la bassiste – directrice et professeur de solfège au conservatoire. L’une des chanteuses a étudié le chœur. La joueuse de tumbadora est diplômée de théâtre et a aussi étudié le chant.

Le résultat est une musique de grande qualité, mais avec une priorité moins grande donnée à la « mise en scène » que dans le cas de Las Perlas.

Pour voir quelques images de Morena Son, cliquer sur le lien suivant : Vidéo.

oriente Septeto Oriente

Cet orchestre a derrière lui une longue histoire. Il fut d’abord créée comme quartet en… 1929. C’est donc depuis 80 ans qu’il interprète le Son traditionnel. Son actuel directeur, Omar CasallsLarduit, fut notamment guitariste du duo Las Hermanas Reyes (fameux chez les afficionaos). Il dirige la formation depuis une vingtaine d’années. Il a rajouté une flûte, une basse et un bongo à l’antique quartet pour former le septet actuel.

Le répertoire du groupe est essentiellement traditionnel (œuvres de Garay, Matamoros, Bley, Mustellier, Almendares, Castillo, Del Castillo), avec adjonction de quelques oeuvres de Omar Casalls. La flûte, préférée par l’actuel directeur à la plus stridente trompette, donne à l’ensemble une sensibilité mélodique qui se combine agréablement avec les voix et le bongo.

Le groupe s’est produit à l’étranger à de nombreuses reprises : Espagne, France, Hollande, Belgique.

Septeto Santiaguero

santag Il s’agit de l’un des septets de Son les plus connus de Santiago. Je n’ai pu les écouter lors de mon séjour car ils étaient en tournée à l’étranger. Je vous propose de les découvrir en cliquant sur les liens suivants : Histoire pour connaître l’histoire du groupe et musique pour écouter un extrait de leur musique.

Septeto Típico Tivoli

Après une première phase d’enthousiasme indifférencié devant la vitalité de la scène musicale Santiaguera, le visiteur de passage, pour peu qu’il cherche à approfondir le sujet, commence à classer et à juger. Dans la musique populaire de l’Oriente, il y a en effet un peu de tout : des groupes petits et grands, traditionnels et innovants, célèbres et inconnus, et … bons ou mauvais.

tivo5 En appliquant les critères précédent, je pourrais définir le Septeto Tivolo comme des nombreuses formations Santiaguera de grande taille, proposant une musique populaire de qualité, innovante et ouverte sur les rythmes caraïbes voisins, et dont la notoriété internationale ne me semble malheureusement pas à la hauteur de sa valeur réelle.

Le groupe fut créé en 1995 sur une idée qui aujourd’hui paraît bien dépassée au vu de son répertoire actuel : interpréter exclusivement de la musique traditionnelle composée à Santiago de Cuba. D’où son nom : Septeto Tivoli – une référence à l’un des quartiers les plus typiques de Santiago, qui fut également l’un des berceaux de la Trova. Quinze ans après, le groupe existe toujours et a même fait preuve d’une remarquable stabilité : 5 de ses fondateurs sont en effet toujours présents dans la formation actuelle. Cependant, son projet artistique, au départ un peu restrictif, s’est notablement élargi dans deux directions : d’une part, le développement d’un répertoire contemporain, dont une grande partie est d’ailleurs l’œuvre des musiciens du groupe ; d’autre part, l’agrégation, sur un socle à l’identité cubaine profondément marquée (Sones et Boléros), de styles musicaux venus du reste des Caraïbes (Merengue, Bachata), ainsi que de Salsas.

tivo4 « Les thèmes traditionnels et contemporains s’équilibrent dans notre répertoire, explique Eduardo Charon, le directeur du Septet (photo ci-contre, avec Andrès). Nous voulons que notre public retrouve ses repères de musique traditionnelle. Mais nous essayons de donner à ces œuvres classiques un « toque » actualisé dans nos arrangements. Par contre, dans la partie moderne de notre répertoire, nos arrangements conservent un certain classicisme. Nous espérons ainsi donner une identité musicale homogène à notre orchestre ».

Les dosages sont cependant différents selon les circonstances. Par exemple, dans le dernier CD du septet, De mi isla al caraibe, les compositions contemporains et les rythmes extérieurs à Cuba sont largement dominants : sur les 12 thèmes de l’album, six ont été écrits par des musiciens du groupe et presque tous les autres par des compositeurs actuellement en vie. On n’y compte que 4 Sones et autres Boléros, contre 8 Bachatas, Merengue et Salsas. A l’inverse, dans les concerts auxquels j’ai assisté à Santiago, la partie cubaine traditionnelle était largement dominante – image touristique de la ville oblige -, avec notamment un Chan Chan surprenant d’inventivité musicale.

tivo6 Le Septeto Tivoli respecte la structure traditionnelle des groupes de son : deux chanteurs, une basse, un bongo, une tumbadora, un tres, une guitare. Cependant, comme son nom ne l’indique pas, il rassemble plus de 7 musiciens : en effet, ce ne sont pas 2 mais 4 chanteurs qui gravitent autour de la formation, pour des raisons liées à la fois à la diversité des répertoires et – surtout – aux contraintes des calendriers artistiques (certains chanteurs étant souvent en tournée avec d’autres groupes).

Certains musiciens ont une formation académique. Les autres viennent, comme on dit ici, de la « calle », ce qui signifie, en gros, qu’ils se sont formés par eux-mêmes, de manière empirique. Andrès, le tresero, et Erick, le bassiste, ont respectivement étudié la guitare et le violon dans les écoles d’art. William, le percussionniste, est également un musicien diplômé. Ils sont d’ailleurs souvent aussi professeurs dans des écoles de Santiago, à l’exemple de William, professeur de percussions à la Escuela Vocacional de Artes. Par contre, Eduardo Charon, le guitariste (et aussi directeur du groupe) ainsi que Ramon, le bongocero, sont des musiciens empiriques. C’est le cas également de la plupart des chanteurs, comme Miclin (photo ci-dessus). Cette association entre musiciens empiriques et académique, sans être propre au Septeto Tivoli, constituent cependant in fine l’une de ses forces majeures : les qualités des uns et des autres – connaissances théoriques et virtuosité technique des académiques, instinct musical et toque populaire des empiriques – se complètent de manière harmonieuse. « Les rythmes populaires de Cuba s’apprennent dans la rue, et chacun développe sa propre façon de jouer » reconnaît Andres, le tresero, lui-même de formation académique.

tivo1 Le secret de cette alchimie réussie réside peut-être dans l’esprit de groupe qui anime les membres du Septeto, et dont la manière de réaliser les arrangements constitue la plus claire – et la plus décisive – illustration. Bien sûr, l’idée central vient du directeur, Eduardo. « Mais ensuite, explique Andrès, chacun prend en charge un aspect des choses, Selon ses compétences et sa spécialité d’instrumentiste », explique Andrès. Les cordes sont par exemple l’affaire d’Andrès. William s’occupe des percussions, Eduardo prépare les différents types de choeurs, Erik fait le montage final. Et puis, il y a aussi des parties improvisées, notamment celles de la trompette entre strophes. Au bout du compte, c’est le jugement collectif du groupe qui permet d’achever l’arrangement « Si ça sonne bien, c’est gardé » dit Andrès.

Le résultat est une musique pleine d’imprévus, de changements de climat, mais qui présente en même temps une grande unité d’ensemble, et surtout se prête très bien à la danse, du fait notamment de la solidité de la section rythmique, toujours très en place : or, il n’y a justement rien de plus difficile à concilier pour un orchestre de musique populaire, que l’ambition artistique et la capacité à « chauffer » une salle de danse.

tivo2 Selon les morceaux, l’orchestre sait également jouer sur une large palette de nuances, comme le montre l’écoute du CD De mi isla al caraibe (dont on aurait tout de même pu espérer qu’il soit reproduit avec davantage de soin : écouter une musique crachouillante et bégayante est une épreuve très désagréable, et les fables moyens techniques cubains s’excusent pas tout). Dans Quiero Salsa (salsa), la musique, très carrée, sonne parfaitement pour la danse. Dans Traicionera(Merengue), on apprécie la qualité des solos de tres et de trompette, la vitalité des dialogues entre les chanteurs solistes et le choeur, les jolis contrechants de tres autour des voix. Dans Viejo Amigo, les lignes mélodiques des différents instruments s’entrelacent en une harmonieuse et précise polyphonie. Un des secrets de ce son de qualité (outre de très nombreuses répétitions hebdomadaires) nous est donné par Eduardo : « nous avons investi dans des instruments de qualité ». Et quand on connaît Cuba, on sait la somme de sacrifices que cela peut représenter pour des musiciens aux revenus souvent faibles, toujours incertains.

En résumé, Ils sont bons. Ils ont déjà réalisé 6 CDs, dont 3 avec la compagnie d’Etat cubaine Egrem et 3 en indépendants. Ils sont déjà allés en France, aux Etats-Unis, en Belgique, en Ecosse, en Angleterre… Leur meilleur souvenir ? La France, justement, ou ils sont venus, deux années de suite, en 1998 et 1999, animer la saison d’été du Casino de Deauville-Trouville. « Nous avons appris énormément de choses, là-bas, se rappelle Eduardo avec enthousiasme. Et puis, il y a eu ces 15 jours à Paris… Ils aimeraient bien revenir !! Avis aux amateurs de bonne musique cubaine….

Coordonnées du groupe : mcss@arzsantiago.co.cu ; ippss@arzsantiago.co.cu (Ecrire à Erik)

Pour écouter quelques mesures de leur musique cliquez sur : Tivoli

Septeto de la Trova

photseptetotrova Ce très bon orchestre professionnel était originellement un quintet, avant de s’élargir pour former un septet. Ses membres m’ont semblé de très bon niveau musical : d’excellents chanteurs, un très bon trompettiste et une section rythmique parfaitement en place. Leurs répertoire est essentiellement composé de sons et de boléros traditionnels auxquels ont été ajoutées des compositions récentes. Leur communication avec le public est très bonne, et les danseurs sont encouragés dans leurs efforts. Certains estiment que le côté « musique d’animation » a trop pris le dessus par rapport à leurs ambitions musicales.

Pour voir quelques images du septeto de la Trova, cliquez sur le lien suivant : diapo et video.

buenafe Son de Buena Fe

J’avais été frappé, dès mon premier séjour à Santiago en septembre dernier, par l’extraordinaire énergie rythmique, très propice à la danse, qui se dégage de cet ensemble, ainsi que par la sonorité éclatante, électrisante de sa trompette. L’introduction d’instruments électro-acoustiques et l’amplification de la section rythmique donne à cet orchestre des caractéristiques proches de celles d’une Sonora. Sa musique est à mi-chemin entre le Son et la Salsa.

Pour lire mes premières impressions de l’orchestre Son de Buena Fé et écouter quelques mesures de sa musique, cliquer sur le lien suivant : Son.

Autres septets

Parmi les autres formations que je n’ai pas pu encore écouter, je voudrais mentionner : le Groupe Granma (Son, Boléro des années 1950), le Septeto Luz, Azucar, ou encore Sones de Oriente.

Octets et davantage

Groupe guitaras et trovadores

guitaras C’est une formation de 9 musiciens : trois chanteurs, un bongocero, un joueur de tumbadoras, une contrebasse, une trompette, une guitare, un tres. Elle dégage un son puissant, parfois un peu dur (dû notamment à la stridence de la trompette et à la voix très perçante de l’une des chanteuses). Son répertoire est essentiellement composé de Sones, Boléros et Boléros-Sones.

Pour écouter un extrait de leur musique in vivo : guitaras

Conclusion

J’espère avec ce petit texte vous avoir donné envie d’en savoir davantage sur la musique traditionnelle populaire de Santiago – et, pour les organisateurs de festival ou de concerts, vous avoir donné l’idée d’en inviter un en France.

Le recensement précédent reste cependant à la fois incomplet dans la liste de artistes mentionnés et trop superficiel dans ses analyses. J’espère pouvoir le compléter (et le mettre à jour), à l’occasion de mes prochains séjours à Santiago.

Fabrice Hatem

(Ce texte a bénéficié de nombreuses et décisives contributions de la chanteuse Yaima, sans laquelle il n’aurait pu exister. j’assume cependant seul les jugements de valeur sur les artistes cités)

_________________________________________________________________________________

(1) Celui-ci n’aurait pu être réalisé sans l’aide de mon amie et guide la chanteuse Yaima, avec laquelle je réalise actuellement un travail plus complet et plus fouillé sur un sujet proche, mais un peu plus vaste.

(2) Pour donner une première idée des lacunes éventuelles de mon recensement, je vous fournis la liste des interprètes de l’album Veneracion, publié en 2010 par l’Egrem, qui propose un florilège des interprètes de Son les plus reconnus de Santiago (voir le lien suivant : Veneracion). Il faudrait rajouter encore à cette liste le groupe Los Karachis, Son 14 et Candido Fabre, que, pour différentes raisons je n’ai pas inclus dans mon recensement (pour Candido Fabre, voir Candido ; pour Adalberto Alvarez, voir Adalberto).

(3) Beaucoup de chanteurs dits « solistes » et de duos sont en fait accompagnés par un ou plusieurs musiciens (guitare, bongos). J’ai cependant respecté la manière dont ils se désignent eux-mêmes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.