Berlin, 14 décembre 1806
Je me présente : lieutenant Leboeuf, la plus belle moustache de hussards de toute la Brigade Infernale. Excusez si je suis en peu essoufflé, ça fait deux mois que nous courrons aux reins des prussiens… Quelle cavalcade depuis que nous les avons taillés en pièce le même jour, à Iéna et Auerstaed !! Ca fait juste deux mois aujourd’hui…
Avec le général Lassalle, nous nous sommes lancés à leur poursuite dans tout le pays. De Kustrin à Lubeck, on les a cueillis par régiments entiers. Pas un ne nous a échappé, même pas Blucher, le plus acharné de tous. Il faut dire qu’on leur avait fiché une telle râclée qu’ils n’avaient plus trop envie de se battre. 
Le plus beau, ça a été à Stettin. Il y avait là, quand même, 6000 hommes encore en armes. Et nous, avec seulement 500 hussards de mon régiment, nous fabriquons des canons en bois, nous rentrons dans la ville, nous faisons un peu de raffut en laissant croire que toute l’armée nous suit, et les voila qui se rendent sans un coup de feu, l’Etat-major en tête. J’ai dévoré, dans le château, les volailles toutes chaudes que leurs généraux n’avaient pas pris le temps de manger, trop pressés qu’ils étaient, ces biens nourris, d’avoir l’honneur d’être nos prisonniers. 
Comme nous devions continuer la poursuite, nous laissons là 120 hommes pour garder ces 6000 z’héros. Et eux, sages comme des images, les voila qui attendent tranquillement que leur ennemi soit assez nombreux pour venir les désarmer. Quelle comédie !!!
Après les reins des hommes, ceux des femmes. Il faut croire que les prussiennes apprécient les hommes courageux et n’avaient plus très peur de leurs maris, car elles nous ont fait fort bon accueil. Bière, vin, bonne table, bon lit, etc.
La nièce de ma logeuse, à Potsdam s’est entichée de ma moustache et de mon sabre. Au bout de quelques jours d’oeillades et de mots doux, elle m’a aimé fougueusement. Moi, militairement.
Je ne sais si l’oncle s’est aperçu de la chose, mais en tout cas, il a fait semblant de rien. Il devait avoir reçu des nouvelles de Stettin…
Lassalle dit qu’un hussard qui n’est pas mort à 30 ans est un jean-foutre. Comme j’ai 28 ans passés, j’ai bien l’intention de profiter des quelques mois qui restent.
Et les prussiennes ont l’air toutes prêtes à m’y aider, même si cela risque d’en rendre quelques-unes un peu trop grasses.
Il faut dire qu’avec ses pelisses rouges et ses dolmans bleus[1], notre régiment est peut-être le plus beau de l’armée. Normal, on en fait aussi beaucoup plus pour la victoire que ces lignards juste bons pour se faire tuer en colonne ou ces dragons qui ne savent ni sabrer, ni tirer.
Toujours en avant, les hussards ! A la guerre comme à l’amour !
[1] En fait, cet uniforme, présenté dans les illustrations, est celui du 9ème hussard, qui ne faisait pas partie de la « Brigade Infernale »