Catégories
Musique et musiciens d'hier

Troilo : de l’art populaire à l’avant-garde, sans élitisme

salida42 troilo5 Editeur : La Salida n°42, février-mars 2005

Auteur : Carlos Daniel Farias

De l’art populaire à l’avant-garde, sans élitisme

Carlos Daniel Farias, guitariste installé en France et fondateur de l’orchestre « Che bando », a voulu partager avec nous son amour et son admiration pour le maître.

 Au dela du musicien, compositeur et créateur, Troilo a incarné une valeur aujourd’hui rarissime : il a été un modèle plus qu’un virtuose, un personnage qui a ouvert son cœur aux amis et pardonné à ses ennemis. Un musicien qui, tout en étant attaché à la tradition tanguera, n’a jamais fermé les portes aux novateurs (Astor Piazzolla en savait quelque chose).

A l’écoute de ses enregistrements, on rentre dans son atmosphère.. dans sa magie. On peut le voir légèrement incliné vers l’avant, assis avec son « zapan » (bide) généreux derrière son unique bandonéon. il a joué presque toute carrière avec le même, celui sur lequel il avait appris, qui faisait partie de lui avec « su pinta de gordo bueno » (son allure de bon gros vivant).

Ses doigts semblaient aller comme en retard par rapport au tempo, les notes étirées de son phrasé très personnel cherchant l’émotion sans emphase, toujours avec bon goût.

Il a joué pour les danseurs et pour ceux qui ne dansent pas. Ses compositions (Garúa, María, Sur, Romance de Barrion Che bandonéon, Desencuentro, La Última Curda…), écrites avec le concours d’excellents poètes, sont devenues des classiques. Ses interprétations ont fait revivre les œuvres d’autres compositeurs.

Il a vécu la grandeur et la perte de vitesse du tango en Argentine. Il a traversé comme nos parents et nous-mêmes de cruels bouleversements politiques quand la culture populaire argentine fut frontalement attaquée par les avant-gardistes sanguinaires de la mondialisation.

Il a toujours habillé son personnage d’idole du tango d’une profonde et altruiste chaleur humaine. C’est pour cela que nous autres argentins nous l’aimons, plus encore que parce qu’il fut un grand maestro. Pour ce que nous voudrions voir chez tous nos artistes… et chez nous-mêmes : tant de talent et d’humilité.

Il fut un personnage mythique de Buenos Aires.Comme l’a dit le poète, un 18 mai 1975, le bandonéon est tombé de ses mains.

Carlos Daniel Farias

Pour en savoir plus sur Anibal Troilo : /2006/08/12/le-musicien-anibal-troilo/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.