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Autour d'un tango : poème commenté

Autour d’un tango : Tiempos Viejos

romero Editeur : La Salida n°12, février-mars 1999

Auteur : Fabrice Hatem

Tiempos viejos ! (Les temps anciens !)

Composée par Manuel Romero en 1936, l’œuvre fut mise en musique par Francisco Canaro dont elle est considérée comme l’une des meilleures créations. Utilisant la structure classique du tango (mesure binaire à 2/4 ou 4/4 et composition par cellules de 8 mesures), la partition est entièrement en mode mineur, ce qui accentue le climat de nostalgie et de tristesse suggéré par les paroles. La simplicité de la ligne mélodique permet la construction d’arrangement utilisant des substitutions complexes et pouvant aboutir à une grande richesse harmonique, alors que la partition originelle est caractérisée par une assez grande simplicité.

Parmi l’impressionnante discographie de Tiempos Viejos, mentionnons notamment les enregistrements suivants (chanteurs/orchestre) : Gardel/Ricardo (1926) ; Arenas/Canaro (1953) ; Del Carril (1961) ; Rondo/Canaro (1961) ; Simone/Brameri (1962) ; Barrios/Fresedo (1963) ; Laborde/D’Arienzo (1965) ; Cordoba/Pugliese (1979). L’œuvre fut également intégrée dans plusieurs films argentins, dont notamment « Los muchachos de antes no usaban gomina » et « La Rubla Mireya », ainsi que dans de nombreuses revues.

Le personnage de « Tiempos Viejos » est taraudé par une tristesse nostalgique qui confine à la dépression : il pleure deux fois en 24 vers ; il embellit systématiquement un passé au fond peu glorieux, fait de fréquentation assidue des lieux de plaisir (Hansen, Laura), de bagarres entre filles faciles, et d’échecs sentimentaux (le quasi-suicide pour Mireya). Comme tant d’autres personnages de tangos, c’est un individualisme, voire un inadapté social, tourné vers un passé idéalisé (« Naranjo en Flor »), dont la vie a été marquée par l’échec, les désillusions professionnelles et sentimentales (« Volver »), instable (« Cuesto Abajo »), frustré affectueusement (« Chorra ») et sexuellement (« Amargura »), souvent guetté par l’alcoolisme (« La ultima curda ») et la violence (« Confession »).

Les divers spécialistes de sciences humaines ont tour à tour tenté d’expliquer cette personnalité tourmentée par des facteurs sociaux, économiques, ou ethnologiques. Une approche psychanalytique a même été tentée par Roberto Cruse dans son ouvrage « Psychopatholoqie du tango ». En bref, le tanguero n’a pas réussi à dénouer le nœud oedipien. L’absence de figure paternelle a impliqué une relation fusionnelle trop forte avec un mère hyper-protectrice, adulée par lui (« Madre hay un sola »), pour laquelle il est prêt à tuer quiconque lui manquerait de respect (« Sentencia »), qu’il vole à l’occasion pour offrir un manteau ou un sac à une mauvaise femme (« Esta noche me enborracho »), mais vers laquelle il revient finalement, vaincu par l’existence (« La casita de mis viejos ») et qui accepte de pardonner au mauvais fils tant aimé (« Avergonzado »).

Cette relation incestuelle empêche notre tanguero de construire une relation durable avec une femme (« La cumparsita »), d’assumer la responsabilité d’un foyer (« Victoria »), de trouver un travail régulier, voire un toit (« Yira…Yira »). D’où une personnalité instable et peu sûre d »elle-même. Trois possibilités s’ouvrent alors : la fuite (« Volver ») et l’irresponsabilité (« Que me van hablar de amor ») ; l’agressivité machiste avec bagarres à la sortie des cafés (« La copa del Olvido, Recuerdo malevo ») et meurtre passionnel (« A la luz del candil ») ; enfin, la dépression passive (« Mi noche Triste »), presque toujours teintée de nostalgie (« Mis amigos de ayer, Caminito »). Cette dernière voie est précisément celle suivie par le personnage de Tiempos Viejos.

Fabrice Hatem

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