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Entre autoritarisme et chaos

Paradoxe

9 Juin 2020

Depuis quelques mois, un paradoxe me turlupine.

Voici ce dont il s’agit, en quelques mots :

« Comment se fait-il que l’Etat passe son temps à rogner de plus en plus nos libertés et à accroître sans cesse ses pouvoirs de contrôle et de coercition, sans parvenir pour autant à améliorer notre sécurité contre les délinquants et les terroristes ? »

En y réfléchissant, la réponse à ce paradoxe est assez simple.

Elle tient simplement au fait que l’amélioration de notre sécurité n’est PAS un but prioritaire de l’Etat.

Le but prioritaire de l’Etat, c’est de renforcer sans cesse ses capacités de domination, de contrôle, et d’extorsion sur les populations victimes de son racket.

A l’aune de cet objectif fondamental, la lutte contre l’insécurité lui apparaît non seulement comme inutile, coûteuse, mais aussi d’une certaine néfaste à ses projets autoritaires :

– Inutile, car se sont pas  quelques petites vieilles agressées ou quelques jeunes assassinés en plus ou en moins qui changeront quoi que ce soit à la capacité de l’Etat à établir son pouvoir total sur nos vies.

– Coûteuse, car l’arrestation, le jugement et l’incarcération de délinquants dangereux nécessite des moyens et des efforts importants, pour des résultats au fond minimes. Mieux, vaut, d’un strict point de vue du rapport efficacité / coûts, multiplier les amendes et contraventions contre les inoffensifs citoyens ordinaires : cela permettra, de remplir à bon compte, les caisses de l’Etat pour un coût bien moindre (radars automatiques….).

– Enfin, néfaste, car le retour à la sécurité serait au fond contre-productif pour la réalisation du projet totalitaire. En effet, pour faire accepter par les populations des restrictions croissantes à leurs libertés, quel meilleur argument que la peur ? Peur du terroriste, peur du délinquant, peur du virus…

En ce sens, toutes ces menaces constituent de facto des alliés de choix de la dérive autoritaire de l’Etat : « Sacrifiez vos libertés, nous dit en effet le Moloch, et en échange, je garantirai votre sécurité. Acceptez toujours plus de surveillance, de contrôles, de perquisitions, d’assignations à résidence, de confinement. C’est pour votre bien, vous n’avez rien à cacher et donc rien à craindre, notre répression ne s’exercera que sur les méchants ». Le citoyen terrifié par le dernier attentat ou la dernière épidémie accepte alors d’abandonner de nouvelles libertés dans l’espoir de voir sa sécurité s’améliorer. 

Mais en fait, cette sécurité ne s’améliorera pas in fine. Parmi les multiples raisons de cette déception, l’une me paraît particulièrement claire : c’est qu’au fond l’Etat n’a pas vraiment intérêt à ce que le sentiment de sécurité se renforce. Bien au contraire, si celui-ci perdure et s’amplifie, cela lui permettra quelques temps plus tard de franchir une nouvelle étape liberticide au service de sa stratégie de domination.

Mais pas dans l’intérêt des citoyens. Dans ses propres intérêts.

Mon paradoxe initial se trouve ainsi résolu : l’Etat autoritaire n’est PAS et NE SERA JAMAIS un Etat de sécurité, simplement parce que l’insécurité est le meilleur allié de la dérive autoritaire de l’Etat.

Mais vous pensez peut-être que je dis des bêtises ? Alors, écoutez cette interview de François Sureau, éminent avocat défenseur des libertés, qui dit à peu près la même chose que moi (en beaucoup mieux…).

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