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Entre autoritarisme et chaos

Autoritarisme sans autorité : le paradoxe de l’Etat Français

Depuis quelques jours, je tourne autour de ce paradoxe : comment se fait-il que l’Etat français perde-t-il chaque jour un peu plus de son autorité à mesure qu’il devient plus autoritaire ? Pourquoi est-il de moins en moins aimé, respecté, écouté, alors qu’il pond sans arrêt de nouvelles lois destinées à ce qu’on le redoute davantage ?

Une réponse importante tient à la notion de légitimité. Si un pouvoir est légitime aux yeux des gens, il n’a pas besoin de prendre des apparences bien redoutables pour être respecté. Le coeur et la raison des citoyens les conduiront à obéir spontanément à la loi.

Mais si pour une raison quelconque (mais qui a toujours in fine quelque chose à voir avec l’efficacité du pouvoir dans l’exercice de sa mission d’intérêt général), ce pouvoir perd de sa légitimité, c’est-à-dire de sa capacité à susciter une adhésion spontanée, il est presque contraint de devenir plus autoritaire, d’agiter la menace, pour se maintenir. Et bien sûr, cette autorité sans efficacité ne fait qu’accroître sa perte de légitimité.

Ce que je dis là est presque de l’ordre de la banale tautologie. Mais ce qui l’est un peu moins, c’est de constater qu’en l’application « à la limite » du principe précédent, certains pouvoirs TRES autoritaires finissent par voir leur AUTORITE REELLE tellement abîmée qu’il ne perdent en pratique très largement le contrôle de la société réelle, qui s’organise pour échapper à leur emprise par toutes sortes de stratégies de contournement. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui au Vénézuéla et à Cuba, qui sont en principe des économies collectivistes dirigées par l’Etat, et qui en fait fonctionnent (très mal) comme des économies de marché totalement dérégulées puisque très largement clandestines.

Pour dire les choses de manière plus concrète, des centaines de milliers de fonctionnaires cubains (je veux dire de cubains, puisqu’ils sont tous en principe fonctionnaires) passent en fait une bonne partie de leurs heures de travail officielles (rémunérées à un salaire totalement dérisoire) à pratiquer une activité au noir pour pouvoir survivre. Donc les cubains sont EN APPARENCE (presque) tous fonctionnaires et EN REALITE (presque) tous travailleurs indépendants au black.

En d’autres termes, il existe une force beaucoup plus puissante que la peur pour assurer le pouvoir d’un Etat : la confiance. En l’absence de confiance, et en dépit de la peur, les gens feront tout ce qu’ils peuvent, dans le cercle étroit de leurs possibilités immédiates, pour se défendre contre un pouvoir qu’ils jugent injuste.

Et malgré tous ses policiers, toutes ses lois et tous ses juges, ce pouvoir sera alors désarmé devant l’immense flot de défiance résultant de toutes ces minuscules stratégies individuelles d’évitement. Le résultat étant bien sûr, non seulement une perte de la capacité réelle d’influence de l’Etat, mais surtout une dramatique perte d’efficience collective.

Et c’est selon moi le sens actuel de la dérive de l’Etat français, dont le déficit d’efficacité nourrit une perte de légitimité et donc d’autorité qu’il tente de compenser par un supplément d’autoritarisme lui-même source d’une nouvelle perte de légitimité et donc d’efficacité (du fait des stratégies de contournement mises en place par les gens).

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