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Films musicaux d'Asie et d'Afrique

Jodhaa Akbar

ImageFilm historique d’Ashutosh Gowariker, musique de A.R. Rahman, avec Hrithik Roshan, Aishwarya Rai, Inde, 2008, 214 minutes.

Inde, XVIème siècle. L’empereur Akbar (Hrithik Roshan) décide d’épouser, pour consolider l’empire moghol qu’il vient de sauver de la destruction, la princesse Rajpoute Jodhaa (Aishwarya Rai). Cette union politique entre deux époux de religion différente va bientôt se transformer en  amour passionné, tout en jetant les bases d’un Inde multiculturelle.

ImageCette fresque historique à grand spectacle, avec ses gigantesques scènes de bataille et ses cérémonies mobilisant des milliers de figurants, propose une vision instructive, quoique simplifiée et expurgée des thèmes les plus sensibles, d’une étape-clé de l’histoire indienne : celle où un empereur moghol de religion musulmane choisit de fonder son règne sur l’idée d’une coexistence pacifique entre toutes les croyances et d’une association des princes hindous à l’exercice du pouvoir.

ImageJ’ai personnellement beaucoup aimé le traitement de deux personnages principaux : Akbar en jeune empereur chevaleresque et clairvoyant, faisant grâce à ses ennemis vaincus, domptant les éléphants à mains nues, défendant son empire en combat singulier, promouvant la tolérance religieuse et s’abstenant d’exercer ses droits conjugaux en l’absence du consentement de son épouse ; et Jodhaa en jeune femme fière et courageuse, redoutablement habile au sabre, fidèle à ses croyances et à son peuple, mais également épouse dévouée, allant jusqu’à mitonner elle-même à son cher empereur-époux de délicieuses spécialités culinaires rajpoutes.

ImageComme, de plus, ils sont très beaux, très bien habillés, et qu’ils finissent par tomber très amoureux l’un de l’autre, le spectateur au cœur tendre se laissera assez facilement emporter sur les ailes de ce conte historique.

Bien sur, le scénario est plein de naïvetés, de simplifications, d’invraisemblances, d’approximations historiques, de manichéismes réducteurs et de situations convenues, mais n’est-ce pas justement cela qui fait le charme d’un cinéma indien encore capable de parler au cœur des gens simples ?

ImageLe chant et la danse, quoiqu’un peu moins présents que dans la plupart des films de Bollywood, illustrent chacune des deux intrigues qui s’entrecroisent dans le film.

Plusieurs chansons rythment l’évolution progressive des sentiments mutuels entre Jodhaa et Akbar, depuis le désespoir de la jeune épouse devant un mariage arrangé qui l’arrache à sa famille et à sa culture (Mann Mohana), jusqu’à l’épanouissement d’un amour partagé entre elle et le grand empereur (Jashn E Bahaara, In Lamhon Ke Daaman Mein).

ImageQuant aux scènes de danse, elles interviennent plutôt à l’occasion de grandes fêtes cérémonielles. La grandeur et la puissance de l’empereur sont ainsi illustrées par de grandioses et solennelles danses de palais aux figures géométriques, exécutées par plusieurs centaines de figurants habillés de couleurs vives, ou par de splendides danses guerrières, avec sabres et boucliers, suivies d’un immense chœur glorifiant les mérites d’Akbar (Azeem-O-Shaan Shahenshah).

ImageQuant à la magnifique danse Soufi donnée au moment du mariage entre Akbar et Jodhaa (Khwaja Mere Khwaja), elle constitue peut-être une allusion au mysticisme très particulier du grand empereur, qui tenta de jeter les bases d’une religion universelle intégrant toutes les croyances. On y voit les interprètes, habillés de blanc et la tête ornée d’un chapeau cylindrique, chanter d’abord la gloire de Dieu en position assise, pour ensuite se lever et tournoyer sur eux-mêmes dans l’expression d’une fièvre mystique à laquelle Akbar va finalement se joindre, au grand étonnement de sa cour.

ImageEvoquant une mythique figure féminine chère au cœur de nombreux indiens (même si des doutes subsistent sur son identité véritable), Johdaa Akbar a été chaleureusement accueilli par la critique et a connu un impressionnant succès au box-office. Abordant un thème politiquement très sensible, celui de la cohabitation entre religions dans un pays alors dirigé par un empereur musulman, il a cependant fait l’objet de critiques virulentes de la part de milieux militants hindouistes. Ceux-ci l’ont en effet accusé de donner une vision déformée et trop positive du personnage d’Akbar, et à travers lui, de la domination moghole exercée sur les rajpoutes.

ImageIl est vrai qu’avant de prôner, une fois son empire pacifié, la tolérance religieuse, Akbar n’a pas hésité à passer entièrement au fil de l’épée les habitants de plusieurs des villes du Gujarat qui lui avaient résisté. Un détail que les auteurs du scénario ont préféré ignorer, faisant porter au seul régent Bairam Khan la responsabilité de crimes auquel Akbar – dixit le film – mettra fin dès son accession au pouvoir, en disgraciant son cruel protecteur.

ImageQuant aux pratiques nettement polygames du grand empereur (plus de 30 épouses et concubines recensées), elles sont passées sous silence, le film insistant plutôt sur le caractère exclusif de l’amour  qui semble l’unir à Jodhaa. L’image « politiquement correcte », d’Akbar, à l’aune de nos valeurs contemporaines, est ainsi préservée, au prix de petits arrangements avec l’histoire…

Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipedia. Pour visionner le film, cliquez sur : Jodhaa.

Fabrice Hatem

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