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Cinéma de Tango

Tango bayle nuestro

Documentaire de Jorge Zanada, 1988, Argentine, 71 minutes

Image Le réalisateur Jorge Zanada part à la recherche des traces du tango, culture populaire balayée par trente années de déferlement rock et de crises politiques, mais qui constitue aussi pour lui, comme pour tous les Argentins, une part essentielle de ses racines identitaires. Cette quête le conduit rencontrer ceux, artistes et simples aficionados, qui continuent à faire vivre le 2X4 à travers notamment son expression dansée.

Réalisé à la fin des années 1980, ce documentaire intervient à un moment-clé de l’histoire contemporaine du tango argentin. Alors que sa renaissance à l’étranger a déjà débuté depuis quelques années sous l’influence du spectacle Tango Argentino, il reste encore cantonné, à Buenos Aires même, à un milieu de danseurs vieillissants auxquels ne se mêlent qu’un nombre très réduit de jeunes artistes. Quant aux afficionados étrangers faisant le voyage de Buenos Aires, ils se comptent encore sur les doigts de la main.

Tango baile nuestro joue alors un rôle essentiel : celui de faire prendre conscience, d’abord aux Argentins eux-mêmes, puis au reste du public latino-américain, de la vitalité potentielle de cette culture populaire qu’il les appelle à se réapproprier. Il a ainsi fortement contribué, à travers son grand succès, au réveil de l’intérêt du public argentin – et tout particulièrement de sa frange intellectuelle et progressiste dont il reflète la sensibilité – pour l’univers du tango.

Vu d’aujourd’hui, le film possède également une grande valeur historique, en portant témoignage de l’état du tango argentin à la fin des années 1980 et en mettant en scène ses principaux protagonistes : peintres comme Hermenegildo Sabat ; grands danseurs de bal comme Finito ou Pedro Monteleone ; danseurs professionnels déjà confirmés, comme Juan Carlos Copes et Maria Nieves ; artistes de la jeune génération, comme Julio Bocca, Miguel Angel Zotto ou Milena Plebs, qui entament alors la rénovation du style ; afficionados étrangers précurseurs comme Robert Duvall…

Les nombreuses et longues séquences de danse donnent également une vue d’ensemble très précieuse de l’état des styles de tango à l’époque – depuis les milongas populaires de quartier fréquentées par de vieux aficionados jusqu’aux spectacles de scène avant-gardiste, en passant par les premières reconstitutions artificielles « for export ».

Le film ne prend pas la forme d’un documentaire neutre et objectiviste, mais d’une quête intérieure où, à travers le tango dansé, le réalisateur part à la recherche de ses propres racines. Bien orchestrée, cette démarche aurait pu être à l’origine d’une œuvre particulièrement émouvante. Malheureusement, un texte inutilement compliqué et un montage peu structuré, succession confuse d’interviews et de scènes de bal, instillent plutôt un sentiment de décousu, de lourdeur et d’ennui. De ce fait, le documentaire intéresse davantage par sa matière brute que par sa valeur pourtant revendiquée d’oeuvre artistique.

Fabrice Hatem

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