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Cinéma de Tango

Perfumes de tango (Miguel Angel Zotto presenta Tango X 2 Company)

Documentaire de Miguel Angel Zotto, Argentine, début des années 2000, 54 minutes

Image Miguel Angel Zotto a déjà derrière lui une brillante carrière de danseur, notamment au sein de la troupe d’Ana Maria Stekelman et du spectacle Tango Argentino, lorsqu’il fonde  la compagnie Tango por dos en 1988 avec Milena Plebs. Perfumes de Tango, créé en 1993, sera leur second spectacle.

Le documentaire sur cette oeuvre combine deux perspectives : d’une part, des entretiens avec Miguel Angel Zotto, où celui-ci présente son propre parcours artistique ainsi que les orientations esthétiques de la compagnie Tango X 2 ; et, d’autre part, de larges extraits du spectacle Perfumes de Tango, qui souvent servent de contrepoint aux propos du maestro.

Miguel Angel Zotto se décrit tout d’abord comme un danseur enraciné, par ses origines familiales et par sa formation, dans la tradition populaire du tango. Un long passage, illustrés par de passionnantes archives filmées, est consacré à ses principaux maîtres, eux-mêmes venus de la danse de bal – Virulazzo, Finito, Petroleo, Antonio Todaro – ainsi qu’à son passage dans la troupe de danse contemporaine d’Ana Maria Stekelman.

Zotto expose ensuite le projet esthétique de Tango X 2 : porter à la scène l’authenticité du tango populaire, en montrant sa diversité et en l’enrichissant par la théâtralisation. Il évoque également le travail minutieux mené avec Milena Plebs pour restituer dans le spectacle chacun des styles qui ont marqué l’histoire du tango : tango-salon, tango fantaisie, tango anglais, tango orillero, canyengue, etc.

Les images du spectacle viennent illustrer ces propos. Comme l’explique Zotto, chacune des chorégraphies (interprétées par trois couples de danseurs où l’on reconnait Osvaldo Zotto et Mora Godoy), sont conçues comme de véritables petites saynètes associant tous les modes d’expressions scéniques pour raconter une histoire, recréer une atmosphère, ou faire référence à un personnage mythique : chorégraphies de Miguel Angel Zotto et Milena Plebs, arrangements musicaux de Daniel Binelli, mais aussi décors, costumes, ambiance sonore, gestuelles, mimiques, jeux de scènes…

Nous voyons ainsi successivement défiler des évocations de Carlos Gardel, d’Azuceina Mazani et d’El Cachafaz. Les danseurs prennent successivement les traits, sons lourdeur démonstrative, des personnages archétypaux de l’histoire du tango : compadritos de faubourg dansant ensemble au clair de lune, habitués d’un bar mal fâmé ou d’une milonga familiale de quartier, élégants danseurs de salon ou de tango anglais… Ils nous racontent aussi de petites histoires, dramatiques, poétiques ou cocasses : danseur solitaire rêvant qu’il tient entre ses bras la femme aimé, femme hésitant entre ses deux amants, souteneur minable tentant d’extorquer de l’argent à sa « protégée » rétive et plus maligne que lui, premier émois amoureux de deux adolescents timides…

La chorégraphie est caractérisée par un refus des figures tape-à-l’oeil et un ancrage dans la tradition d’un tango populaire très en sol et très dépouillé – sauf, bien sur, lorsque la dramaturgie particulière de la séquence exige la mobilisation d’autres moyens. Elle est servie à la fois par d‘extraordinaire plasticité expressive de Miguel Angel Zotto (qui recrée notamment un Carlos Gardel plus ressemblant  que nature), par l’élégance princière de son regretté frère Osvaldo, enfin par la musicalité et l’inventivité de Milena Plebs. La partie chantée, dont Roxanna Fontan assume la responsabilité avec talent, n’est pas exécutée à part, mais largement intégrée dans des scénographies auxquelles participent les danseurs. Quant à l’orchestre de Daniel Binelli, il excelle autant dans l’interprétation des thèmes de la Guardia Vieja que dans ceux de Piazzolla.

De tous les spectacle de tango qu’il m’a été donné de voir, Perfumes de tango est sans doute l’un de ceux qui parvient au meilleur équilibre entre théâtralisation et respect de l’authenticité du tango populaire.

Fabrice Hatem

Renseignements : http://www.tangox2.com/cgi-sys/suspendedpage.cgi

 

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