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Reflets du cinéma latino-américain

Orfeu negro

Fiction de Marcel Camus, France-Brésil, 1959, 105 minutesImageLe film transpose le mythe d’Orphée dans le cadre du Brésil moderne et du carnaval de Rio. Une jeune fille de la campagne, Eurydice, fuyant un homme au masque de mort qui veut la tuer, se réfugie chez sa cousine, dans une favella des collines surplombant la ville. Elle rencontre Orfeu, un chauffeur de bus si bon musicien que toutes les filles sont folles de lui et que les enfants croient que son chant possède le pouvoir de faire se lever le soleil. Ils tombent, comme le veut leur destin, amoureux l’un de l’autre, suscitant la jalousie de la tempétueuse Mira, la fiancée d’Orfeu. Mais la mort poursuit Eurydice pendant le carnaval, sur fond de défilés et de sambas endiablées, et finalement la rattrape. Malgré tous ses efforts, Orfeu ne parviendra pas à la ramener à la vie, conformément au fatal accomplissement d’un mythe éternellement répété, de génération en génération.Tiré d’une pièce du grand dramaturge brésilien Vinicius de Moraes, le film a suscité à sa sortie un accueil passionné. L’évocation flamboyante du carnaval, cadre de la tragique poursuite d’Eurydice par la mort, la poésie envoutante émanant du personnage d’Orfeu, la splendide musique de Carlos Jobim qui signe à cette occasion l’acte de naissance de la Bossa nova, en font en chef-d’œuvre intemporel, d’ailleurs reconnu comme tel au festival de Cannes de 1959 où il fut primé par le jury.  Mais certains, aux premiers rangs desquels Vinicius de Moraes lui-même, lui reprochèrent une vision un peu trop idéalisée, esthétisante et « couleur locale » du Brésil et des quartiers pauvres de Rio de Janeiro.

L’un des apports essentiels de ce film est son rôle majeur dans la reconnaissance de la contribution africaine à l’identité culturelle brésilienne. Réaliser un film entièrement interprété par des artistes noirs, établir un parallèle entre la mythologie grecque et la culture populaire afro-cubaine, constituaient pour l’époque, encore marquée par un racisme omniprésent, des démarches extrêmement osées. Malgré ses naïvetés et ses simplifications, Orfeu Negro constitue donc l’un des actes fondateurs de la découverte du riche patrimoine afro-brésilien, avec ses croyances, ses rites, sa musique et ses danses. Il constitue de ce fait une oeuvre incontournable, par sa valeur à la fois artistique et historiographique, pour les amoureux de la culture afro-latine.

Fabrice Hatem

Renseignements : www.potemkine.fr

 

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