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Cinéma de Tango

Leopoldo Federico : El inefable bandoneón del Tango

Documentaire de Esther Echenbaum Jonisz et Jorge Dimov, Argentine, 2009, 39 minutes

ImageNé en 1927, le bandonéoniste Leopoldo Federico a joué un rôle important, en tant qu’interprète, directeur d’orchestre, mais aussi compositeur, dans la musique tanguera de ces soixante dernières années. A partir du milieu des années 1940, il intégra successivement, en tant qu’instrumentiste, de nombreux orchestres de premier plan, entre lesquels on peut citer ceux de Juan Carlos Cobián, Alfredo Gobbi, Miguel Caló, Carlos di Sarli, Horiaco Salgán, Astor Piazzolla. Sa propre carrière de directeur commença en 1952, date à laquelle il forma son premier orchestre, et s’est poursuivie sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui. Ses collaborations avec Julio Sosa, qu’il accompagna à partir du milieu des années 1950, et avec le guitariste Roberto Grela, qui anima avec lui un quartet entre 1966 et 1970, sont restées légendaires.

Le documentaire rend hommage à ce grand musicien avec une efficace simplicité. Les dix premières minutes sont consacrées à une biographie très bien documentée, présentée de manière vivante et agréable. De nombreuses images d’archives – photos et films – permettent de suivre les principales étapes de la carrière de l’artiste, qui apporte également son témoignage.

Le reste de la vidéo – trente minutes environ – est essentiellement consacré à des enregistrements de concerts, réalisés à deux époques différentes : une tournée au Japon au début des années 1990 ; et des concerts beaucoup plus récents au Centre Torquato Tasso de Buenos Aires.

Leopoldo Federico dégage dans le documentaire l’image d’un homme sensible et équilibré, mais aussi d’une personnalité charismatique sachant fédérer autour de lui les affections et les enthousiasmes. Ce qu’il crée est solide et durable. Marié depuis 60 ans avec son épouse Norma, il est aujourd’hui le patriarche d’une famille prolifique, et on le voit jouer du bandonéon entouré d’une dizaine de ses petits-enfants et arrières petits-enfants. Son grand orchestre, fondé en 1958, et l’un des seuls à avoir poursuivi son activité sans discontinuité jusqu’à aujourd’hui en dépit de la grande crise du tango au cours des années 1970.

Les interprétations qui nous sont présentées incorporent, à côté d’un répertoire classique, instrumental ou chanté (Gallo Ciego, Desencuentro, El Choclo, La Bordona, Quejas de bandonéon…), quelques compositions du maître, comme De tal palo ou Un fueye en Paris. Leopoldo Federico sait insuffler à sa formation une puissante énergie collective, matière première d’une riche palette expressive. Ses solos instrumentaux inspirés, d’une grande délicatesse poétique, forment un contraste saisissant avec les polyphonies à la fois tempétueuses et impeccablement réglées de son orchestre. En tant que directeur, il ouvre aussi un large espace d’expression aux autres musiciens de sa formation qui peuvent déployer leur talent dans de beaux solos.

On peut regretter que le documentaire n’accorde pas une plus large place à l’analyse musicologique de l’œuvre de Léopoldo Federico, et manque de précision dans la description de l’histoire de ses formations orchestrales après 1970. Ses filiations esthétiques, ses choix en matière d’arrangements, les points saillants de son œuvre de compositeur, ne sont pas pratiquement pas abordés. Ces lacunes, ainsi que le ton parfois hagiographique de certains commentaires, peuvent donner par moment au documentaire des allures de long clip publicitaire. Celui-ci n’en reste pas moins un témoignage vivant et attachant qui laisse tout loisir au spectateur de savourer directement, belles images à l’appui, la musique puissante et sensible du maître.

Fabrice Hatem

Renseignements : www.rgsmusic.com.ar ; www.musicargentina.com

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