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Cinéma de danse et de musique européen

L’amour sorcier

Fiction de Carlos Saura, Espagne, 1985, 99 minutes ImageDans un bidonville gitan, une veuve, Candela, danse toutes les nuits avec le fantôme de son mari infidèle José, assassiné en courtisant une autre femme, la jolie et coquète Lucia. Carmelo, sorti de prison après avoir été injustement accusé du meurtre, veut épouser Candela, dont il est amoureux depuis l’enfance. Mais il faut pour cela lever le sortilège qui ensorcèle celle-ci.

Cette histoire d’amour passionné, de jalousie et de revenants est inspirée du ballet homonyme, composé en 1916 par Manuel de Falla. Le metteur en scène Carlos Saura y retrouve la troupe Flamenco d’Antonio Gadès avec laquelle il avait déjà tourné Noces de Sang quelques années auparavant. Comme dans ce dernier film, on retrouve dans les principaux rôles, outre Antonio Gadès (Carmelo), Cristina Hoyos (Candela) et Juan Antonio Jimenez (José) auxquels vient se joindre Laura del Sol (Lucia).

A l’opposé de Noces de Sang, où Carlos Saura nous propose d’observer la réalité des répétitions d’une troupe de danseurs, et plus tard, de Tango où la préparation d’un spectacle de danse constitue le cadre de l’intrigue, L’amour sorcier renoue avec la simple convention fictionnelle. Le bidonville gitan, avec ses petites cahutes en tôle, son terre-plein central où les enfants jouent pendant que les femmes pendent le linge, ses hommes attablés devant une bouteille, ses rites de mariage, ses codes d’honneur et son horizon de terrain vague, est reconstitué avec un souci de réalisme presque exagéré. Certains détails de mise en scène, cependant, sont là pour nous rappeler que ce qui nous est montré n’est pas la réalité, mais une fiction : scène introductive nous montrant que le village n’est qu’une reconstitution de studio, pellicule aux grains grossiers, couleurs délavées et décalées vers les tonalités froides, horizon faisant penser à un décor de théâtre….

La bande sonore associe, en un contraste très réussi, des extraits en « off » de l’œuvre instrumentale de Manuel de Falla et des chansons gitanes, traditionnelles et contemporaines, interprétés par la troupe d’Antonio Gadès. Celles-ci, intégrées au déroulement de l’intrigue, commentent en termes très âpres et parfois très crus les différents aspects la relation amoureuse qui se déroule sous nos yeux : désir, désespoir, jalousie, jeux de séduction, mariage …

Concernant la danse, j’ai retrouvé l’atmosphère qui m’avait tant séduit dans Noce de sang : les splendides cambrures des corps exprimant par leur tension la violence des sentiments intérieurs ; l’énergie collective puissante dégagée par les ballets bien réglés ; les regards terrifiants de rage et de jalousie d’une Cristina Hoyos à la limite de la transe. La qualité des interprètes, la violence maîtrisée des chorégraphies, le réalisme des décors, font que le spectateur s’approprie sans réticences cette histoire de revenants et de sorcellerie.

Fabrice Hatem

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