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Cinéma cubain et de salsa

La fabuleuse histoire de la Salsa

Documentaire de Jean-Paul Capitte, France, 1996, 52 minutes

ImageCe documentaire de très bonne facture constitue une précieuse initiation à la Salsa cubaine des années 1990. Il retrace tout d’abord, grâce notamment aux explications très claires du musicologue Olavo Alen Rodriguez, l’évolution de la musique populaire de l’île depuis ses origines métissées, faisant comprendre au passage que la Salsa n’en est que l’un de ses multiples et plus récentes expressions.

Les étapes du processus donnant naissance à la Salsa par transformation progressive du Son urbain sont rappelés de manière très pédagogique : modernisation du Son par incorporation d’influences nord-américaines dans les orchestres de la Havane des années 1930 et 1940 ; développement au cours des années 1950 et 1960 du Latin Jazz sur la côte est des Etats-Unis par fusion du Son modernisé avec le Jazz ; enfin essor de la salsa en Amérique du nord dans les années 1970 sous l’impulsion du label Fania rassemblant un groupe de musiciens de Latin-Jazz new-yorkais. Des séquences extrêmement instructives, quoique très concises, sont en particulier consacrées aux apports de Benny Moré, de l’Orquesta Aragon, d’Arsenio Rodriguez et de Felix Chapotin dans ce processus évolutif.

L’évocation très vivante de l’état de la musique populaire cubaine au milieu des années 1990, dans sa diversité, constitue un autre point fort du documentaire : formations déjà anciennes, devenues parfois de véritables institutions, comme le Septeto Nacional Ignacio Piñeiro ; petits groupes de musique traditionnelle comme Los Bohemios ou Atabey ; enfin grandes formations évoluant déjà vers la Timba contemporaine, comme les orchestres d’Elio Revé ou d’Adalberto Alvarez, Los dan Den, Los Karachis, le groupe Irakere de Chucho Valdés, Isaac Delgado, NRJ la banda… A noter également quelques images des Van Van d’il y a presque 20 ans, avec un Mayito encore tout jeune et un Pedrito Calvo inoxydable avec son éternel chapeau blanc.

Plages, rues, petits villages, lieux de villégiature, grandes scènes de la Havane, associations culturelles : tous les endroits où l’on danse et où l’on écoute de la musique à Cuba sont explorés, montrant la vitalité de cette culture populaire, la sensualité des corps dansants de tous âges, l’intimité complice entre les musiciens et le public. Les témoignages de nombreux artistes, en particulier Adalberto Alvarez et Elio Revé, forment un contrepoint bienvenu aux analyses passionnantes mais plus théoriques du musicologue. Enfin, le texte intelligent et sensible dit en voix « off » est visiblement écrit par un bon connaisseur et un amoureux passionné de Cuba.

Il faut saluer la performance du réalisateur qui parvient, pour ainsi dire, à faire tenir plusieurs documentaires en un, à travers des séquences très courtes mais très réussies sur la carrière de Benny Moré, sur la contribution décisive du groupe Irakere à l’évolution de la musique populaire cubaine dans les années 1980, sur la présence de l’héritage afro-cubain dans les orchestres d’Elio Revé ou d’Adalberto Alvarez, ou encore sur la réappropriation progressive de la Salsa nord-américaine par les musiciens cubains à partir de 1985.

Le documentaire date d’il y a presque 20 ans. Mais à y bien réfléchir, il s’agit là d’une qualité supplémentaire plus que d’une faiblesse. A mesure qu’il perd son caractère d’actualité, le film prend en effet une nouvelle valeur en tant que témoignage d’une époque. Après le Nosotros la Música de 1965, il nous offre ainsi un jalon supplémentaire pour parcourir l’histoire de la musique cubaine moderne et aborder intelligemment, muni du recul donné par la connaissance de ce passé, l’époque contemporaine et son actualité quotidienne trépidante.

Fabrice Hatem

Distribution : TF1 vidéo

 

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