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Cinéma de Tango

Horacio Ferrer, poeta del tango

Concert, conférence et entretien avec Horacio Ferrer, Italie, 2010, 190 minutes au total

ImageCe coffret consacré au poète Horacio Ferrer et à son œuvre contient quatre moyens-métrages.

Le premier, de 78 minutes, est l’enregistrement d’un spectacle où Ferrer récite ses principales œuvres tangueras : Balada para mi muerte, Chiquilin de Bachin, Existir, La Ultima grela, El Gordo triste, etc. il est accompagné par l’orchestre de Alfredo Marcucci qui interprète, entre chaque poème, des compositions instrumentales de Piazzolla : Lo Que Vendra, SVO, Oblivion, Adios Noniño, etc. A l’occasion de quelques morceaux, un couple de danseurs intervient également sur la scène.

Je ne suis personnellement pas très sensible à la poésie « surréaliste » de Ferrer, que je trouve parfois inutilement chargée de trouvailles littéraires et de métaphores un peu pompeuses. Je suis également un peu agacé par le genre « poète à lavalière et œillet rouge » qu’il se donne de manière un peu trop systématique et par le ton parfois affecté qu’il prend pour réciter ses textes. Mais je dois avouer que certains poèmes, comme Chiquilin de Bachin, recèlent un véritable pouvoir d’émotion et que Ferrer malgré son âge, possède une certaine présence scénique. Quant à l’orchestre Tipica de Marcucci, il m’a paru manquer parfois un peu de souffle et même de précision malgré la présence d’un pianiste et d’un second bandonéon inspirés. Enfin, les danseurs m’ont paru un peu déconnectés du reste du spectacle.

Mais ma principale réserve tient au type de relation que ce concert a introduit entre les artistes et le public. En faisant du tango une expression de haute culture, en donnant à contempler à un public passif, immobile et silencieux le génie supposé du poète, il vide en effet le 2X4 de sa caractéristique la plus attirante pour moi : celle d’une pratique culturelle collective, où, à travers notamment le bal, s’établit entre les artistes et les amateurs devenus eux-mêmes acteurs et improvisateurs une relation interactive. Avec Ferrer, cette relation est dissoute dans l’admiration inconditionnelle qu’il nous est demander de porter à l’auteur de Balada para un loco. Mais il faudrait alors, pour emporter notre adhésion, que les artistes nous proposent en contrepartie une prestation tout à fait exceptionnelle, ce qui n’est pas le cas. Le résultat, c’est que, malgré les réelles qualités musicales et poétiques du spectacle, on finit par s’ennuyer ferme.

Ferrer nous propose également une intéressante conférence de trois quarts d’heures sur l’histoire du tango. Il y présente de manière vivante et poétique l’histoire de la ville de Buenos-Aires, le processus de métissage culturel ayant abouti à l’apparition du tango ou encore les grandes figures artistiques qui l‘ont incarné. Sa tendance esthétisante et verbeuse le conduit cependant à compliquer par des métaphores inutilement imagées l’exposé des idées les plus simples et à préférer la virtuosité verbale à la présentation dépouillée des faits. Encore une fois, on a le sentiment désagréable que ce qui est donné à apprécier au public est moins l’histoire du tango elle-même que le talent d’Horacio Ferrer.

Ce côté un peu histrionique disparait cependant dans le troisième document : un long entretien où Ferrer nous livre, de manière cette fois très simple, très instructive et très émouvante, ses souvenirs sur Piazzolla et sur leurs dix années de travail en commun.

Enfin, un quatrième entretien avec Alfredo Marcucci nous permet de revivre avec celui-ci l’atmosphère des cabarets des années 1940 et 1950 et des grands orchestres de tango où il s’est produit jusqu’à la fin des années 1950 avant d’émigrer en Europe.

L’œuvre d’Horacio Ferrer, grand historien du tango, fondateur de l’académie du tango, poète appartenant à la lignée des plus grands auteurs de chansons tangueras, méritait plus que largement ce coffret. Quel dommage que ces immenses qualités soient gâchées par un esthétisme outrancier et une fascination pour la culture savante qui constituent autant de poisons mortels pour l’esprit populaire et participatif du tango !!

Fabrice Hatem

Renseignements : www.musicargentina.com

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