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Reflets du cinéma latino-américain

O Cangaceiro

Fiction de Lima Barreto, Brésil, 1953, fiction, 105 minutesImageDans le nord-est brésilien des années 1930, des bandits de grands chemins, les Cangaceiros, dirigés d’une main de fer par le terrible Caldino, font régner la terreur par le pillage, le viol et le meurtre. Ils enlèvent la jeune institutrice du village qu’ils viennent de mettre à sac. Mais le lieutenant de Calvino, Teodoro, tombe amoureux de la jeune femme et s‘enfuit avec elle. S’ensuit une course-poursuite supposément haletante à travers le sertão, qui laisse tout de même aux deux fugitifs de temps d’approfondir leur liaison jusqu’au  tragique épilogue.

Le film a vieilli. Le premier réflexe du spectateur d’aujourd’hui est de sourire devant des naïvetés de narration et de mise en scène inadaptées aux conventions de notre époque. La scène impeccablement chorégraphiée de danses folkloriques, réunissant bandits et captives autour d’un joyeux feu de bois nocturne, laisse pantois par son côté irréaliste. La bonne volonté mise par les forces de l’ordre à se laisser prendre en embuscade et massacrer par les bandits qu’elles poursuivent laisse ouverte d’inquiétantes questions sur le quotient intellectuel des représentants de la loi au Brésil. Le niveau moral des protagonistes semble inversement proportionnel  à l’état leur système pileux, les méchants hirsutes pouvant être ainsi distingués à coup sur des gentils bien rasés. Le terrible fauve qui menace un moment les fugitifs a l’air aussi dangereux qu’un petit chat timide venant laper son bol de lait. Les mimiques du héros continuant à marcher héroïquement (avec tout de même des difficultés croissantes) après avoir été atteint d’une quinzaine de balles de gros calibre me rappellent la première et hilarante scène parodique du film The party, de Peters Sellers.

Mais ne nous arrêtons pas à ces défauts de vieillesse, qui après tout constituent aussi des témoignages intéressants et même touchants de l’état d’esprit d’une époque. Les silhouettes des cangaceros à cheval, se découpant en noir et blanc sur l’horizon, sont superbes. Les gros plans sur leurs visages burinés transmettent efficacement au spectateur le sentiment de leur sauvage brutalité. Les costumes et les décors sont travaillés avec beaucoup de soin, contribuant à renforcer un sentiment de vraisemblance et une tension dramatiques par ailleurs malmené.

Et puis ce film a une double valeur de témoignage. D’abord parce qu’il exhume le souvenir d’une période importante et mythique de l’histoire du pays. Ensuite parce qu’il a constitué une étape importante dans la renaissance du 7ème art brésilien au cours des années 1950. On peut donc le recommander aux cinéphiles avertis, sans qu’il s’agisse pour autant d’une étape obligée pour le grand public.

Fabrice Hatem

(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le vendredi 23 novembre 2012)

www.filmar.ch

  

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