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Reflets du cinéma latino-américain

Después de Lucía (Après Lucia)

Fiction mexicaine de Michel Franco,2012, 103 minutes

ImageC’est un film tragique, poignant, inoubliable peut-être. Après l’accident de voiture qui a coûté la vie à leur épouse et mère, Lucia, un père et sa fille partent habiter à Mexico. Alors qu’il affronte difficilement son deuil, elle est soudain confrontée dans son lycée à un harcèlement de plus en plus violent de la part de ses camarades, qui la transforment progressivement en souffre-douleur … jusqu’au drame final.

Second long-métrage du jeune cinéaste Mexicain Michel Franco, ce film qui évoque avec une anticipation visionnaire un sujet devenu depuis quelques temps d’actualité – celui du harcèlement des adolescents sur internet – a plusieurs très grandes qualités.

Tout d’abord, il explore de manière particulièrement fine la psychologie de deux personnages repliés sur leur souffrance muette : le père qui ne parle jamais de son deuil, mais pleure lorsqu’il est seul, et la fille, qui finit par accepter passivement et silencieusement son statut de souffre-douleur. La montée de la tension intérieure chez ces deux protagonistes, ainsi que celle de la violence psychologique, puis physique, au sein du groupe d’adolescents, sont rendus tant de force et de justesse qu’elles en deviennent presque physiquement palpables.

En alternant des explosions imprévues de violence qui frappent comme une gifle, de lentes et angoissantes montées vers des déchaînements de méchanceté qui donnent envie au spectateur de hurler de rage comme s’il en était lui-même la victime, et des rebondissements imprévus qui ne soulagent d’une crainte terrifiante que pour apporter un autre malheur, le film fait plus que nous tenir en haleine : il projette le spectateur au cœur de l’action, comme s’il était lui-même victime de cette tragédie.

Mention particulière pour l’interprétation remarquable des acteurs : l’effondrement progressif du père, la souffrance silencieuse de la fille, et surtout l’émulation dans la méchanceté du groupe d’adolescents, sont rendus avec une telle vérité et une telle force qu’on vraiment envie d’attendre les acteurs incarnant les collégiens à la sortie de la salle pour leur coller une paire de claques.

Courez donc sans hésiter pour voir – ou plutôt pour vivre – cet excellent film. Mais je vous préviens : vous n’en sortirez pas indemnes….

Fabrice Hatem

 (Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le mercredi 21 novembre 2012)

www.filmar.ch

 

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