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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Soy Cuba : une initiative généreuse et exemplaire de coopération avec Cuba

soy7 La plupart d’entre nous vont à Cuba pour bien s’amuser, apprendre à danser, profiter des plages et du soleil. Quoi de mal à cela ? Mais Cuba est aussi un pays dont la population souffre de très graves pénuries matérielles (photo Ci-jointe . enfants du quarteir populaire de Nuevo Vista Alegre, à Santiago de Cuba).

La situation des artistes professionnels – danseurs et musiciens, ceux-là même qui nous donnent nos cours de Salsa – et des lieux de culture – théâtres, écoles d’art, maisons de la culture – y est particulièrement critique. Les compagnies professionnelles de danse, par exemple, manquent à peu près de tout pour préparer les spectacles que nous aimons tant : chaussures, lieux de répétition bien équipés, serviettes, savons, ventilateurs, équipements audio-visuels…

soy4 Une association de Salsa de la région parisienne, Soy Cuba, a donc décidé de mettre en place un projet de coopération pour aider matériellement ceux qui oeuvrent quotidiennement là-bas pour faire vivre la magnifique danse populaire cubaine (photo Ci-jointe . Fabien Figueres en réunion de travail avec les responsables de la Maison de la culture José Manuel Poveda).

L’idée est simple dans sa générosité : l’argent recueilli à travers les cours les soirées de l’association est utilisé pour financer des petits projets de coopération avec des institutions culturelles de Santiago de Cuba.

Les origines du projet remontent à 2008. Soy Cuba se met alors en contact avec les autorités cubaines (ministère cubain de la coopération) par l’intermédiaire de l’association Cuba-coopération. En octobre 2009, quelques membres de l’association se rendent sur place pour définir les priorités. Il apparaît assez vite que si la région de La Havane bénéfice déjà de gros programmes d’aide extérieure, celle de l’Oriente est par contre un peu oubliée. Direction donc Santiago de Cuba, où une autre visite officielle est organisée en février 2010, en liaison avec la Direction provinciale des arts scéniques.

Au cours de l’année 2010, une liste de projets prioritaires est mise en place après des négociations entre Soy Cuba et cette institution : achat de matériel pour la Maison de la culture José-Manuel Poveda du quartier de Nuevo Vista Allegre, pour le Théâtre Cabildo de Santiago, pour l’école d’instructeurs d’art de Vista Allegre et pour le centre provincial de la culture ; rénovation de la maison des étudiants de l’université pédagogique et de la salle d’entraînement du Conjunto Folklorico de l’Oriente… Le tout représentant un budget total de plusieurs dizaines de milliers d’euros, étalé sur plusieurs années.

soy9 En janvier 2011, Fabien Figueres, Président de Soy Cuba et principal inspirateur du projet, prend un congé sabbatique de 8 mois et vient vivre à Santiago de Cuba, où il résidera jusqu’en Août 2011 pour suivre l’avancement des programmes. Il en profite pour satisfaire sa passion de la danse en participant aux activités (répétitions et spectacles) de trois grandes compagnies de danse folkloriques de Santiago : Le Conjunto Folklorico de Oriente, Cutumba, et la Compagnie Kokoye (photo ci-jointe : Fabien en compagnie de danseurs de la troupe Kokoye).

De visite à Santiago de Cuba en Juillet 2011, j’ai pu suivre Fabien dans ses activités et tirer avec lui un premier bilan de son projet. C’est pratiquement au moment de mon arrivée que les premiers résultats concrets commençaient d’ailleurs à se manifester. Prenons trois exemples.

soy6 La casa de la culture José Maria Poveda a pour mission de promouvoir la culture populaire dans le quartier de Nuevo Vista Alegre, à travers des activités d’animation très diverses : cours de danse, de musique, d’arts plastiques de théâtre, de littérature, conférences, expositions, projections … (voir mon reportage). Mais l’équipe du centre travaille dans un environnement difficile : un bâtiment très délabré, une grande pénurie d’équipements et de matériel – depuis les crayons de couleur jusqu’au micro-ordinateur, en passant par les instruments de musique et les appareils audio-visuels de base (photo ci-jointe : conférence musicale sur le Son).

soy10 Une liste de matériels prioritaires a donc été définie. Après beaucoup de difficultés et de lenteurs bureaucratiques[1], il a été possible de créer un compte bancaire spécialement dédié un projet, dans lequel les responsables du centre peuvent directement puiser pour réaliser les achats. Une première tranche d’un millier d’euros a déjà été versée sur ce compte, ouvrant la voie aux premiers résultats concrets.

Situé au cœur de Santiago de Cuba, dans l’artère la plus commerciale de la ville, la rue Enramada, le Théâtre Cabildo est un lieu d’intense activité culturelle. On y trouve une grande salle de spectacles de 200 places, une galerie d’expositions, et un joli patio où peuvent être organisées des peñas. Le théâtre a sa propre compagnie de comédiens, Gestus, composée de 16 artistes, et donne chaque année de nombreux spectacles (une dizaine de créations en 2010, voir reportage à venir).

soy3 Mais c’est aussi un lieu délabré et mal équipé, au point qu’au moment de ma visite, il était provisoirement fermé pour des raisons liées au mauvais approvisionnement en eau, en électricité et à l’éclairage défectueux de la salle principale. Là encore, la liste des matériels prioritaires donne l’idée de l’ampleur des besoins de base : des chaises pour le patio, un frigidaire, une grande échelle pour le machiniste, des ventilateurs. Au moment de ma visite, et après beaucoup de difficultés de toutes natures (par exemple l’impossibilité de trouver dans les magasins de Santiago les types de chaises dont le théâtre avait besoin) les ventilateurs et le frigidaire venaient juste d’arriver (photo ci-jointe : Fabien en compagnie des animatrices du théâtre).

soy5 Le conseil provincial des arts scéniques est l’institution en charge de la gestion des activités de danse, de théâtre et de variétés dans la région de Santiago – manifestations culturelles qui, comme dans le reste du pays, dépendent de l’Etat. Elle gère 380 artistes, 12 compagnies professionnelles de danse, 7 compagnies de théâtre et 7 salles de spectacle. Elle organise en liaison avec d’autres institutions jumelles, la programmation des spectacles et des festivals, gère la politique culturelle de la province en matière de spectacle vivant (notamment les programmes d’animation dans les parties reculées et montagneuses de la région), et définit la liste des prestations mensuelles que chacun des artistes fonctionnaire doit accomplir pour toucher son salaire.

Il s’agit là d’un processus de planification très centralisé, lourd et complexe pour lequel elle est mal outillée. Là encore, une liste de matériels de première nécessité a été définie avec Soy Cuba, dont une première tranche venait juste d’être achetée à mon arrivée : imprimantes, clés USB, etc. (photo ci-dessus : Fabien et la directrice adjointe du Conseil devant un premier lot de matériels).

Quelles leçons tirer de cette expérience ? Je vois déjà venir les éternels insatisfaits et autres inspecteurs des travaux finis, avec leurs critiques évidentes et faciles, portant par exemple sur les lenteurs du projet – imputées à l’inefficacité supposée de la bureaucratie cubaine -, ou encore sur l’opportunité discutable d’une aide cache-misère à des structures publiques intrinsèquement défaillantes. A ceux-là, je répondrai d’abord que le projet ne fait que commencer, et que ses résultats ne pourront être définitivement évalués que dans la durée. Un peu de patience, donc !

soy2 Mais surtout, cette initiative présente l’immense mérite de renforcer dans le monde de la Salsa européenne l’esprit de bénévolat associatif et les réflexes solidaires et humanistes, qui à mon humble avis, y sont encore insuffisamment développés. Alors, amis parisiens, venons soutenir la démarche de l’association Soy Cuba par notre présence à ses cours et à ses soirées. C’est sympa, généreux, et plus enrichissant qu’une approche classique de « consommation de loisirs ».

Fabrice Hatem

Coordonnées de l’association Soy Cuba
www.soycuba.fr
soycuba@soycuba.fr


[1] L’envoi direct du matériel à Cuba se révèle par exemple difficile pour des raisons douanières. Mais la solution alternative – l’envoi de fonds pour l’achat sur place du matériel – se heurte également à des difficultés importantes : réalisation matérielle du transfert, choix des personnes autorisées à utiliser les fonds, contrôle de leur utilisation, absence du matériel nécessaire dans les magasins cubains …

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