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Musique et musiciens cubains

La musica popular, de Maria Teresa Linarés

lamusicapopular Un ouvrage de vulgarisation sur la musique populaire cubaine

Ce petit ouvrage, de format poche, présente un double intérêt : d’une part, il constitue un excellent résumé de l’histoire de la musique populaire cubaine ; d’autre part, c’est un témoignage de l’effort entrepris au cours des années 1960 et 1970 par le régime castriste, appuyé par les intellectuels cubains, pour élever le niveau culturel de la population.

Dans son introduction, Maria Teresa Linares fait en effet référence, pour expliquer l’origine du livre, au programme massif d’éducation alors mené par le régime – qui à ce moment portait le nom de « bataille du 6ème degré », niveau scolaire que le gouvernement s’était donné pour objectif de faire atteindre à la majorité de la population. La promotion de la culture populaire – vue comme une sorte de contre-feu idéologique à la culture de loisirs dite « mercantiliste » supposément imposée par les grands médias « capitalistes » – constituait un volet important de de cette ambition éducative. D’où une longue série d’initiatives prises au cours des années 1960, comme la fondation de Conjunto Folklorico Nacional de Cuba, de la Casa de las Americas, ou encore du réseau des maisons de la culture.

La radio, l’audiovisuel et l’édition furent également mis à contribution par cette campagne. La jeune télévision cubaine diffusa de nombreux programmes consacrés à différents aspects de la culture populaire – de la trova à la rumba, en passant par la rueda de casino. Une expérience de « télé-enseignement » fut même mise en place dans le cadre du programme « L’université pour tous », qui associait émissions pédagogiques et publication d’imprimés – à l’exemple du tabloïd Música y Músicos, rassemblant sur quelques dizaines de pages les contributions de nombreux musicologues et artistes.

Dans le domaine du livre, des collections pédagogiques furent également mises en place, à l’instar notamment de la collection Introducion à Cuba, dont fait partie l’ouvrage La musica popular.

Aux côtés d’Alejo Carpentier ou d’Argelies Léon – dont elle fut d’ailleurs l’épouse – Maria Teresa Linares est l’une des plus éminentes représentantes de la musicologie cubaine du XXème siècle. Entre autres livres de référence, elle est l’auteur d’un ouvrage de synthèse très complet sur l’histoire de la musique populaire cubaine – La musica y el pueblo – dont ce petit opuscule peut être considéré à bien des égards comme une sorte de résumé, simplifié et allégé de manière à le rendre accessible à un large public.

Le livre est divisé en six chapitres, suivant un plan quasi-chronologique, peut-être un peu simplificateur, mais facile à mémoriser : les antécédents (musiques d’origine espagnole, africaine, franco-haïtienne) ; le mouvement de créolisation à partir de la fin du XVIIIème siècle (guaracha, habanera, théâtre-bouffe, organito oriental, musiques et danses de salon) ; l’essor de la musique nationale au cours de la seconde moitié du XIXème (chants révolutionnaires, Danzon, théâtre, nouvelles formes de musique populaire) ; les débuts du XXème siècle (Rumba, Cumparsas, chanson populaire et Trova, théâtre de variétés, Son et Boléro, Charanga francesa, chanteurs et musiciens des années 1930 et 1940) ; la diffusion commerciale (Radio, Jazz bands, Son urbain, influences étrangères, feelin, Mambo et Cha cha cha) ; enfin les développements dits « présents » – c’est-à-dire datant de la fin des années 1960 (essentiellement Nueva cancion et Cancion protesta).

Tout dans l’ouvrage est fait pour le rendre accessible à un large lectorat : utilisation de gros caractères, mots importants soulignés en gras, présence à chaque page d’illustrations – photos, reproduction de revues et d’affiches, partitions – qui occupent souvent un place équivalente, voire supérieure, à celle du texte écrit… Par la masse et la densité des informations fournies, le livre reste cependant davantage l’œuvre d’un spécialiste cherchant à rendreun peu plus accessible le produit de ses recherches que celle d’un vulgarisateur de profession. Bien adapté aux besoins d’un lecteur déjà doté d’une formation intellectuelle, il me semble donc par contre un peu trop ardu pour répondre aux besoins d’un lectorat véritablement populaire et peu habitué à la lecture d’ouvrages savants.

Fabrice Hatem

Maria Teresa Linares, La musica popular, coll. introduccion a Cuba,151 pages, Instituto del libro, La Habana, 1970

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