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Danse et danseurs

Isaias Rojas Ramirez : associer tradition afro-haïtienne et danse contemporaine

Cela faisait longtemps que j’espérais rencontrer le chorégraphe Isaias Rojas Ramirez. Plusieurs excellents danseurs cubains installés en France, comme Papucho et Nichito, avaient déjà évoqué avec moi, au cours de précédents entretiens, leur parcours à ses côtés. Des chorégraphes de renom, comme Juan Teodoro Fiorentino ou Domingo Pau, m’avaient parlé de manière très élogieuse de son oeuvre à la tête des compagnies Danza Libre puis Ban Rarra, porteuses d‘une expression artistique de haut niveau, inspirée de la danse populaire afro-haïtienne. J’avais moi-même beaucoup apprécié le peu que j’avais pu voir de son travail sur Internet : une danse vivante, énergique, à la fois ancrée dans la tradition et très inventive.

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Puis, lors de mon dernier séjour à Cuba, début octobre 2011, j’eus l’occasion de fréquenter plusieurs jours de suite le fameux théâtre Mella de La Havane. C’était à l’occasion d’un festival de danse, organisé à l’initiative de Narciso Medina, pour fêter, je crois, le 30ème anniversaire de sa compagnie. J’avais pratiquement planté ma tente et ma caméra dans le jardin du théâtre, pour tourner notamment des images de la compagnie Ebony, dont Domingo Pau, sur lequel je réalise actuellement un documentaire, est chorégraphe. Et c’est là qu’un matin, au lieu d’une répétition annoncée de cette compagnie – et reportée au dernier moment -, j’assistais à une scène de danse d’une incroyable énergie, où les cinq danseurs, tremblants, titubants, mais dégageant aussi une forte puissance virile, semblaient pris d’une véritable transe. Ils furent suivis par six danseuses aux jolies robes colorées, réalisant sur la scène de gracieuses et érotiques volutes. Je venais, sans le savoir, d’assister à une répétition de la compagnie Ban Rarra.

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L’après-midi même, alors que je me trouvais en compagnie des chorégraphes de la Compagnie Ebony dans le jardin du théâtre Mella, je vis passer Isaias Rojas, que je reconnus pour avoir glané sur Internet quelques photos et quelques images de lui, intégrées ensuite dans mon documentaire vidéo sur le danseur Papucho. J’avais à l’époque tenté, sans succès, de solliciter son amitié Facebook en vue d’un possible entretien. Je me précipitais donc vers lui pour me présenter. Le nom de Papucho agit alors comme un Sesame. « Papucho, mi amigo, mi hermano » s’exclama Isaias. Et il se jeta dans mes bras comme si j’avais moi-même été Papucho.

Je tirai profit de ces bonnes dispositions pour solliciter l’entretien tant convoité, dont le principe me fut immédiatement accordé, avec en prime l’autorisation de filmer le spectacle de Ban Rarra – à charge pour moi d’en remettre le produit à Isaias. Je m’exécutais le soir même. Je possède donc maintenant, soigneusement rangé dans mon ordinateur, un magnifique ballet Abakua dansé par six Ireme ; une danse féminine Congo très vive, gracieuse et colorée ; une inquiétante scène d’envoutement Gede se déroulant dans un cimetière ; enfin une danse dite « Tejer la cinta », où deux groupes de danseurs -six hommes et six femmes – enroulent puis déroulent des fils de couleurs autour de deux mats – la compétition, portant sur le fait de savoir lequel des deux groupes parviendra le plus rapidement à réaliser cette opération, tenant ainsi le public en haleine.

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Bref, c’est les yeux et le cœur encore emplis de la magie de ces chorégraphies vivantes et magistralement interprétés que je me rendis, la veille de mon retour vers Paris, au domicile d’Isaias, situé en plein cœur du quartier populaire de Jesus Maria, à Centro Habana. Celui-ci m’y reçut en compagnie de sa famille, et notamment de ses deux fils – dont l’un s’apprête à suivre les traces artistiques de son père – qui me raccompagnèrent ensuite chez moi pour récupérer une copie de mes enregistrements. Pendant près d’une heure, Isaias détailla pour moi, avec enthousiasme et éloquence, les étapes de son parcours artistique et notamment de son travail au sein des compagnies Danza libre puis Ban Rarra.

C’est cet entretien que je vous livre ici, accompagné de quelques photos, malheureusement de qualité un peu inégale, tirées du film que j’ai tourné, avec l’autorisation d’Isaias, le 7 octobre dernier au théâtre Mella.

Pouvez-vous nous parler de la compagnie Danza Libre ?

J’ai fondé la compagnie Danza Libre en 1989 à Guantanamo avec la chorégraphe américaine Frida Malher, originaire de Philadelphie, aujourd’hui décédée. Il existe dans cette ville une culture de danse très vivante, centrée sur la tradition franco-haïtienne, portée par les compagnies d’amateur (« afficionados ») des Maisons de la Culture et par les groupes de danse traditionnels. Danza Libre y a puisé une partie de son inspiration, mais elle a été la première compagnie professionnelle créée à Guantanamo. Nous avons donné nos premiers spectacles en 1990.

Avant de fonder Danza libre, j’ai fait beaucoup de recherches sur la culture populaire des provinces de l’Oriente cubain et surtout de Guantanamo, où l’influence de la culture franco-haïtienne est très forte. J’ai travaillé avec les groupes traditionnels, souvent composés de personnes âgées, qui pratiquaient la Tumba Francesa et d’autres danses folkloriques dans les quartiers populaires de peuplement d’origine haïtienne, comme celui de San Agosto. Ces quartiers sont de véritables creusets culturels. On y parle créole, espagnol, anglais aussi du fait de l’ascendance jamaïcaine d’une partie de la population. Comme j’y ai vécu moi-même dans ma prime jeunesse, j’ai pu m’y initier en profondeur à la culture franco-haïtienne.

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Je me suis également intéressé aux formes de Sones les plus authentiques que l’on peut trouver dans la province de Guantanamo, comme le Changüi, le Criba, le Nengon, la Ganaba, la Pasion et beaucoup d’autres qui ont surgi dans la partie montagneuse de cette région, à Baracoa, Yatera, El Salvador, ainsi que dans d’autres lieux parfois très reculés, quasiment inconnus. Cela a inspiré mon travail chorégraphique depuis ma première jeunesse. En même temps, j’ai commencé à étudié la danse dans une école de la ville de Granma, où j’ai obtenu mon premier diplôme. Puis, j’ai intégré l’école nationale des instructeurs d’arts de La Havane et suis devenu maître d’école d’arts et danseur professionnel.

Après mon service social, je suis retourné à Guantanamo et j’ai commencé mon travail de recherche en tant que chorégraphe. J’ai commencé avec le groupe Jaguey, de l’université de la ville, ainsi qu’avec le groupe afficionado de travailleurs 10 de Octubre où dansait déjà Luis Castillo, « Nichito ». A l’époque, il travaillait dans la rue, il s’occupait des campagnes de lutte contre les moustiques. Il avait un talent formidable, c’était l’un de mes meilleurs danseurs. Nous nous sommes beaucoup rapprochés et il m’a suivi ensuite dans mes entreprises. Il a été l’un des fondateurs des groupes 10 de Octubre, de Danza Libre, puis de Babul et Ban Rarra.

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J’ai obtenu pendant cette période plusieurs prix – dans des œuvres où dansait d’ailleurs Luis Castillo – qui m’ont encouragé à persévérer. J’ai décidé un jour de fonder Danza Libre avec Frida Mahler. L’idée était d’associer la danse contemporaine – domaine dont Frida était familière est qu’elle supervisait dans la compagnie – et le folklore cubain – dont je m’occupais. Nous avons commencé avec une troupe essentiellement composée de danseurs sans formation académique venus des groupes aficionados comme le 10 de Octubre. Puis nous avons accueilli des artistes formés dans les écoles de danse, comme l’Ecole nationale des arts (ENA) ; par exemple Alfredo, qui est actuellement le directeur de Danza Libre à Guantanamo. Nous avons ainsi monté une compagnie mixte, dans sa composition comme dans son projet esthétique, avec des spectacles associant des œuvres folkloriques et contemporaines. Cette fusion a été une réussite.

C’est à ce moment qu’a vraiment commencé mon travail de chorégraphe de haut niveau. J’ai réalisé de grandes oeuvres come Los Bandos, Rebelión, Los guaracheros de la Loma, que nous avons joué avec beaucoup de succès, notamment à La Havane, et qui ont obtenu des prix au niveau national.

Comment a commencé l’aventure de la compagnie Ban Rarra ?

En mars 1994, nous avons décidé de venir à La Havane, et nous avons alors créé Ban Rarra, qui s’est d’abord appelée Babul pendant un mois à Guantanamo, avant de prendre son nom définitif juste après notre arrivée dans la Capitale. Le nom Ban Rarra avait beaucoup à voir avec la caractéristique du groupe. Cela vient de ban, qui signifie « groupe de personne » et de Rarra, des gens qui ont un objectif bien clair- et la compagnie était bien dans cet état d’esprit.

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Nous sommes arrivés à La Havane en train, sans un sou dans les poches, sans instruments, sans costumes, avec un objectif très clair : y chercher une nouvelle vie et des opportunités de succès artistique, jouer nos spectacles dans les meilleurs théâtres de notre Capitale, puis à l’étranger. Mais c’était au moment de la période économique spéciale, et la vie était très, très dure pour notre petit groupe de jeunes danseurs et musiciens professionnels. Nous vivions à quinze, entassés dans une toute petite pièce, dormant pratiquement à même le sol ; on cuisinait et on mangeait comme on pouvait. Mais Ban Rarra, artistiquement parlant, avait une forte énergie, une grande unité aussi. C’est ce côte fonceur qui fait qu’on nous a surnommé « le train » parce nos spectacles dégageaient un dynamisme formidable. Dans les spectacles de Ban Rarra, on ne sait pas comment font les danseurs pour changer entre deux chorégraphies, par qu’ils reviennent sur scène très rapidement, avec de nouveaux costumes. La danse de l’Oriente cubain est très forte, très dynamique, très théâtrale, avec des machettes, des bouteilles, des tables que l’on porte, des cracheurs de feu, des mouvements acrobatiques, des vêtements très colorés, des sauts, une atmosphère de compétition aussi, comme dans la danse dite « Tejer la cinta », qui tient le public en haleine.

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Dans la première équipe, Il y avait des danses formidables comme José Antonio Lara, Missael Moré, Bocoi qui vit maintenant en Italie, Nichito qui s’est depuis installé en France, ou encore José Rojas, mon frère, qui est aujourd’hui à San Francisco. Ils dégageaient une énergie extraordinaire. Papucho est venu se joindre à nous un peu plus tard à La Havane. Nous avons étudié ensemble à l’Institut supérieur des arts (ISA), où nous avons fondé Isadanza. C’est un danseur très fort, très dynamique, créatif.

Comment a ensuite évolué Ban Rarra ?

Depuis la fondation de la compagnie, plusieurs générations de danseurs sont passées par Ban Rarra. Je vais dans les quartiers populaires les plus pauvres, les plus populaires de Cuba, à la recherche de danseurs de talents, de grands noirs, avec une bonne figure, une bonne posture. Encore aujourd’hui, la plupart des danseurs de la compagnie viennent de la rue (c’est-à-dire d’une pratique d’amateur, ndlr), pas des formations académiques. Ils se forment au sein de la compagnie, qui tient donc aussi lieu d’école. Plusieurs danseuses sont diplômées de l’ISA et de l ENA. Mais tous, en arrivant à la compagnie, en assimilent le répertoire et la ligne esthétique sur le tas, par la pratique.

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Ban Rarra ne fait pas que de la danse folklorique. Son registre expressif inclut aussi la danse moderne et contemporaine, le spectacle populaire et de variétés. Les danseurs sont préparés pour cela par une intense formation technique, prodiguée par Manuel Domenico, qui est aussi régisseur de la compagnie. Moi-même, bien sûr, j’enseigne le folklore. Cette fusion de la danse moderne et contemporaine présente un caractère unique et constitue l’originalité, la marque de fabrique de Ban Rarra. Nous travaillons beaucoup la théâtralisation, la gestuelle, le jeu scénique. Nous faisons aussi un travail de recherche sur les sources de notre folklore, apportées par tous ces groupes ethniques qui sont rentrés à Cuba : Haïtiens dans l’Oriente, mais aussi, dans l’Occidente, Congos, Lucumis, Yorubas, Araras, Carabalis et autres. Ban Rarra puise dans cette source de richesse culturelle unique, tout en développant une ligne esthétique complètement originale.

Pouvez- vous dire quelques mots du spectacle de vendredi dernier au Théâtre Mella ?

Ce spectacle était surtout basé sur la partie folklorique de notre travail. Par contre, l’aspect « danse contemporaine » et sa fusion avec le folklorique n’étaient pas présents, bien qu’il constituent une originalité fondamentale de Ban Rarra.

Le spectacle a commencé par une danse Abakua, avec un ballet de six Ireme (le personnage central de la danse Abakua, ndrl). C’est une danse de sociétés secrètes constituées exclusivement d’hommes. Les danseurs ont la tête couverte d’une capuche, avec des vêtements très colorés. Les mouvements des danseurs ont des significations ésotériques, et ont également un lien très fort avec les percussions et le chant.

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La seconde chorégraphie était une danse Congo, interprétée par un groupe de danseuses. C’est une danse que l’on célèbre les jours de fête, à l’occasion des anniversaires, ou encore pour remercier un Saint pour une bonne révolte de café. On la dansait souvent d’ailleurs dans les champs ou encore dans le séchoir à café. C’est aussi une danse de fécondité, à caractère amoureux et érotique, entre l’Homme et la Femme.

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Les danseurs hommes ont ensuite interprété un Papagede. Il s’agit d’une danse très érotique, très spectaculaire, avec un gros travail théâtral et des mouvements de pelvis et du torse très marqués. Mais c’est aussi une représentation des Morts, et le tableau est d’ailleurs censé se passer dans un cimetière. Les personnages s’appellent les Gede, et le talc blanc qui recouvre leur visage représente la mort.

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La Danse dite « Tejer la cinta » se célèbre traditionnellement le 6 juin à Guantanamo le jour de la Saint Joaquin. Plusieurs groupes dansent en même temps, chacun autour d’un mât, en y enroulant puis déroulant des rubans de couleur. Le groupe gagnant est celui qui arrive le premier à dénouer tous les fils. C’est donc une danse à caractère compétitif, ce qui provoque un suspense, une attente chez le spectateur. C’est très difficile, très acrobatique.

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Dans le spectacle que nous avons présenté l’autre jour, au théâtre Mella, il y avait deux groupes, composés de six filles et de six garçons. Les filles ont perdu, car l’un de leurs six fils s’est rompu et l’une des danseuses a dû sortir. Sinon, la compétition aurait été plus intense. Mais les filles ont quand même pu continuer jusqu’au bout malgré cet incident imprévu. Les danseurs ont en effet une préparation technique très poussée, ce qui leur permet de résoudre n’importe quel problème technique lors de la représentation, qui est, par définition, improvisée.

Quelles sont les activités actuelles de Ban Rarra ?

Ban Rarra est comme un reflet de la danse dans la ville de La Havane, où l’on trouve de tous les styles : la Chancletta, de la Rumba, des danses populaires comme le Cha Cha Cha, le Mambo, la Salsa. Nous sommes le premier groupe à Cuba à avoir chorégraphié des Salsa dites « sueltas », c’est-à-dire des Salsa en ligne de forme très créative (Il existe trois formes de Salsa : Suelta, Despelote et Casino, ndrl). Nous faisons aussi une fusion entre danse contemporaine moderne et folklorique, ce qui demande aux danseurs de maîtriser et fusionner plusieurs techniques. Nous donnons également des spectacles de danse populaire et de variétés dans les lieux nocturnes, les cabarets. Nous avons donné à plusieurs reprise ce type de spectacle mixtes à l’étranger, combinant danses folkloriques, populaire, variétés, notamment aux Etats-unis au début des années 1990,avec beaucoup de succès. Ban Rarra est une compagnie sans limite de création.

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J’ai étrenné récemment une œuvre qui s’appelle Del Caribe Soy, basée sur l’histoire des aborigènes et que m’ont inspiré mes recherches dans les environs de Guantanamo, dans une des derniers villages d’ascendance indienne qui subsistent, La Caridad de los indios. C’est l’un des seuls lieux où se soient conservées les traces d’influences indiennes en matière de danses, de musiques. Ces gens maintiennent cette culture aborigène, fusionnée bien sûr avec d’autres apports. J’ai eu la possibilité de me rendre sur place pour recueillir leur héritage, écouter leurs vieilles chansons. J’ai partagé ce moment avec mes danseurs. Cela a été très impressionnant.

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Vous avez également une activité d’enseignement ?

Tous les danseurs, percussionnistes chanteurs de Banrara sont préparés pour enseigner. Nous pouvons donner des cours techniques et méthodologiques, pour tous les niveaux de danse, depuis l’élémentaire jusqu’aux classes magistrales. J’ai moi-même une longue expérience en ce domaine, notamment à l’ISA où je donne souvent des cours et des sessions de formations, comme je vais par exemple le faire le mois prochain.

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Nous avons des activités d’enseignement à l’étranger. Nous avons donné des master class aux Etats Unis, notamment à la compagnie Plazacuba. Nous avons enseigné et joué en Espagne, en Italie, dans d’autres pays d’Europe, en Asie, au Japon, en Corée, en Chine, dans toute l’Amérique, de la Colombie au Canada. Nous avons eu, à Cuba même, des élèves de nombreuses nationalités : français, anglais, russes, etc…. A l’étranger, nous travaillons notamment avec une compagnie Serbe, Cubalkanica, installée à Belgrade.

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Nous enseignons aussi aux danseurs cubains eux-mêmes. Ban Rarra a joué un rôle important pour introduire à La Havane les base du folklore oriental, qui maintenant font partie des programmes de l’ISA et de l’ENA. Nous avons enseigné ce folklore oriental à de nombreux groupes de danse de la Havane.

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Quel est le meilleur souvenir de votre vie professionnelle ?

La plus grande satisfaction de ma vie artistique, c’est d’avoir créée et dirigé la compagnie Ban Rarra, qui a été au cœur de toute ma démarche de recherche. J’ai été très ému la première fois que nous nous sommes présentés au théâtre Mella en 1994, dans un spectacle d’une heure, avec les danses du feu, le Papagede…. Le public nous a applaudi debout pendant trente minutes en plein milieu du spectacle. Le Mella est le thermomètre artistique de la Havane, et cela a été une des plus fortes impressions de ma vie. Il y avait Nichito, Papucho. Bocoi, Cheo. Cela m’a donné l’énergie de poursuivre, d’aller de l’avant.

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J’ai aussi vécu beaucoup de moments très émouvants à l’étranger, Par exemple aux Etats-Unis à New York, pendant l’hiver 2001. Il faisait très froid, mais le théâtre était plein à craquer, et dehors il y avait une quantité incroyable de gens. A San Francisco, au théâtre Odyssey, nous avons vécu un moment comparable : il y avait autant de gens à l’extérieur du théâtre qu’à l’intérieur. A Philadelphie aussi, nous avons eu beaucoup de succès. A Pampelune en Espagne, sur une place, c’était terrible, les gens étaient comme fous. Je suis compositeur, j’écris beaucoup des musiques de Ban Rarra, J’aime le vin d’Espagne aussi, et j’ai écrit une chanson sur l’Espagne, et cela a été très impressionnant pour moi de voir les gens pleurer quand nous avons chanté cette chanson devant eux. J’ai aussi organisé un spectacle-rencontre avec la compagnie Raices profundas, avec une œuvre très contemporaine, et ce mélange des deux compagnies a été quelque chose de formidable.

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Ces expériences m’ont donné une autre vision du monde de la création. Il faut chercher des idées sans arrêt. Il est nécessaire d’écrire des scénarios plus professionnels, d’approfondir la recherche de la fusion entre danse contemporaine et folklorique. Les gens d’aujourd’hui n’ont pas la même culture, la même manière d’être, les mêmes nécessités que ceux d’il y a un siècle. Ils marchent de manière différente, plus rapide qu’autrefois, leur vie est plus dynamique. Ils ont besoin de spectacles plus forts, avec aussi une plus grande exigence intellectuelle. Avant, cela était plus facile de faire des chorégraphies, maintenant, il faut approfondir davantage la scénographie, la théâtralisation, pour que les gens ne s’ennuient pas.

Propos recueillis par Fabrice Hatem

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