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Carnet de voyage 2010 à Cuba

Miradas : un spectacle de tango plein de fraîcheur

Mercredi 8 septembre 2010, La Havane

spectneotango (pour visionner un diaporama et une vidéo de ce spectacle, cliquez sur les liens suivants : Diaporama, video1, video2)

Situé en plein centre de Buenos-Aires, sur l’avenue Galeano, le théâtre America, construit aux alentours des années 1930, conserve de sa gloire passée un coquet hall d’entrée joliment décoré d’images de spectacles, et une très belle salle pouvant accueillir plusieurs milliers de personnes. Mais, faute de travaux d’entretien et de modernisation, il présente aujourd’hui un aspect vieillot, voire parfois franchement délabré. C’est là que je me suis rendu, le mercredi 8 septembre, pour assister au nouveau spectacle de la compagnie Néo-Tango, Miradas.

Née il y a 4 ans, à l’initiative de Carolina Balmaceda, la compagnie Néo-Tango rassemble de jeunes danseurs passionnés de tango, pour la plupart amateurs, dans but de réaliser des exhibitions et des spectacles. Lors de mon passage à Cuba il y a deux ans, ce groupe avait déjà commencé à se produire pour quelques courtes démonstrations en tant qu’ensemble invité à l’occasion de divers événements. Mais il n’avait pas encore monté lui-même un spectacle complet. C’est maintenant chose faite avec Miradas.

Miradas est un spectacle plein de vie et d’invention, qui associe heureusement danse et poésie et donne au spectateur une idée assez complète de la diversité des formes du tango dansé et de leur évolution au cours du temps.

La trame scénographique n’est pas particulièrement originale : comme beaucoup d’autres spectacles du même type, Miradas propose en effet un voyage à travers l’histoire des différents styles de tango : les premiers tableaux nous transportent dans une époque immédiatement antérieure à la naissance de cette danse, lorsque les soirées de la bonne société portègne étaient déjà bercées par les rythmes de la Habanera, tandis que, dans la lointaine pampa, résonnaient les zapateos des gauchos. Nous assistons ensuite à la naissance du tango, illustrée par une scène assez réussie de Cayengue. Puis le spectacle se poursuit par une série de tableaux présentant différents styles : tango de salon, tango fantaisie milonga, valse, …

A chaque étape de ce parcours, les membres du ballet parviennent à nous faire oublier qu’ils sont des amateurs, et nous livrent une prestation propre et convaincante. Plusieurs heureuses trouvailles viennent également enrichir cette trame scénographique de base.

Tout d’abord, la participation de danseurs du ballet de la télévision cubaine – une des meilleures troupes du pays – permet d’ouvrir le spectacle vers la danse contemporaine – avec notamment un ballet stupéfiant de vitalité et d’inventivité sur la musique de Libertango – et les danses tropicales.

Ensuite, la poésie tanguera est mise en valeur d’une manière assez réussie, à travers une approche alternant théâtre et chanson. Enrique Discepolo et Horacio Ferrer – qui nous proposent tous les deux, chacun dans leur style, une poésie décalée – grinçante et torturée pour le premier, parfois proche du surréalisme pour le second – sont particulièrement mis à l’honneur. Ces incises poétiques contribuent à donner au spectacle une agréable dimension littéraire et théâtrale, fournissant ainsi un contrepoint heureusement dosé aux prestations des danseurs.

Enfin, plusieurs tableaux inattendus ajoutent au spectacle une touche bienvenue de fantaisie et de fraîcheur juvénile : par exemple la jeune danseuse de ballet classique en tutu glissant subrepticement quelques pas de tango dans ses entrechats, ou le musicien en costume XVIIIème siècle – s’agit-il de Mozart lui-même ? – conduisant joyeusement la troupe des danseurs de tango dans une farandole endiablée.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Par exemple, on perd un peu, vers la fin du spectacle, le fil du discours scénographique, devenu un empilement un peu décousu de (bons) numéros de danse. Il manque peut-être aussi à la troupe de néo-tango la présence d’un ou deux professionnels de stature internationale capables de subjuguer le public par de magnifiques solos, en contrepoint des séquences de ballet d’ores et déjà de très bonne facture.

Mais le spectacle est déjà, dans état actuel, une réussite qui se regarde avec plaisir et sans ennui. Poésie, danse, chansons y forment un heureux équilibre. Les costumes ont fait l’objet d’un effort d’autant plus remarquable que le spectacle n’a vraisemblablement pu se monter qu’avec un budget très modeste.

Encore une fois, les artistes cubains ont donc réussi á réaliser une oeuvre de qualité avec des moyens limités. Et à nous rappeler qu’il sont capables de maîtriser bien d’autres modes d’expression que la musique et la danse tropicales.

Fabrice Hatem

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