Catégories
Carnet de voyage 2010 à Cuba

Les Van Van retrouvent leur public cubain

Mardi 7 septembre 2010, La Havane

vanvan (Pour voir une vidéo et un diaporama du spectacle, cliquez sur les liens suivants : vidéo et diaporama)

Depuis quelques jours, la rumeur courait à la Havane : Ils sont revenus !!! Après une longue tournée à l’étranger, les Van Van allaient de nouveau jouer devant leur public d’origine. Mes amis cubains en parlaient un peu à la façon dont on évoque le retour au pays d’un frère ou d’un cousin parti faire fortune à l’étranger, très admiré, certes, mais surtout très aimé et dont l’absence leur causait une réelle tristesse.

Je fus donc les écouter à la Casa de la Musica le mardi 7 septembre dernier. En fait, ce n’était pas leur premier concert depuis leur retour à la Havane, puisqu’ils s’étaient déja produits à la Tropical, un night-club très populaire – à tous les sens du terme – de Miramar le samedi précédent. Mais l’information sur les spectacles circule tellement mal à la Havane que certains de mes professeurs de Salsa les mieux introduits n’avaient même pas été mis au courant….

Le concert était annoncé pour la fin de l’après-midi. J’arrivais assez tôt, vers 17h30, de crainte de ne pouvoir rentrer dans la salle, tant était perceptible le frémissement d’impatience que j’avais senti dans les milieux salseros de la ville. Ma surprise fut donc assez grande de rentrer sans aucune difficulté et de pouvoir m’installer à une très bonne table, extrêmement bien située par rapport à la scène. Loin de l’émeute annoncé, la salle ne se remplit que très progressivement – et était même loin d’être totalement pleine lorsque le concert commença un peu après 19 heures. De toutes les explications possibles à ce fait étrange, la plus plausible me semble être la situation économique très précaire de beaucoup de cubains, pour lesquels 10 CUC – le prix du billet d’entrée pour eux – représentent parfois une somme considérable.

Cette fois-ci, l’attente à la Casa de la Musica ne fut pas trop désagréable. La musique – principalement de la Salsa – était tout à fait dansable et son volume sonore pas excessif. La climatisation était correctement réglée et l’on n’avait pas l’impression en rentrant dans le lieu, comme c‘est le parfois le cas, de se retrouver subitement exilé au Groenland.

Ce qui me frappa le plus dans la prestation des Van Van – outre bien sur la qualité et le caractère entraînant de leur musique – c’est le mélange de décontraction, de simplicité et de familiarité bon enfant avec le public qui caractérise leur manière d’être. Avec eux, en effet pas de jeux de scène élaborés, ni même de petites animations dansées de la part des musiciens et des chanteurs. Mis à part le fait que la musique coule impeccablement, on a parfois plutôt l’impression d’assister à une répétition du spectacle : les artistes sont habillés comme s’ils allaient faire leur course, l’un ou l’autre s’arrête de temps en temps de jouer ou de chanter pour aller boire un verre ou dire un mot à un autre membre du groupe. Puis, au bout d’un moment, il revient à sa place et recommence son travail.

Ce n’est d’ailleurs pas très grave, car ils sont nombreux, les Van Van, beaucoup plus nombreux que je ne l’imaginais. J’ai compté une vingtaine d’artistes sur scène, dont pas moins de trois chanteurs. Cela donne une puissance sonore considérable, surtout lorsque l’imposante section de cuivre se met toute entière de la partie. Ce nombre élevé contribue, si j’ose dire, à « dé-stariser » les Van Van, et à les rendre encore un peu plus proche de leur public : beaucoup de gens à La Havane connaissent ou croient connaître un membre du groupe, qui leur devient ainsi encore un peu plus familier.

Comme je l’ai déjà expliqué dans d’autres articles, il est naturel à Cuba, dans les spectacles de Rumba et de Salsa, qu’une sorte d’osmose se forme entre les spectateurs et les artistes. L’un des grands talents des Van Van est de donner à cette communication avec son public national une forme particulièrement chaleureuse et intense. On sent que les chanteurs éprouvent un plaisir sincère à voir onduler devant eux les vagues de centaines de bras levés, comme s’ils pensaient : « chouette, je suis revenu à la maison et mes amis sont tous là pour m’accueillir ». Et lorsque le chanteur Mayito descend vers le public pour inviter une jolie fille à venir danser avec lui sur scène, on a vraiment le sentiment, pour une raison indéfinissable, qu’il cherche, très simplement, une partenaire avec laquelle danser un moment et pas qu’il est une vedette mondialement connue qui anime l’un des numéros de son « show » international (inutile de vous dire, cependant, que les filles ne se font pas beaucoup prier pour accepter l’invitation). Les gens le sentent, et cela crée une atmosphère très sympathique dont ne rendra jamais compte aucun CD enregistré, ni même vraisemblablement, aucun concert à l’étranger.

Il y a, à la Casa de la Musica, plusieurs manières possibles d’assister au spectacle des Van Van : on peut rester assis à sa table (si on a la chance de ne pas se l’être fait prendre en allant danser) pour simplement écouter la musique ou parler avec ses amis – ce que le volume sonore du spectacle rend parfois un peu difficile ; on peut aller danser sur la piste en regardant l’orchestre au milieu des autres spectateurs, tout en réalisant avec ceux-ci un petit mouvement collectif (par exemple agiter les mains en l’air ou faire un pas de base simple avec les pieds) ; et on peut danser la Salsa en couple avec une partenaire. Il est très agréable, en fonction de l’inspiration du moment, de passer de l’une à l’autre de ces options.

Bref, j’ai passé en compagnie de mes nouveaux amis les Van Van et de leur tres nombreuse famille cubaine une soirée très agréable, tout en comprenant définitivement que la magie d’un spectacle à Cuba ne tient pas seulement à l’immense talent des artistes, mais aussi à l’énergie collective créée par le partage qui s’instaure entre eux et le public.

Fabrice Hatem

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.