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Vie associative

Festivals d’été : du côté des coulisses

ImageEditeur : La Salida n°54, juin-septembre 2007

Auteur : Fabrice Hatem

Chaque année, la liste des manifestations estivales de tango s’élargit. Le mouvement fut initié au début de la décennie 1990 par le festival d’Alès, rapidement suivi par Lausanne et Sitgès, et un peu plus tard par Prayssac, Tarbes et la Frayssinette. Il a pris une ampleur nouvelle depuis trois ans, avec Menton, Val Cenis, Biganos, et, à partir de cette année, La Garde. Un phénomène que nous vous proposons de découvrir sous un angle original, en passant par les coulisses et les bureaux, à la rencontre des organisateurs .

Le rôle des pères fondateurs. Rendons d’abord justice aux individualités fortes qui ont créé et souvent porté à bouts de bras, pendant de longues années, ces manifestations. Des personnalités qui associent la passion pour le tango, l’attachement à leur région, enfin le désir d’entreprendre et de partager. Comme Jean-Claude Guibal, député-maire de Menton, tombé amoureux du tango à l’occasion de ses voyages en Argentine. Comme Peggy et Vincent, venus de Hollande il y a quelques années pour s’installer à la Frayssinette, dans la Vallée du Tarn et qui y ont créé un lieu de stages, le TangoValley. Ou encore comme Pilar Fernandez, qui contracta personnellement un emprunt auprès de sa banque pour pouvoir financer le premier festival de Sitges, il y a 14 ans. « La première année, cela a été une véritable aventure, il n’y avait pas de soutien financier, pas de réseau commercial, on n’avait aucune idée du résultat qu’on pouvait atteindre », se rappelle-t-elle.

Danse ou culture ? Le projet des fondateurs, les structures sur lesquelles ils s’appuient, marquent durablement, comme une sorte de code génétique, l’identité de la manifestation. Celle-ci est-elle née à l’initiative de danseurs passionnés, souvent réunis autour d’une association ? Les stages et les bals, conçus dans un esprit festif et convivial, en constituent alors l’élément central. « A la Feria du tango , dit Corinne Segay, nous voulons préserver l’esprit d’un festival à taille humaine, voulu par leurs fondateurs, Henri Vidiella et Catherine de Rochas ». La manifestation est-elle, au contraire, organisée par une municipalité ou un office du tourisme ? Sa démarche est alors davantage marquée par une dominante culturelle, visant à animer l’espace urbain et à renforcer la notoriété de la ville. « Nous voulons découvrir des jeunes talents, comme le groupe El Despues, programmer des orchestres un peu plus difficiles que la moyenne, explique Bernadette Onnis, de l’office du tourisme de Menton. Le tango contribue ainsi, avec beaucoup d’autres événements, à créer l’image d’une ville culturelle et ouverte ».

Une dynamique d’expansion. Mais ces festivals – du moins ceux qui perdurent – évoluent aussi avec le temps. D’abord en grandissant en taille et en durée, comme Prayssac. « La première année, en 1988, j’ai réuni 6 personnes pendant quelques jours dans ma maison de campagne, se souvient Marc Pianko. Cette année, le stage accueillera 400 participants pendant 2 semaines ». Mais également en s’ouvrant à des dimensions et à des partenaires nouveaux. A Menton, par exemple, l’office du tourisme fait de plus en plus appel aux associations de tango de la Côte d’Azur, comme El Gato Tanguero ou Very Nice Tango, pour l’organisation de pratiques, cours d’initiations et animations de plein air. Symétriquement, le stage de Prayssac s’est progressivement ouvert à des dimensions plus culturelles : concerts, conférences, expositions. D’où une certaine convergence des contenus : plus de culture dans les stages de danse, davantage de bals dans les festivals culturels. Mais aussi du soleil pour tous.

Un tropisme méridional. Constatons en effet une évidence : exception faire de la courageuse université d’été parisienne organisée par le Temps du tango, la-totalité des festivals de l’été, suivant en cela la géographie du tourisme saisonnier, a lieu au sud de la Loire, entre mer (Menton, La Garde, Sitges…), campagne (Prayssac, TangoValley…) et, plus rarement, montagne (Val Cenis…). Les tangueros peuvent ainsi associer les joies d’une villégiature agréable à la pratique de leur loisir favori. Quant aux organisateurs, ils mettent à profit les ressources du lieu et du climat pour enrichir et pimenter leur programme : danse en bord de mer à Sitgès, spectacle équestre et cavalcade dans les rues de Tarbes, village des Mauges transformé en « Barrio de tango » avec la complicité des restaurateurs locaux et de la municipalité….

Essais, erreurs… et moments de bonheur. N’allez pas croire, cependant, que cette croissance se fait naturellement et sans heurts. Elle est, au contraire parsemée de pièges et de difficultés de toutes sortes. Il peut s’agir de problèmes matériels ou techniques, comme ce cours d’initiation organisé lors de la première édition du festival de Menton en bord de mer, mais… sans protection contre le soleil. « Les gens étaient à la limite de l’insolation.. On a du couvrir le plateau en toute hâte » se rappelle Bernadette Onnis. D’autres difficultés peuvent venir d’un soutien défaillant des autorités locales. C’est par exemple ce qui a conduits les organisateurs du festival d’Alès à migrer vers le village de Mauges. Mais l’apprentissage, progressivement, se fait, en remédiant aux faiblesses congénitales : les municipalités se familiarisent avec les attentes et les besoins des danseurs ; les animateurs d’écoles de danse privée s’ouvrent à la culture… Et les associations apprennent à gérer avec rigueur les aspects comptables et logistiques. « Le sens de l’organisation et de la discipline de Marc Pianko, un ancien général de l’armée française, est pour beaucoup dans le succès de Prayssac », note un familier du festival.

Quelles récompenses ? Certainement pas à un résultat financier spectaculaire. Les comptes de la plupart des manifestations sont en général juste à l‘équilibre, et beaucoup d’entre elles ne pourraient survivre sans les subventions dont elles sont attributaires. Mais, par contre, que de moments de bonheur partagés, comme ce spectacle mémorable d’Erica Boaglio et Adrian Aragon au festival de Menton. « Dans la région, les gens sont calmes, peu expansifs. Mais au milieu du spectacle, le public a commencé à s’enflammer. Ils ne voulaient plus s’asseoir » se rappelle Bernadette Onnis. Et le plaisir, aussi, de fournir des occasions de rencontre à des personnes venues de pays et d’horizons différents. Y compris, parfois, de la région. « Une des particularités du festival de Tarbes, c‘est la forte participation de la population locale, notamment lors des milongas de l’après-midi sur la place de la mairie et des apéro tango » note Michel Duhamel, de l’association Tangueando Ibos.

Force et limites des partenariats. Mais, pour se développer harmonieusement, les festivals doivent pouvoir s’appuyer sur un réseau aussi serré que possible de bonnes volontés et de compétences. L’une des clés du succès du festival de Tarbes, par exemple, est sans doute la collaboration étroite et efficace qui s’est nouée depuis 10 ans entre la municipalité et l’association Tangueando Ibos. « Le principe de base est la collégialité, explique Michel Duhamel. L’association joue un rôle essentiel dans le choix des artistes et la programmation, l’office du tourisme s’occupe de la gestion du festival et des partenariats, enfin, la ville fournit un support au niveau des infrastructures ». Une contribution essentielle dont le bal du vendredi soir à la halle Marcadieu donne un bon exemple : « Une fois le marché du jeudi terminé, les ouvriers travaillent toute la nuit pour installer les gradins, les planchers et la sonorisation ». l

Bienvenue aux petits nouveaux. Au cours des deux dernières années, de nouvelles initiatives ont vu le jour. La seconde édition du festival du Val Cenis associera cet été un stage de tango argentin avec la découverte de l’histoire et de la culture du Rio de la Plata. A Biganos, un festival « toutes danses » permettra de découvrir, aux côtés des joies du tango, celles du rock ou de la salsa. Enfin, l’association Tangobleu 83 inaugure à La Garde son premier festival annuel. Largement de quoi remplir l’été des tangueros les plus passionnés…

Fabrice Hatem

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