Editeur : Anima, notes et études n°18, septembre 2006
Auteur : Fabrice Hatem (étude coordonnée par)
Malgré des progrès récents, les infrastructures et les services des transports continuent de présenter des déficiences importantes dans la région MEDA. Ces difficultés peuvent concerner aussi bien les infrastructures elles-mêmes, c’est-à-dire la possibilité physique de circuler d’un point à un autre, que la qualité du service rendu (temps et conditions d’attente, fiabilité, information de l’usager, intégration de chaînes de transport, services périphériques comme le stockage ou le transit douanier, etc.), enfin les coûts pour l’usager (prix du billet d’avion, du transport maritime). Or, bien loin de constituer une simple facilité octroyée par la puissance publique à des administrés ne disposant pas d’alternatives, les transports constituent un élément-clé des processus de développement et un élément décisif de la compétitivité des économies concernées. Tout obstacle dans le système de transport (retard, annulation de service, inconfort, incertitude, accidents etc.) constitue en effet une sorte d’impôt négatif qui freine le développement économique. Si l’appareil de transport des pays MEDA n’est pas concurrentiel, cela s’apparente à une pénalisation exactement identique à un surcoût de production, cela diminue donc directement la compétitivité des pays de la région
La modernisation de ces activités apparaît donc comme une priorité. Mais elle nécessite des efforts massifs qui dépassent les seuls moyens internes des pays de la zone. La contribution des firmes et des investisseurs étrangers apparaît donc nécessaire en ce domaine. Mais elle présente également des risques et des difficultés. L’objectif de ce rapport est de déterminer les conditions permettant une association mutuellement profitable de ces opérateurs internationaux au développement du secteur local des transports et de présenter des recommandations d’action en ce domaine. Les principales conclusions en sont résumées ci-dessous.
Des besoins inégalement satisfaits
Le développement économique des pays MEDA suppose la mise en place de services de transport efficaces, notamment dans les 5 domaines-clés suivants : le développement du fret et du trafic passagers international, le renforcement des liaisons intérieures entre les grandes zones d’activité, le désenclavement des régions intérieures, la fluidification des transports urbains en particulier dans les grandes métropoles. Or, les besoins restent globalement mal satisfaits dans ces différents domaines, même si la situation varie considérablement d’un pays à l’autre.
Concernant le trafic international, le fonctionnement de la logistique portuaire reste dans l’ensemble peu satisfaisant (niveau élevé des coûts et des temps de transports), pour des raisons tenant la fois aux déficiences physiques des infrastructures (capacités, adaptation des équipements) et aux méthodes d’exploitation. Les transports aériens, encore largement régulés avec une concurrence dans l’ensemble limitée, restent caractérisés par des tarifs assez élevés et d’importants besoins de modernisation et d’extension.
Concernant les transports intérieurs, les réseaux routiers restent souvent déficients tant en matière de liaisons internationales que d’axes secondaires. Les infrastructures urbaines, notamment en matière de transports publics (métros, voies réservées pour bus, tramways, etc.) doivent être considérablement renforcées pour faire face à la croissance des grandes métropoles de la région. Les réseaux ferroviaires sont dans l’ensemble peu développés.
Enfin, les opérateurs locaux de transports, qu’il s’agisse de grandes compagnies publiques ou de petites sociétés privés, ont du mal à offrir à leurs clients des services logistiques adaptés, fiables et de bon rapport qualité/prix, du fait notamment d’une difficulté à maîtriser les solutions multimodales.
Ces défaillances risquent d’avoir des conséquences très négatives pour les pays MEDA : en affaiblissant leur compétitivité face à des régions mieux dotés en matière de trafic fret et passagers international, comme l’Asie ; en marginalisant les régions, notamment rurales, mal desservies par les infrastructures existantes ; en créant des phénomènes de congestion urbaine dans les grandes métropoles ; en freinant le développement des échanges et l’intégration entre les grandes régions économiques du pays « utile ».
L’urgence d’une politique de développement
D’où la nécessité de faire évoluer la conception des politiques locales de transport en s’inspirant des principes suivants :
1. Le secteur a besoin d’une approche en termes d’infrastructure (mise à niveau des systèmes portuaires et aéroportuaires, des liaisons internationales intra-MEDA, des systèmes de transport métropolitaines et de la desserte de l’espace intérieur. Ceci doit faire l’objet de plans de transport nationaux, avec une dimension de coordination internationale (telle qu’étudiée dans le cadre du projet Euromed Transport)
2. Mais le secteur a aussi besoin de réformes en termes de gestion et d’administration (ouverture au privé et à la concurrence, largement engagée dans plusieurs pays, dérégulation des monopoles étatiques, appel au financement privé, nouvelle approche orientée « service »). Il faut passer d’une préoccupation essentiellement administrative et péagère (donner des autorisations ou licences, taxer, surveiller les mouvements) à une vision économique, dans laquelle, par exemple, l’immobilisation des biens ou des passagers a une valeur importante.
3. Si cette modernisation offre des garanties suffisantes, le capital étranger sera probablement intéressé à investir dans les secteurs les plus rentables, comme cela a déjà été le cas -pour les infrastructures, terminaux pour conteneurs, aéroports de plus de 1 million de pax/an, routes à péage dotées d’un trafic suffisant, parkings, etc.; pour l’exploitation, fret aérien et maritime, charters aériens, flottes de camionnage, taxis, etc. Il ne faut pas se faire trop d’illusions cependant, beaucoup d’infrastructures et de services devront être soutenus par les autorités publiques, du fait de tarifs sociaux et d’une rentabilité insuffisante
4. Afin d’éviter une totale mainmise étrangère (comme c’est souvent le cas pour le fret maritime, où la plupart de l’import est vendu CIF et la plupart de l’export est vendu FOB -ce qui signifie que les pays MEDA perdent la valeur de l’élément « transport » de le commerce international), il sera important de privilégier des partenariats avec des opérateurs internationaux expérimentés prévoyant un transfert progressif de savoir-faire et de responsabilités à des acteurs MEDA.
Diversité des situations nationales
Ce premier diagnostic très général ne doit cependant pas masquer la très grande diversité des situations nationales. Coexistent en effet dans la région MEDA des pays déjà bien équipés en infrastructures modernes et bien gérées, comme Israël ; des pays à forte tradition portuaire comme Malte et Chypre ; des pays qui se sont lancés depuis plusieurs années déjà dans d’actives politiques de modernisation comme le Maroc et la Tunisie ; d’autres qui ont lancé depuis peu d’importants programme d’équipement, comme la Syrie, la Jordanie, le Liban et surtout l’Algérie. Quant l’Egypte, elle tente actuellement de tirer parti de sa fonction historique de zone de transit entre l’Asie et l’Europe (Canal de Suez) pour développer une activité économique à proximité des ports concernés. Par contre, les infrastructures de transports restent en très mauvais état dans les territoires palestiniens.
La contribution potentielle des acteurs internationaux. Dans la plupart de ces pays, cependant, les ambitions de développement affichées se heurtent à l’insuffisance des moyens financiers et humains disponibles au niveau local. Le recours aux investisseurs internationaux pourrait de ce fait paraître souhaitable à la fois pour assurer le financement des projets, pour favoriser les transferts de technologies et de savoir-faire, et pour accélérer la mise à niveau de l’offre locale de services de transport.
Cet accroissement de la présence étrangère peut prendre différentes formes : privatisation de sociétés publiques nationales ; lancement de projets nouveaux confiés à des opérateurs privés ; mise en concession de l’exploitation d’infrastructures existantes ; enfin, ouverture de lignes de transport maritimes, terrestres ou aériennes par des entreprises étrangères, opérant soit seules, soit en partenariat avec des entreprises locales.
Ces investissements étrangers commencent à prendre une certaine ampleur dans les pays MEDA. Selon l’observatoire MIPO d’ANIMA, on a compté en 2003 et 2004 près de 20 projets significatifs d’investissement étranger chaque année, notamment dans les domaines portuaire, aéroportuaire et de la logistique. Certains pays ont déjà une expérience assez importante du recours aux BOT, comme Israël dans le domaine routier ou l’Egypte en matière portuaire. D’autres, comme le Maroc ou la Tunisie, ont lancé de gros projets, (construction du nouveau port de Tanger-Méditerranée..). Un peu partout, le mouvement de privatisation et d’ouverture à la concurrence est lancé, plus timidement cependant que dans d’autres régions du monde. Qu’il s’agisse des équipementiers et constructeurs, des gestionnaires d’infrastructures, des bailleurs de fonds, ou des entreprises de transport, un nombre croissant de firmes étrangères expriment un intérêt pour une implantation dans la région.
Une politique d’attractivité
Le développement de ces investissements internationaux se heurte à de nombreux obstacles : niveau de risque élevé, rentabilité faible et incertaine, complexité des systèmes juridiques… De plus, certains domaines (ex : ferroviaire, péage routier ou urbain…) se prête assez mal au développement de ce type de projets, qui ne peuvent de ce fait être raisonnablement envisagés que dans certains activités où les perspectives de rentabilité sont moins assurées (ex : postes conteneurs à quai, gestion aéroportuaire…).
Plusieurs évolutions sont donc nécessaires pour accroitre l’attractivité des pays MEDA. L’ouverture à la concurrence et aux investissements étrangers doit se poursuivre et s’amplifier dans les secteurs encore protégés. La participation des entreprises privées à la gestion des infrastructures doit être encouragée, par la poursuite des privatisations, par la multiplication des opportunités de BOT ou de concessions, et par la mise en place d’un cadre juridique clair et favorable au développement des partenariats public-privé. Les investisseurs / concessionnaires privés doivent bénéficier de garanties suffisantes en termes de tarifs, de recettes ou de stabilité de l’environnement juridique. La mise à niveau des acteurs locaux doit être encouragée, qu’il s’agisse d’entreprises privés auxquelles il faut permettre de tirer parti du potentiel ouvert par les innovations techniques (échange de données informatisées, conteneurisation, multimodalité) que d’entreprises et d’agences publiques doit l’efficacité doit être accrue et les modes de gestion modernisés. Le cadre réglementaire et administratif doit être assoupli pour faciliter le travail des opérateurs, notamment pour tout ce qui concerne le transit international et l’intermodalité. Enfin, des coopérations internationales doivent être approfondies dans des domaines tels que la gestion du trafic aérien ou la mise en place concertée de véritables corridors logistiques multimodaux méditerranéens nord-sud et sud-sud. Il sera alors possible d’assurer une promotion globale de la région Méditerranée auprès des investisseurs du secteur transport, opération dans laquelle une structure comme ANIMA pourrait jouer un rôle.
Pour télécharger cette étude, cliquez sur l’un des liens suivant : Transport ou http://www.animaweb.org/fruploads/bases/document/Transport.pdf
Pour consulter un powerpoint de présentation : transport1 (ppt)