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Le tango dans le monde

Le tango à Montréal

ImageEditeur : La Salida n°37, février-mars 2004

Auteur : Claudine Audet

Le tango à Montréal

Depuis plus de 20 ans, la fièvre du tango a frappé la métropole québécoise, multipliant d’une saison à l’autre ses adeptes. Au point que Montréal rivalise maintenant avec New-York le titre de capitale nord-américaine du tango. De nombreuses écoles et milongas, d’excellents professeurs, une large communauté de tangueros passionnés, la présence régulière de grands danseurs argentins : le tango à Montréal est devenu très vivant. Et il s’exprime à travers la culture, les accents, les manières d’être propres à cette ville – cité portuaire et métropole cosmopolite d’une société francophone nordique. Le milieu du tango reflète en condensé l’âme du Montréal d’aujourd’hui.

La montée en flèche d’une ferveur. L’intérêt pour le tango argentin a débuté dans les années 1980 avec la diffusion de cette musique, d’abord par quelques Argentins et Uruguayens immigrés à Montréal. S’en est suivie une période effervescente de rencontres d’artistes et de diffusion de spectacles, dont le point marquant est sans conteste le passage d’Astor Piazzola au Festival de Jazz de Montréal en 1984. La présence du tango sur la scène musicale a tôt fait de donner envie à plusieurs Montréalais d’apprendre cette danse. On a donc vu éclore l’enseignement et la pratique du tango argentin au tournant des années 1990. Depuis, l’engouement pour le tango n’a cessé de prendre de l’ampleur à Montréal. Pour une ville de 1 million d’habitants, le tango à Montréal n’a pas d’équivalent sur cette partie du continent. Le nombre de personnes qui fréquentent les écoles de tango ou les milongas dépasse le millier. Il comprend un noyau étonnant d’aficionados chroniques qui se promènent d’une milonga à l’autre à chaque semaine : ces mordus sont toujours là, ne semblent faire que ça, quels que soient le jour, la saison et les conditions climatiques!

Du tango plein la ville. Il faut dire que les tangueros ont de quoi vivre de leur passion à Montréal. La ville compte cinq écoles très actives : le Studio Tango, la Tangueria, Al Sur Tango, l’Académie du tango argentin et Tango libre. En plus d’offrir des cours et des milongas hebdomadaires, elles organisent toute l’année de nombreuses activités spéciales : festivals, démonstrations, bals, concerts. Plusieurs grands danseurs et professeurs de Buenos Aires y sont invités régulièrement pour donner des ateliers : Gustavo Naveira, Julio Mendez, Cecilia Gonzalez, Luciana Valle, etc. D’autres, comme Pablo Veron et Tomas Howlin, ont décidé de s’établir à Montréal. La communauté du tango a aussi son association, la « Société culturelle argentine Québec Canada » (la SCACQ), qui a joué depuis dix ans un rôle important d’animation du milieu du tango. La métropole loge aussi cinq formations musicales professionnelles de tango : Montréal Tango, Tango Vivo, Quartango, l’Ensemble Romulo Larea et Intakto. Elles se consacrent au tango, à l’exception du groupe Intakto qui peut davantage être qualifié de « musique du monde à saveur de tango revisité ».

Tous les soirs il est possible de pratiquer le tango à Montréal. Certains jours, il faut même choisir entre plusieurs options. La ville compte huit lieux différents où l’on peut aller danser une ou plusieurs fois par semaine : les cinq écoles de tango ont leurs soirées, auxquelles s’ajoutent celles du Dancing Mocha Jo, de Tango Nuestro et de La Gitane. Chaque endroit a son style et ses points forts (voir le petit guide du tango).

Le tango à l’image de la cité. La plupart des milongas sont situées dans un rayon assez rapproché. On peut aller d’une à l’autre en quelques minutes. Plusieurs sont concentrées le long de la rue Saint-Laurent ou de l’avenue du Parc, deux artères traversant la ville du nord au sud et qui constituent une sorte de frontière historique entre les parties francophone et anglophone de la ville. Position symbolique, sorte de territoire neutre ouvert à toutes les communautés linguistiques – le tango se situe parfaitement dans cet espace d’accueil, sans a priori, sans barrières sociales. Il permet à tout le monde de se retrouver quelles que soient la profession, l’origine ethnique et la langue.

Un des traits marquants du tango à Montréal est d’ailleurs qu’on y trouve des gens d’origines et de langues diverses. La majorité est composée de Québécois francophones, mais il y a aussi une part importante d’anglophones et d’immigrants venant de tous les coins du monde – hispanophones d’Amérique latine, Polonais, Turcs, Français, etc. En outre, plusieurs tangueros habitant chez nos voisins américains et canadiens viennent régulièrement danser dans les milongas de Montréal parce qu’ils y aiment l’ambiance et ne retrouvent pas l’équivalent chez eux.

Le milieu montréalais du tango est ouvert et l’ambiance des milongas est plutôt décontractée, conviviale et joyeuse. Il est facile dans les soirées d’approcher des gens qu’on ne connaît pas et de leur parler. Les choses se font dans la simplicité. Ceux qui sont familiers avec le Québec ne s’étonneront pas non plus de savoir qu’à Montréal, les femmes peuvent aller demander les hommes à danser. Pas besoin ici d’attendre un petit signe de tête d’un danseur – façon Buenos Aires – ou une invitation explicite. Il n’est pas mal vu pour une femme de prendre les devants. Et elles le font! Mais à Montréal, comme partout sans doute, les danseurs sont en moins grand nombre que les danseuses. Ils sont donc très convoités, surtout les bons, et ils ont tendance à devenir très sélectifs lorsqu’ils atteignent une certaine aisance dans la danse. C’est peut-être pour cette raison que plusieurs femmes décident ici d’apprendre à guider : rien ne les arrêtera! L’envoûtement du tango est tel qu’il suffit de danser harmonieusement avec quelqu’un pour oublier tout le reste.

Un milieu en mouvance. Le tango à Montréal est un milieu qui bouge constamment. Depuis quelque temps, il connaît une phase de grands changements. Des milongas déménagent, d’autres voient le jour, des professeurs quittent l’école où ils enseignaient pour partir leur propre école, des DJ s’en vont d’un endroit pour opérer ailleurs, des couples se forment parmi les danseurs et des couples se défont … C’est aussi ça le tango. À travers cette mouvance, voire ces secousses, la ferveur, elle, ne s’essouffle pas. Au contraire, elle continue de s’étendre dans la ville. D’ailleurs, à chaque saison on voit de plus en plus de tangueros montréalais partir à Buenos Aires pour approfondir leur connaissance du tango. Les liens se resserrent entre les deux communautés, au grand bonheur de tous.

Claudine Audet

Petit guide des milongas de Montréal (voir aussi : www.milonga.ca)

L’Académie du tango argentin : le rendez-vous traditionnel du dimanche soir; grande salle, plancher parfait, bonne musique, bonne ambiance.

Le Studio Tango : autre grande et belle salle; endroit sympathique et très fréquenté; milongas les mercredis et deux samedis par mois.

Le Dancing Mocha Jo : petit mais très chaleureux et animé, dans le style Café-Bistrot; milongas les mardis et samedis, ainsi que les dimanches après-midi.

La Tangueria : pendant longtemps un des meilleurs endroits de Montréal pour l’ambiance; nouveau local ayant moins de charme; très bonne musique; milonga le vendredi.

Al Sur Tango : endroit qui a ses fidèles; atmosphère décontractée; milongas les lundis soirs et dimanches après-midi ainsi que le premier samedi du mois.

Tango Nuestro : lieu assez nouveau, mais pas la DJ qui a une longe expérience dans le milieu; salle et ambiance agréables; milonga les
jeudis.

Tango Libre : atmosphère intime et feutrée; clientèle quelque peu différente (entre autres plus jeune); milongas les vendredis et
samedis.

La Gitane : lieu assez récent et discret, tenu par un milonguero des premières heures du tango à Montréal; milonga le lundi.

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