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Danse et danseurs

Interview de Rebecca Shulman

ImageEditeur: La Salida n°19, juin-septembre 2000

Auteur : Virginia Gift (propos recueillis par)

« L’important dans le tango n’est pas le sexe, mais de savoir diriger et suivre »

Pour retrouver cet article, cliquer sur lien suivant : http://lasalida.chez.com/, puis la salida n°19, puis Rebecca Shulman

Rebecca Shulman est reconnue comme la principale danseuse américaine engagée dans la promotion du tango argentin aux Etats-Unis. Elle est la plus expérimentée et la plus connue des enseignantes nord-américaines. De formation à la fois classique et contemporaine, elle a commencé à danser le tango en 1980, en étudiant avec les maîtres de Buenos Aires, en compagnie de Daniel Trenner pendant 5 ans. Elle a également eu pour partenaire Omar Vega pendant trois mois aux Etats-Unis. Elle a donné des spectacles et des cours dans tous les Etats-Unis et en Europe. Actuellement, elle enseigne à plein temps le tango au Manhattan Dance Studio de New York.

Qu’est-ce que Tango Mujer?

C’est une troupe de 5 danseuses de tango créée en 1996. Le mot « mujer » signifie « femme » en espagnol. Deux viennent de Berlin et trois de New York.

Pourquoi avez-vous créé Tango Mujer?

En 1996, nous nous définissions toutes comme des danseuses de tango, bien que chacune ait commencé avec le classique ou le contemporain avant d’être dévorées par cette tigresse, le tango argentin. Chacune s’est formée avec les maîtres de Buenos Aires et a absorbé l’intensité de ses lieux de danse nocturnes, puis est rentrée chez elle à Berlin ou New York et a pratiqué la partie de l’homme pendant des heures, enseigné à des débutants, pensé et vécu par et pour le tango. Nous avons toutes senti le formidable potentiel créatif de cette danse : un langage qui conduit de lui-même à l’expression des émotions les plus subtiles ou des relations les plus complexes.

Quel était votre objectif en tant que troupe féminine?

Ce qui est important dans le tango n’est pas le sexe mais de savoir comment diriger et suivre. Dans le passé, les hommes allaient dans les écoles de danse et pratiquaient ensemble pour apprendre à guider, alors que c’étaient le frère, l’oncle ou un autre proche qui guidaient les femmes à la maison. Mais maintement les hommes et les femmes vont dans les cours ensemble et apprennent chacun à guider et à suivre. Maintenant chacun peut apporter quelque chose. Cela étend le vocabulaire chorégraphique.

Pendant l’âge d’or du tango à Buenos Aires, les écoles de tango (academias) n’admettaient que les hommes. Nous voulions mettre en question les origines du tango, danse, au départ, dominée par les hommes, en représentant des oeuvres tradionnelles d’une façon non conventionnelle. Certaines d’entre nous voulaient danser le tango pieds nus ; certaines voulaient le danser sur de la musique de jazz ou avec les mains plutôt qu’avec les pieds ; d’autres voulaient créer un tango pour trois ou pour une seule personne. Toutes voulaient écrire de nouvelles choses avec le tango.

Où vous êtes-vous produites?

Nous avons d’abord dansé dans des clubs de tango à Berlin et New York. Certaines exhibitions ont été chorégraphiées, d’autres étaient improvisées au dernier moment. Puis notre premier vrai spectacle a été présenté au Podewil Theatre de Berlin en 1998. Depuis lors, nous nous sommes produites à Montréal, New York et au Colorado Dance Festival en 1999. Nous avons participé à quatre documentaires télévisés aux Etats-Unis et en Allemagne. En 2000, nous allons effectuer une tournée aux Etats-Unis et nous aimerions également montrer notre spectacle en Europe dans un futur proche. Nous bénéficions d’une bourse de la Nouvelle fondation anglaise pour les arts afin de permettre de préparer de nouveaux travaux.

En quoi Tango Mujer diffère-t-elle des autres troupes de tango?

Nous couvrons un large domaine émotionnel, sur les registres de la douceur, du jeu, de l’ironie, de la solitude, de l’agression, de l’abandon, de la satisfaction. Nous jouons avec les images de la femme, du macho, de l’androgyne. Bien que beaucoup de scènes soient proches de l’esthétique traditionnelle, d’autres sont des produits de notre propre imaginaire, et représentent ce qu’évoque le tango dans notre espace intérieur.

Nous menons ce travail de recherche sur l’émotion avec confiance, car, ayant dansé pendant des centaines d’heures dans les milongas argentines, nous sommes « authentiques ». Tout ce que nous faisons reflète notre expérience du tango. Nous prolongeons l’histoire, mais nous pensons aussi que nous sommes « vraies ».

 

Propos recueillis par Virginia Gift

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