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Musique et musiciens d'aujourdhui

Entretien avec Gustavo Gancedo

Editeur : La Salida n°44, juin à septembre 2005

Auteur : Pierre Canals

« Il existe un courant guitariste dans le tango », Entretien avec Gustavo Gancedo

salida44 cancedo Le guitariste Gustavo Gancedo vient de publier son premier CD Tango para Ustedes. A l’occasion d’un concert donné à Villers-les-Nancy, il a livré à notre ami Pierre Canals, de l’association Plaisir Tango, quelques réflexions sur sa vision du tango et ses choix esthétiques.

– Votre premier CD, avec cette belle photo d’un couple de danseurs ordinaires en couverture, c’est une sorte d’invitation à la danse ?

– G. G. : Nous souhaitons effectivement toucher autant ceux qui aiment danser que ceux qui aiment écouter. Mais l’image du tango, c’est d’abord la danse. D’où cette photo, que nous avons aussi choisi pour sa valeur artistique. Nous voulions aussi que la couverture du disque parle du contenu musical. Le premier titre du disque, Para Ustedes, tango peu connu de G. Vilar, a fourni le titre de l’album.

– Comment, en tant que guitariste, êtes-vous venu au tango ?

G. G. : La guitare est un instrument très joué en Argentine. Avant de venir au tango je jouais de la musique folklorique argentine, et j’en joue encore.. Mais le tango est présent partout dans mon pays, dans la rue, à la Radio. Et en France, l’image de la musique argentine c’est le tango. Tout cela m’a fait naturellement venir à cette musique, qui me passione.

Comment vous situez-vous par rapport aux différentes traditions musicales du tango ?

G.C. : J’essaie de suivre mon propre chemin, de n’appartenir à aucune ligne. Mais, si je devais me décider, je dirais que je me reconnais plus dans la tradition de De Caro que dans celle de Canaro. Et surtout, il y a la spécificité de la guitare. En Europe l’on connaît surtout les orchestres [típicas] ou les chanteurs, mais en réalité il y a beaucoup de guitare dans le tango. Je dirais même, qu’à côté des lignes "decaréenne" ou "d’arienziste" il existe aussi une autre tradition à laquelle appartiennent tous les guitaristes. J’ai une grande admiration pour Roberto Grela : son oeuvre n’appartient pas clairement à l’un ou l’autre des deux courants, car la guitare n’y est pas intégrée, fondue dans un orchestre. Il y a aussi Ubaldo De Lio qui, qui a joué avec Salgán et avec des bandonéons comme Ciríaco Ortiz ou Baffa. Beaucoup de chanteurs se sont accompagnés, ou fait accompagner, par des guitares : Charlo, E. Rivero, Gardel, Montero, Eladia Blazquez – justement avec Grela – etc. Ill y a donc bien un courant que j’appellerai "courant guitaristique". J’essaye d’incorporer cette sonorité dans un orchestre comprenant les cordes et le bandonéon. Cela a abouti au CD Tango para Ustedes.

– Existe-t-il actuellement d’autres orchestres qui se situent actuellement dans le même courant au sonorités très contemporaines ?

CG. : Je ne connais pas tout ce qui se fait en Argentine, mais je n’ai jamais entendu une formation du même type que la notre, c’est-à-dire avec guitare, un ensemble de cordes et le bandonéon. Mais bien sur, il existe des formations aux sonorités plutôt contemporaines, comme l’Orchestre Fernandez Fierro ou El Arranque.

Mon écriture est largement inspirée par deux très gands musiciens de tango, Piazzolla et Salgán, aussi bien pour les arrangements que les compositions. Mais elle doit également beaucoup à d’autres styles musicaux, comme le jazz ou le classique, ainsi qu’à des orchestres de bal comme ceux de Troilo, D’Arienzo et Miguel Caló. Tout cela se conjugue pour arriver à un style propre.

Quelle est selon vous la différence entre jouer pour un concert et pour un bal ?

G. G. : Oui, il y a une différence dans le répertoire. Certains thèmes sont communs, mais d’autres thèmes ne se prêtent pas à la danse. Dans un bal, nous préférons jouers une musique plus rythmique, plus marquée. Par contre dans un concert, nous pouvons nous permettre des thèmes qui nécessitent une plus grande qualité d’écoute. Les styles d’arrangement peuvent également changer. Mais nous mettons toujours toute notre énergie et notre enthousiasme.

Nous n’utilisons jamais les arrangements d’autres orchestres, D’Arienzo ou de Pugliese. Cela serait plus commode commercialement, mais n’apporterait rien sur le plan musical. Nous jouons toujours nos propres arrangements et quelques-unes de mes compositions, en cherchant une unité stylistique.

– L’équilibre entre bandonéon et cordes est-il différent selon que vous vous produisez en quartet ou en septet ?

G. C. : Oui le groupe peut fonctionner à quatre ou à sept . Cela dépend parfois du budget. Il existe une différence de répertoire entre les deux formations : Nous avons enregistré un CD avec chacune, avec des contenus différents . Les instruments fonctionnent plus comme solistes dans le cas du cuarteto, avec des interactions entre chacun d’entre eux. Dans le septeto, la sonorité est plus compacte, même si le bandonéon est toujours soliste.

– Vos musiciens et vous-mêmes êtes-vous danseurs de tango ?

– G. G. : Danseurs c’est peut-être un grand mot, mais nous dansons un peu le tango tous les quatre, surtout Michael, le violoniste et aussi Debora Russ, la chanteuse. J’ai suivi des cours et nous aimons de temps en temps participer à une milonga.

– Ce n’est pas très courant parmi les musiciens, y compris ceux qu jouent pour faire danser.

– G. G. : Le dicton veut que "el que toca nunca baila" , mais dans la jeune génération, il commence à y avoir des musiciens qui se mettent à danser. Il fut un temps où on n’utilisait pas les disques dans les milonga. Alors, on alternait plusieurs orchestres, de tango et de jazz par exemple. En conséquence, lorsqu’ils cessaient de jouer les musiciens de tango ne pouvaient pas pratiquer cette danse. Aujourd’hui, dans les milongas, les orchestres de tango alternent avec des disques.. de tango, ce qui fait que les musiciens peuvent profiter des pauses pour apprendre à danser le tango. C’est notre cas.

Propos recueillis par Pierre Canals

Pour en savoir Plus : www.ggancedo.com

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