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Cinéma cubain et de salsa

Nosotros la musica ! (nous, la musique)

Documentaire de Rogelio Paris, Cuba, noir et blanc, 1965, 66 minutes

ImageLes images d’archive permettant de retracer l’histoire de la culture populaire cubaine et de mettre de perspective ses manifestations contemporaines sont trop rares aux yeux des afficionados. Réalisé il y a déjà presque un demi-siècle, l’excellent film documentaire de Rogelio Paris permet de combler en partie cette lacune.

A travers une dizaine de séquences, tournées pour l’essentiel à la Havane et à Santiago, il propose un témoignage très vivant de l’état des expressions dansées et surtout musicales du pays au milieu des années 1960. Une foisonnante diversité qui concerne aussi bien les styles musicaux eux-mêmes – Danzon, Son, Boléro, Feeling, Jazz latino, Rumba, Afro-cubain, Conga, Trova santiaguera, Cha cha cha, Pachanga – que la manière dont ceux-ci sont donnés à voir et à vivre : concerts formels, spectacle de cabaret, peñas, fête populaire, défilé de rue. Nous voyons ainsi se succéder à l’écran quelques-uns des grands artistes de l’époque : Conjunto Folklorico Nacional, Charanga d’Odilio Urfé, Septeto Nacional Ignacio Piñeiro, groupe de rumba de Celeste Mendoza, grands chanteurs comme Elena Bourke ou Bola de Nieva, orchestre de Miguel Chapotin…

La plupart des séquences sont introduites par quelques images souvent silencieuses, où la caméra se glisse presque furtivement dans les lieux qui vont servir de cadre à la prestation artistique : coulisse des théâtres où les interprètes se préparent à entrer en scène, ciel et rues de Santiago où le défilé de Conga va commencer, arrière-cour de « Solar » où va avoir lieu une fête de Rumba, scène de cabarets où vont bientôt rentrer les artistes pour leur « show » nocturne, clubs de loisirs encore déserts en bord de mer où la foule va venir faire la fête, Paseo et vieille ville de la Havane où l’on découvre un orchestre de Charanga en train de jouer dans une église … L’essentiel de chaque séquence est ensuite consacré à la prestation artistique proprement dite, restituant une large fraction, voire la totalité, d’un thème musical ou d’une danse. La parole est également donnée à plusieurs reprises aux interprètes qui évoquent en quelques mots leur propre parcours ou la nature de leur art. Une mise en perspective très réussie, sans lourdeur démonstrative, du triptyque formé par la culture populaire, l’artiste qui lui donne vie, et l’environnement qui lui sert de cadre.

Chaque scène possède une atmophère originale, liée à la nature de la musique, aux choix de mise en scène ou au caractère de l’artiste : loufoquerie des interprétations de Bola de Nieve, extraordinaire présence scénique de Elena Bourke, gouaille populaire de Celeste Mendoza, joie des fêtes en plein air au son de l’orchestre de Felix Chapotin,….

L’absence de commentaire en voix off, la succession sans transition des différentes séquences, aurait pu se traduire par un sentiment de décousu et de désordre. Mais fort heureusement, ce choix apporte au contraire au documentaire une touche de légèreté aérienne, voire de mystère lorsque l’on ne sait pas où la caméra veut nous conduire. Et la grande qualité artistique des prestations filmées, présentées en séquence suffisamment longues pour qu’on soit pénétré de leur atmosphère et suffisamment courtes pour éviter la lassitude, fait que l’on quitte ce film à regret, frustré de ne pas en avoir vu davantage…

Vraiment excellent !!!

Fabrice Hatem

Renseignements : www.icestrom.de 

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