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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Découvrez Benny Moré en deux heures, avec Raúl Martínez Rodríguez

p1090367 La Havane, Vendredi 24 juin 2011

Le musicologue Raúl Martínez Rodríguez est un maître de la forme courte. J’avais déjà été impressionné, à la lecture d’un autre de ses ouvrages, Para el Alma Divertir[1], par sa capacité à insuffler une vie extraordinaire à ses travaux sur la musique populaire cubaine, à travers de petits articles de quelques pages au rythme haletant, bourrés d’informations de première main, de souvenirs personnels et d’anecdotes.

Toutes ces éminentes qualités se retrouvent dans son petit ouvrage « Benny Moré », publié en 1994 par les Editions Letras Cubanas. Cet opuscule – moins de 120 pagesen format « poche »- se divise en cinq parties : un texte présentant la vie de Benny Moré dont la taille est plus celle d’un article que d’un livre véritable ; une bibliographie de l’artiste, accompagnée d’une liste de ses principales œuvres ; un recueil de (courts) témoignages sur le « Barbaro del Ritmo », incluant une séries d’analyses inattendues de son thème zodiacal ; une mini-anthologie des principales chansons de Benny Moré, classées par styles : Afro, Boléro, Guarijas, Guarachas,Mambos, Sones, etc. ; enfin, une très riche iconographie commentée.

Tout cela se lit rapidement et agréablement. L’attention du lecteur est constamment soutenue par une écriture au style vivant et léger, bourré d’informations précises sur Benny Moré. Nous le voyons naître en 1919 dans une famille noire de la province de Cienfuengos, très pauvre mais jouissant du prestige d’une ascendance royale africaine. Mille petites anecdotes nous permettent de voir se développer rapidement ses dons musicaux. Désireux d’aider sa mère et sa famille – c’est un homme dont le livre sait nous faire sentir à chaque page la générosité rayonnante – il part en 1940 vers La Havane pour tenter sa chance comme chanteur.

Des pages très vivantes nous permettent ensuite de suivre les étapes de son ascension rapide : les premiers orchestres et les premières émissions de radio où ses possibilités vocales s’épanouissent ; l’entrée dans le Conjunto Matamoros ; le départ pour le Mexique où il restera cinq ans, de 1945 en 1950, chantant notamment dans l’orchestre de Perez Prado ; le retour à Cuba et la fondation de son propre orchestre, la Banda Gigante, en 1953. Les émissions radios, les tournées à Cuba, les contrats dans les plus grands théâtres et cabarets de La Havane témoignent alors du succès de cette formation, dont la composition et les choix esthétiques sont décrits en quelques pages d’une miraculeuse densité. Et l’auteur sait aussi nous faire partager sa tristesse lorsqu’il évoque la fin prématurée du grand musicien – qui était aussi un grand buveur – mort en 1963 d’une cirrhose hépatique.

Quand on a fini de lire, d’un trait, ces 30 petites pages fulgurantes, on commence par dire : « c’est tout ? » : Et puis, on se rend compte qu’on se souvient, avec émotion, de chaque détail, de chaque anecdote, beaucoup mieux peut-être que si l’ouvrage avait été dix fois plus long. On voit Benny Moré vivre comme si l’on avait été témoin de chaque épisode, faisant le coup de poing avec un producteur mexicain malhonnête, insufflant subitement vie et talent par une direction improvisée à un orchestre cubain de province plus que médiocre, illuminant les scènes où il se produit par sa grâce et son élégance. Et l’on se précipite vers la riche iconographie pour continuer à découvrir le grand musicien, que l’auteur a su nous rendre si sympathique et si proche…

Fabrice Hatem


Voir /2011/06/08/para-el-alma-divertir/

[1]Voir /2011/06/08/para-el-alma-divertir/

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