Editeur : Le temps du tango-La Salida, 1999
Auteur : Fabrice Hatem
La comédie humaine de la littérature tanguera
La chanson de tango nous propose une vision du monde à partir d’un point de vue presque exclusivement masculin. Le personnage central du tango est en effet un homme, souvent jeune et pauvre. Celui-ci fait preuve d’un manque de lucidité et de capacité d’auto-critique face à ses difficultés existentielles et à ses échecs sentimentaux qui suggère une forte immaturité psychologique. Malgré les protestations d’amour dont elle est l’objet, la femme y est mal décrite, mal jugée, mal comprise, mal traitée.
La scène principale du tango est, sans surprise, l’univers urbain du Rio de la Plat a sous ses différentes formes : faubourg, arrabal, centre-ville… Ces lieux acquièrent dans de nombreux tangos une présence i forte qu’ils en deviennent un personnage à part entière, voire un véritable démiurge qui façonne le caractère et les comportements des hommes qui les peuplent . A l’intérieur de cet espace urbain, la vie du personnage se partage entre la rue, la maison ou la chambre, enfin les lieux de plaisir.
Etre profondément introverti et individualiste, le personnage tanguero est pue impliqué dans la réalité sociale, économique et politique de son temps. Il accorde peu d’importance aux conditions climatiques, au déroulement des saisons, et même à sa propre situation financière. Tout au plus savons-nous que les événements se déroulent plus fréquemment la nuit que le jour.
La grande affaire du tanguero est l’introspection psychologique, dans un climat de nostalgie et dans une situation objective d’oisiveté. Il ne travaille pas -ou ne s’intéresse pas à son travail -, n’a pas de famille à charge. Il rêve et pleure en se souvenant d’un temps passé toujours meilleur que l’époque présente. L’oisiveté étant mère de tous les vices, il se rend coupable de tous les péchés capitaux, à part peut-être celui de la luxure, sur lequel il reste extrêmement discret. Très inhibé et dans ses relations sociales, il ne cherche pas à agir concrètement pour améliorer sa situation personnelle ou celle d’autrui.
On notera cependant que les tangos antérieurs à 1916 possèdent des caractéristiques très distinctes des précédentes : situés presque exclusivement dans les faubourgs pauvres de la ville, il nous décrivent la vie des personnages typiques de ces lieux – compadres, malevos et compadritos – dans un climat certes caractérisé par la violence, le faible niveau moral et intellectuel, mais où existe une certaine joie de vivre qui disparaît ensuite.
A partir de ces résultats, nous proposons en conclusion une première représentation de la « cosmogonie » tanguera qui ressort de notre analyse. Selon cette hypothèse, qui devra faire l’objet de validations ultérieures, le tanguero organiserait le monde autour de trois dimension : (temps, moralité, niveau soclal). Il distinguerait de ce fait quatre groupes de personnages et de situations : l’arrabal sordide et ses habitants en marge de la société ; le faubourg pauvre et ses habitants humbles mais honnêtes ; le cabaret du centre-ville, lieu du luxe ou de la perdition, ou les riches « bacan » s’affichent en compagnie de « milonguita » venues des faubourgs pauvres pour tenter leur chance au centre-ville ; enfin, Buenos Aires dans son ensemble, avec ses artistes et son tango, incarnation des valeurs positives et dont l’évocation réconforte le locuteur confronté aux aleas de l’existence. L’ensemble de cet unvers serait confronté au passage du temps, qui se traduirait par une dégradation irréversible des êtres et des choses.
Telles sont les principaux résultats d’une étude statistique de contenu, portant sur les cent tangos les plus fréquemment interprétés, et repris dans l’ouvrage d’Oscar del Priore et Irene Amuschastegui « Cien tangos fundamentales ».
Fabrice Hatem
Pour vous procurer cette étude, contacter le temps du tango au 01 46 55 22 20 ou consultez le site web www.letempsdutango.com
Vous pouve également consuler une version de travail en ligne en cliquant sur : ana1tango (PDF)