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La dictature insidieuse

L’horreur fiscale : une économie étouffée par l’impôt ?

ImageDans mon prochain ouvrage, « La dictature insidieuse », je compte exposer l’hypothèse selon laquelle la  spoliation fiscale que nous connaissons aujourd’hui en France constitue en quelque sorte le premier pas – et même en l’absence de projet politique ouvertement exprimé en ce sens – vers l’instauration d’un pouvoir totalitaire. Et l’ouvrage de Sylvie Hattemer et Irène Inchauspé, « L’horreur fiscale », m’a conforté, et au-delà, dans mon opinion selon laquelle les prélèvements obligatoires en France avait dépassé le niveau à partir duquel ils constituent une menace pour la liberté des individus et donc pour la vitalité de la démocratie.

Publié en 2014, alors qu’une violente pluie de hausses d’impôts venait de s’abattre sur notre pays, le livre dresse d’abord une description terrifiante de l’assommoir fiscal » qu’est devenu la France. Un mouvement qui ne date pas d’hier, comme le montre le premier chapitre de l’ouvrage, qui retrace l’histoire de la voracité fiscale de l’Etat français depuis l’Ancien régime. Mais, après la nouvelle frénésie de hausses fiscales des années 2012-2013, la France est désormais devenue, avec des prélèvements obligatoires dépassant 46 % du PIB en 2013, le pays le plus imposé de l’OCDE. Une hausse de la fiscalité qui, malgré ses ambitions redistributrices affichées, a en fait pesé essentiellement sur les classes moyennes à travers des mesures telles que la hausse des complémentaires santé, les coups de rabot sur les retraites, le plafonnement du quotient familial, l’augmentation de la TVA, la suppression de divers dégrèvements sur la CSG, la hausse de la taxe sur l’intéressement versé aux salariés, la hausse des droits de mutation immobiliers. Liste à laquelle on peut encore ajouter les tentatives avortées d’introduire une nouvelle taxe sur l’activité des entreprises (taxe sur l’EBE) ou une tranche d’imposition à 75 % sur les revenus élevés … Au total,  les auteurs font le constat sans appel d’une fiscalité vorace et injuste, décourageant l’effort des salariés comme des petits entrepreneurs, avec une mention spéciale pour les droits de succession ou de mutation venant obérer la transmission des entreprises familiales pourtant si précieuses pour notre économie.

La seconde partie de l’ouvrage passe un revue quelques-unes des causes de cette situation : la toute-puissance de Bercy, véritable Etat dans l’Etat échappant en partie au contrôle du pouvoir politique, dont les hauts fonctionnaires pondent avec une incroyable inventivité réglementations et taxes nouvelles sans que leurs conséquences ne soient évaluées de manière indépendante, tout en entretenant un porosité troublante avec les milieux de la haute finance ; la complexité et l’instabilité de la législation fiscale exposant les contribuables à commettre des fautes souvent involontaires, ensuite durement sanctionnées – de manière fréquemment injuste et arbitraire – à l’occasion de contrôles fiscaux de plus en plus impitoyables ; la montée en flèche des impôts locaux liée à la prolifération du mille-feuille territorial et au laisser-aller des finances locales… A ces facteurs structurels, s’ajoutait, au moment de la rédaction du livre, l’activisme brouillon et solitaire du Président de la république de l’époque, François Hollande, en matière de questions fiscales –  ou plus exactement en matière d’initiatives visant à augmenter la fiscalité sur ceux qu’il appelait « les riches » et qui n’étaient en fait que les classes moyennes supérieures.

Les contribuables aisés, les plus exposés à la voracité du fisc spoliateur, sont donc incités à des stratégies d’évitement, qui ont nom : exil fiscal des grosses fortunes redevables de l’ISF (les « petits riches » disposant par contre de beaucoup moins d’échappatoires), départ de de France des entrepreneurs et cadres dirigeants, pratique de l’optimisation fiscale par les grandes entreprises, installation de retraités aisés sous des cieux fiscaux plus cléments, découragement de l‘effort, développement du travail au noir, etc.

Publié en 2014, le livre a certes quelque peu vieilli dans ses détails, mais reste totalement actuel sur le fond. Le gouvernement Macron a certes entamé une décrue fiscale avec la suppression partielle de l’ISF et de la taxe d’habitation, complétées plus récemment par de nouveaux allègements de l’impôt sur le revenu. Ces évolutions qui restent encore limitées, n’ont cependant profité qu’aux contribuables très fortunés ainsi qu’aux revenus modestes, tandis que les populations modérément aisés (les fameux 20 % de contribuables les plus riches) ont systématiquement été exclus de ces baisses d’impôts, voire ont vu leur situation empirer du fait des « jeux de bonneteau » fiscaux auxquels s’est livré le gouvernement (hausse de la CSG sur les retraites et les revenus fonciers pour financer la suppression des cotisations chômage des salariés notamment). Aujourd’hui, la fiscalité française reste donc complexe, instable, injuste, décourageante – et tout simplement, l’une des plus élevées et spoliatrices du monde… Surtout si l’on ajoute à cela de nouvelles formes de prélèvements non fiscaux, comme la baisse des taux d’intérêt induite par la politique monétaire des banques centrales, qui réduit la rentabilité du patrimoine financier des ménages, tout en permettant, à endettement inchangé, une baisse apparente du poids de la dette dans les budgets publics. Bref, tout en affichant la volonté de favoriser l’effort, le travail et l’investissement par une fiscalité plus incitative, l’Etat français continue, pour l’essentiel,  à faire exactement l’inverse.

Sylvie Hattemer, Irène Inchauspé, L’horreur fiscale, 278 pages, Fayard, Paris, 2014.

Nb : cette fiche de lecture s’inscrit dans mon actuel travail de rédaction d’un ouvrage intitulé « La dictature insidieuse », où je tente de mettre à jour les mécanismes par lesquels l’Etat français contemporain réduit peu à peu nos libertés. Pour tester mes hypothèses de travail, je suis en ce moment amené à lire un grand nombre d’ouvrages, récents ou plus anciens, portant sur ces questions. Comme les autres comptes rendus de lecture du même type que je publierai au cours des semaines suivantes, le texte ci-dessous ne porte donc pas directement sur l’ouvrage lui-même, mais sur la manière dont il confirme ou infirme les thèses que je souhaite développer dans mon propre livre, et que je présente au début du compte-rendu sous la forme d’un encadré liminaire, afin de les tester à l’aune de cette nouvelle lecture).

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