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La dictature insidieuse

Toutes ces idées qui nous gâchent la vie : l’écologie, un polluant dangereux ?

ImageDans mon prochain ouvrage, « La dictature insidieuse », je compte vigoureusement dénoncer les idées multi-culturalistes, dangereuses illusions qui risquent selon moi de hâter le glissement de nos sociétés démocratiques vers une forme de totalitarisme « soft ». J’avais cependant exclu jusqu’ici l’écologie de ma vindicte. Etait-ce un souvenir de mes rêveries d’enfant bercées par Babar l’éléphant, Bambi, le roi Lion et Clipper le dauphin ? Toujours est-il que j’étais suffisamment sensible à certaines des thématiques agitées par les mouvements écologistes pour modérer mes critiques à leur égard, et refuser de les classer dans la même catégorie, honnie par moi, que les néo-féministes,  les militants LGBT, les diversitaires anti-racistes et autres islamo-gauchistes.

La lecture de l’ouvrage de Sylvie Brunel, « Toutes ces idées qui nous gâchent la vie », m’a fait brutalement changer d’opinion. Il s’agit en effet d’une charge violente contre les idées de la mouvance écologique, fondées, selon l’auteur, sur des analyses fausses et alarmistes, et conduisant à préconiser des solutions inadaptées et coûteuses, voire carrément utopiques. Aux risques de freiner les processus de développement, de compliquer la lutte contre la faim dans le monde, ou encore,  last but not least, de ruiner l’agriculture française. En donnant une vision faussée des rapports entre un homme supposément mauvais et une nature trompeusement parée de toutes les vertus, en nous culpabilisant et en nous incitant à une repentance angoissée dans l’attente d’un imminente apocalypse, ce discours écologique rétrograde empêcherait de voir que l’humanité dispose en fait « de toutes les solutions pour vivre en paix sur une terre [qu’elle saura] rendre plus belle et plus durable encore

Ce que j’aime bien chez Sylvie Brunel, c’est son côté « mouton noir repenti» du mouvement progressiste. Cette universitaire de renom, militante éminente des causes humanitaires, très engagée dans la lutte contre la faim dans le monde,  aurait pu aisément devenir, en surfant sur les modes du moment, une sorte d’apparatchik des causes tiers-mondistes et environnementalistes, avec peut-être à la clé un poste de dépité, voire un maroquin ministériel. Las, elle a préféré adopter une posture critique vis-à-vis de ce qui fut son propre camp, dénonçant les dérives financières des organisations humanitaires ou les aberrations idéologiques du discours tiers-mondiste. Toujours très préoccupée de développement et de lutte contre la faim, elle s’est également élevée contre les utopies rétrogrades, qui au nom d’un passé et d’une nature fantasmés, conduisent à s’opposer à des innovations techniques porteuses de progrès, comme les pesticides, les OGM ou le nucléaire.

Son dernier ouvrage s’inscrit dans la lignée de cette militance à contre-courant. Elle y dénonce d’abord avec véhémence les différentes balivernes millénaristes agitant, sur la base d’analyse plus que discutables, le spectre d’une fin du monde prochaine. Empreinte écologique excessive de l’humanité, réchauffement et dérèglement climatique, disparition accélérée des espèces : autant de discours malthusiens, opportunément alimentés par la diffusion en boucle d’images de catastrophes naturelles dont on nous assène sans preuves indubitables qu’elles seraient pires que celles d’autrefois. Des angoisses qui ne sont finalement que les avatars contemporains des terreurs apocalyptiques ou des utopies millénaristes qui se sont succédé au cours de l’histoire, accompagnant toujours le déferlement d’idéologies totalitaires et embrigadant au passage les jeunesses de ces époques dans de mauvais combats.

Ces attitudes régressives risquent en effet, selon Sylvie Brunel, de compromettre la lutte contre la pauvreté et de freiner l’émergence d’une immense et prospère classe moyenne mondiale, elle-même porteuse de valeurs favorables à la protection de l’environnement. L’auteur rappelle à ce sujet  que 10 millions de personnes vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté en France. Or qu’a proposé à l’automne 2018 le gouvernement à ces populations souvent fortement dépendantes de l’automobile pour leurs déplacements quotidiens ? D’augmenter fortement, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, le niveau des taxes sur les carburants, limitant d’autant leurs possibilités de mobilité. Le résultat fut la révolte des gilets jaunes, qui manifesta le refus de tous ces gens en situation précaire de voir leurs conditions de vie se dégrader encore davantage au nom d’une utopie environnementale édicté par les élites aisées des centres villes hyper-connectés.

In fine, ce n’est donc pas la cause de l’humanité que servent ces discours malthusiens, mais des intérêts particuliers qui n’ont parfois que peu de rapports avec l’environnement : petites affaires des ONG attributaires de généreuses subventions publiques et organisant des campagnes de dénigrement obscurantistes, hypocritement soutenues par les gouvernements lorsque cela sert leurs intérêt politiques ; visées impérialistes de la Russie gazière et surtout de la Chine industrielle aspirant au statut de première puissance mondiale face notamment à une Europe engluée dans des réglementations et des contraintes environnementales de plus en plus paralysantes ; stratégies marketing des firmes multinationales s’emparant d’opportuns prétextes pour augmenter les prix de leurs produits (labels «  bios », éco-responsabilité, etc.).

A l’inverse, les exemple de Singapour ou d’Abou-Dhabi montrerait que la mise en œuvre de politique de développement intelligentes, utilisant tous les moyens offerts par l’innovation technologique, peut améliorer dans des proportions impressionnantes la capacité d’un espace naturel donné à assurer de manière durable le bien-être des populations humaines qui y vivent, tout en respectant des critères exigeants en matière de qualité de l’environnement.

Face au discours apocalyptique, rétrograde et mensonger des grandes ONG environnementalistes, Sylvie Brunel oppose ensuite le simple énoncé des faits : la voiture à essence, l’énergie nucléaire ou les pesticides ont en effet permis de réaliser au cours des cinquante dernières années, dans leurs domaines respectifs, d’immenses progrès en matière de développement, de qualité de la vie, d’alimentation, etc. A l’inverse, l’auteur dénonce l’escroquerie consistant à laisser croire que des innovations écologiques ou prétendues telles, comme les énergies « vertes », la voiture électrique ou la permaculture permettraient de renoncer à ces bienfaits sans entraîner de graves risques de régression de notre bien-être… Sans compter l’apparition de nouvelles dépendance géostratégiques (gaz russe, terres rares chinoises, etc.), voire de nouvelles atteintes à l’environnement (bilan écologique désastreux des batteries électriques automobiles…).

L’auteur s’insurge également contre l’absurde idéalisation de la nature et la diabolisation corrélative d’un homme caricaturé comme un être malfaisant, exclusivement occupé à la détruire. En fait, la véritable nature – avec ses loups égorgeurs de moutons, ses virus susceptibles provoquer des pandémies, ses parasites détruisant les récoltes – n’a rien à voir avec l’image mythifiée qu’on veut nous en présenter. C’est au contraire l’homme qui l’aurait rendue meilleure en maîtrisant ses dangers tout en permettant par son action l’apparition de nouveaux écosystèmes d’une grande biodiversité. Comme par exemple ceux créés en France – des prairies Bourguignonnes aux étangs de Camargue – grâce au travail séculaire de ces éleveurs aujourd’hui si décriés  par les partisans de l’agriculture bio et les vegan anti-spécistes. Quant à la dénonciation, si à la mode aujourd’hui, des vaccins, antibiotiques et autres pesticides, elle ne conduirait à terme, si par malheur elle était suivie d’effets, qu’à la réapparition rapide de risques – épidémies, famines – que ces produits bienfaisants ont permis de mettre sous contrôle.

Sylvie Brunel prend également la défense des agriculteurs français qui nous nourrissent et produisent, en dépit des difficultés croissantes causées par des politiques environnementales bien-pensantes et mal conçues, les produits qui font la diversité, la richesse et la fierté de la culture française. Il faut selon elle cesser d’urgence cesser de les ostraciser et de les accabler de contraintes absurdes si nous ne voulons pas, en les décourageant, détruire stupidement l’une des bases les plus précieuses de notre identité et de notre bien-être.

C’est donc à travers la confiance dans l’avenir, l’utilisation par l’homme de son immense potentiel d’invention et d’adaptation, et non à travers un repli peureux suscité par une idéologie écologiste mensongère et rétrograde, que l’Humanité parviendra à trouver les voies d’un développement harmonieux, tirant parti avec toujours plus d’intelligence des immenses ressources de la nature sans pour autant la détruire.

*

Sylvie Brunel est visiblement une personne sincère, passionnée, pénétrée de convictions profondes qu’elle nous livre sans égards aux inimitiés et aux rancoeurs qu’elle pourrait s’attirer par ses propos sans faux-semblants et ses accusations sans détours. C’est à la fois son petit défaut et son immense qualité.

Son petit défaut, car la volubile sincérité dont elle fait preuve risque parfois de confiner à la véhémence et à l’excès.

Véhémence dans sa description un peu caricaturale d’une mouvance écologiste coupée des problèmes des gens ordinaires, comme ces vedettes médiatisées venant participer, en long-courriers voire en  jets privés, à de coûteuses conférences internationales financées par des gouvernements complaisants.

Excès dans la dénonciation de ce qu’elle désigne comme des « fausses peurs » environnementales, semblant parfois oublier que celles-ci reflètent trop souvent des problèmes bien réels comme l’épuisement des réserves halieutiques ou l’extinction massive des insectes en Europe.

Tentation du déni concernant les conséquences environnementales négatives de l’utilisation massive de certains produits, comme les engrais, les insecticides ou les pesticides, au-delà de leurs incontestables bienfaits immédiats sur la productivité agricole.

Etrange empathie pour les politiques de développement suivie par certains pays comme Abou-Dhabi, dont je ne savais pas jusqu’ici que ses dirigeants aient été si soucieux d’éviter un gaspillage éhonté des ressources naturelles, énergétiques et financières dans des projets pharaoniques ruineux (mais peut-être étais-je mal informé…).

Risque de l’amalgame entre les positions des écologistes modérés et celle des zélotes fanatiques de l’anti-développement (Vegan extrémistes et autres partisans de la suppression pure et simple de l’espèce humaine) qui ne constituent tout de même qu’une tout petite partie de l’arc-en-ciel idéologique complexe du mouvement écologiste.

Et c’est d’ailleurs cette dernière confusion qui rend le discours de Sylvie Brunel un peu ambigu. A la lire sans attention, on croit avoir compris qu’elle prend position « contre les écologistes ». Mais, en la relisant plus attentivement, on comprend qu’elle est tout simplement elle-même, de facto, une écologiste modérée, partisane d’une « croissance durable » utilisant de manière pragmatique les infinies opportunités offertes par le génie humain pour parvenir à concilier bien-être de  l’humanité et respect de l’environnement.

Or, cette attitude fondamentalement modérée de l’auteur est quelque peu masquée par la véhémence avec laquelle elle s’attaque aux positions selon elle contestables de l’écologisme dominant, sans en outre toujours prendre la précaution de bien les distinguer de leurs dérives les plus extrémistes. Véhémence dont témoigne par exemple le titre très polémique de son livre « Ces idées qui nous gâchent la vie ». L’ouvrage n’aurait-elle pas mieux reflété le caractère somme toute très constructif de la pensée de Sylvie Brunel s’il s’était appelé « Plaidoyer pour une écologie humaniste » ou « Le développement humain, meilleur allié de la nature », tout en évitant les imprécations et les amalgames ?

Oui, mais il aurait alors perdu l’une de ses principales qualités : celle d’une mise en garde extrêmement claire – à défaut d’être toujours nuancée – contre les dérives d’une écologie transformée, à coups de menaces apocalyptiques, en une idéologie totalitaire et régressive, prête à sacrifier le bien-être de l’humanité à la protection d’une nature mythifiée. Si l’écologie demain, cela signifie simplement une énergie beaucoup plus chère, une nourriture plus rare du fait de l’effondrement de la productivité agricole, des restrictions majeures sur nos possibilités de déplacements, la multiplication des réglementations et interdictions, une fiscalité plus lourde, avec en prime des pertes d’emploi dans les industries stigmatisées comme polluantes, alors qu’y aurons-nous gagné, sauf d’être confrontés à une diminution de notre bien-être  à une restriction de nos libertés ?

De cette écologie-là, celle des nouveaux gourous avides, pour eux-mêmes, de pouvoirs et de subventions, et, pour les autres, de contraintes et de punitions, moi je n’en veux pas. Pas plus que je ne veux de la misandrie des néo-féministes, du racisme anti-blancs des soi-disant anti-racistes ou de la destruction de la culture occidentale induite par le multiculturalisme. Je la ferai donc désormais figurer en bonne place, sur les conseils de Sylvie Brunel, dans la petite collection des horreurs totalitaires contemporaines que je suis en train de rassembler à l’occasion de la rédaction de mon prochain livre.

Sylvie Brunel, Toutes ces idées qui nous gâchent la vie, Jean-Claude Lattès, Paris, 2019, 254 pages.

Nb : cette fiche de lecture s’inscrit dans mon actuel travail de rédaction d’un ouvrage intitulé « La dictature insidieuse », où je tente de mettre à jour les mécanismes par lesquels l’Etat français contemporain réduit peu à peu nos libertés. Pour tester mes hypothèses de travail, je suis en ce moment amené à lire un grand nombre d’ouvrages, récents ou plus anciens, portant sur ces questions. Comme les autres comptes rendus de lecture du même type que je publierai au cours des semaines suivantes, le texte ci-dessous ne porte donc pas directement sur l’ouvrage lui-même, mais sur la manière dont il confirme ou infirme les thèses que je souhaite développer dans mon propre livre, et que je présente au début du compte-rendu sous la forme d’un encadré liminaire, afin de les tester à l’aune de cette nouvelle lecture).

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