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Pour un féminisme apaisé

Titanic, 15 avril 1912, 1H30 : et si on repeignait les toilettes « dames » ?

L’actuel battage contre les violences dites « sexistes » provoque un moi un grand sentiment de malaise.

Non que je sois pour les violences  » sexistes », bien au contraire.

Mais je pense que le bruit fait autour de ces questions est une sorte de cache-misère à l’incapacité de notre société (et de notre gouvernement) à faire face à des enjeux infiniment plus graves dont ces violences dites « ‘sexistes » ne sont qu’une conséquence parmi d’autres.

Et donc, que prétendre s’attaquer spécifiquement à celle-ci, sans considérer les problèmes de fond qui les alimentent, ne résoudra absolument rien et pourrait même aggraver la situation d’ensemble en incitant à une mauvaise affection des moyens publics sur la base d’une fausse hiérarchie des priorités.

Pour moi, le « Grenelle des violences conjugales », c’est un peu comme si on avait affecté 2 ou 3 marins à repeindre les toilettes « Femmes » du Titanic le 15 avril 1912 à 1H30 sous prétexte que des passagères éprouvaient des nausées ou des crises d’angoisse.

C’est une forme de tromperie de prétendre vouloir faire spécifiquement reculer les violences « faites aux femmes » alors que dans le même temps on échoue totalement à endiguer la vague de violence générale qui mine notre pays, et dont les violences contre les femmes ne sont qu’un aspect parmi d’autre.

C’est une sorte d’escroquerie de prétendre demander à la police d’être plus réactive en cas de plainte pour violence sexiste alors que la police est déjà complètement débordée et en manque total de moyens, avec entres autres pour conséquence que le dépôt de plainte en général (pour agression, cambriolage, vol, etc.) et l’accès même aux commissariats barricadés devient de plus en plus difficile. Dans ces conditions de dégradation généralisée du service public, privilégier les femmes battues reviendrait de facto à pénaliser d’autres victimes. Sans parler du dégoût des policiers à qui on va imposer de nouvelles tâches sans augmentation de moyens tout en leur reprochant de ne pas les exécuter convenablement.

Même chose pour l’accélération promise de la prise en charge par les tribunaux : nous savons tous que les juges sont débordés, que la justice est de plus en plus lente, et les droits des victimes de ce fait de moins en moins protégées. Dans ces conditions d’extrême pénurie, affecter des moyens supplémentaire au cas spécifique des femmes maltraitées revient de facto à réduire ceux affectés aux autres types de victimes.

Même chose pour la prise en charge hospitalière (avec en particulier cette étrange idée de dépôt de plainte à l’hôpital qui conduit, d’une manière ou d’une autre, à transformer ceux-ci en commissariats alors que ce n’est pas leur fonction, avec en corollaire une dispersion supplémentaire des moyens policiers). En fait, quand les femmes ont été battues, elles arrivent dans les services d’urgence. Or, ces services traversent actuellement une crise gravissime (afflux massif des patients, violence, allongement des délais d’attente, épuisement des personnels…). Le résultat, c’est que la qualité général du service se dégrade, et pas seulement pour les femmes battues. Donc, dans ces conditions, dire, d’une manière ou d’une autre, qu’on va faire plus attention aux femmes battues à leur arrivée à l’hôpital, c’est juste se moquer de tout le monde : 1) des personnels soignants déjà totalement en burn out ; 2) des autres patients qui verront leurs délais d’attente s’allonger ; et 3) des femmes battues elles-mêmes qui sans doute, ne verront se concrétiser aucune promesse faute de réels moyens. Car bien sur, la vraie priorité, c’est de remettre sur pieds les services d’urgence en général (ou d’éviter qu’ils ne sombrent totalement), pas de privilégier tel ou tels type de patients.

Je passe sur les places d’hébergement supplémentaires qui engagent un Etat déjà en demi-faillite sur la voie d’une nouvelle obligation d’accueil, qui sera bien sur très coûteuse budgétairement (donc autant d’argent en moins pour d’autres catégories de populations en difficultés) tout en conduisant à n’offrir que des hébergements de mauvaise qualité faute de moyens, peu pratiques, réduisant les bénéficiaires à un statut de dépendance et dont la capacité à protéger vraiment les femmes des violences pose question.

Bref, on veut croire ou faire croire, avec ces politiques progressistes « ciblées », que l’Etat poursuit sa mission émancipatrice et modernisatrice vers les lendemains toujours plus radieux. Toujours plus protecteur, toujours plus bienveillant, toujours plus déterminé et ambitieux dans ses politiques sociales, toujours plus efficace et proche des populations dans leur mise en oeuvre !!!

Mais la vérité est exactement inverse : l’Etat est toujours plus endetté, dispendieux et inefficace, y compris dans ses missions régaliennes les plus élémentaires comme le maintien de l’ordre ou l’administration de la justice.

Prétendre, dans ces conditions de naufrage, qu’il va faire un effort supplémentaire en faveur des femmes battues, sans simplement restaurer auparavant sa capacité à remplir ses missions d’ordre général les plus élémentaires, relève tout simplement de l’escroquerie intellectuelle ou de l’auto-suggestion. Et ne peut conduire qu’à une mauvaise affection des moyens publics tout en compliquant la tâche des agents (policiers, juges, personnels soignants) à travers des injonctions de priorité d’ordre idéologique. Pourquoi privilégier les femmes battues par rapport aux hommes agressés au couteau, aux petites vieilles qui se sont cassé la clavicule en tombant ou aux commerçants cambriolés pour la 7ème fois ? Parce qu’ils n’ont pas d’association pour les défendre ?

Alors, on les repeint, ces toilettes « dames » du Titanic ?

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