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Chroniques bellevilloises – Ep. 3 : Le champ, la rivière, et les deux paysans

Les Cheng Yu sont des contes chinois traditionnels. De forme courte, ils sont porteurs, un peu comme nos Fables de la Fontaine, d’une morale populaire mettant en valeur les qualités de travail, de persévérance, de discernement, de respect d’autrui ou de courage.  Ils sont résumés par un groupe de quatre idéogrammes, passés dans la mémoire collective chinoise un peu comme nos dictons et proverbes.  Je me suis amusé à en écrire un, résumé par le groupe d’idéogrammes  植  块   成  富, qui signifie littéralement « cultiver champ devenir riche ». Je m’amuse en pensant que sa philosophie confucéenne  a des échos contemporains dans l’air du temps macroniste. Le voici :

Fu Liu et Wang Cheng habitaient dans le même village. Fu était riche : il avait hérité d’un grand champ, d’une colline, d’une rivière et d’un bois. Wang était pauvre : il n’avait qu’un tout petit champ.

La première année, une terrible sécheresse s’abattit sur la région. Tous les paysans étaient désespérés. Mais Wang allait tous les jours jusqu’à un étang très éloigné pour prendre un peu d’eau et arroser son champ. Fu, qui le voyait passer, courbé sous sa palanche, lui disait : « de toutes façons, cela ne sert à rien, tu n’as pas assez d’eau pour arroser tout ton champ ». Mais, finalement, Wang parvint à sauver une petite partie de sa récolte qu’il vendit à prix d’or. Il put même acheter le bois de Fu qui la lui vendit pour une bouchée de pain, puisqu’il ne valait plus rien avec ses arbres desséchés.

La seconde année, des inondations terribles dévastèrent la région. De nouveau les paysans étaient désespérés, surtout Fu, qui se lamentait toute la journée sur son lit. Mais Wang, avec beaucoup d’efforts, réussit à construire une petite digue pour protéger son champ. Il parvient ainsi à sauver une partie de sa récolte qu’il vendit, comme l’année précédente, à prix d’or. Il put même ainsi acheter la rivière de Fu, qui ne lui servait plus à rien, puisque de toutes manières l’eau avait tout envahi.

La troisième année, des sauterelles dévorèrent toutes les récoltes. Mais Wang, en veillant jour et nuit sur son champ, parvint à les éloigner et à sauver une partie de sa récolte, pendant qu’elles détruisaient entièrement celles de Fu, laissées sans protection. Il put ainsi faire de bonnes affaires et acheter avec son petit bénéfice la colline de Fu, dont toute la végétation avait été détruite par les sauterelles.

La quatrième année, il y eut de l’eau et du soleil en abondance. Les récoltes furent excellentes et Fu voulut racheter à Wang son bois, sa colline et sa rivière. Mais Wang lui dit : « J’ai semé la colline, j’ai  drainé la rivière et j’ai entretenu le bois. Maintenant, ils valent beaucoup plus cher que lorsque tu me les avais vendus. Si tu veux redevenir riche, travaille donc le champ qui te reste plutôt que de dormir sur ton héritage ».

Fu comprit la leçon. Il se mit à travailler son champ avec ardeur, en suivant l’exemple de son ami Wang. Et, à force d’efforts, ils devinrent ainsi les plus riches paysans de la région. »

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