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Cinéma de danse et de musique européen

Bodas de sangre (Noces de Sang)

Docu-fiction de Carlos Saura, Espagne, 1981, 72 minutes   

ImageA mi-chemin entre le reportage et la fiction, le film de Carlos Saura met en scène la troupe de danse flamenco d’Antonio Gadès répétant puis interprétant une version chorégraphiée de l’œuvre de Federico Garcia Lorca, Noces de Sang.

La première moitié du film nous montre la préparation du spectacle : arrivée des artistes dans les coulisses, maquillage et habillage costumes – avec au passage une longue et passionnante interview du danseur Antonio Gadès  – répétition de quelques scènes de ballet dans une grande salle de danse.

La seconde partie du film est consacrée à la représentation de l’œuvre proprement dite. Dans un petit village perdu d’Andalousie, une mère prépare son fils à son mariage avec sa fiancée. Mais celle-ci est amoureuse de Leonardo, qui est par ailleurs marié. Le jour du mariage, Léonardo et la fiancée s’enfuient. Les villageois organisent la poursuite. Un combat au couteau entre Leonardo et le fiancé provoquera la mort des deux protagonistes.

Décors inexistants, costumes et accessoires minimalistes, absence de convention fictionnelle : ce que Carlos Saura nous montre, ce n’est pas seulement la pièce de Garcia Lorca, mais aussi la troupe d’Antonio Gades en train d’interpréter celle-ci. Nous assistons en fait au « filage » d’un spectacle, où les danseurs vont tranquillement s’assoir dans un coin de la salle quand ils ont fini d’interpréter leur scène.

Mais cette approche volontairement dépouillée se fait que mettre davantage en valeur la puissance dramatique de l’œuvre. Un poignard brillant, un bouquet jeté à terre, un berceau vide, un regard farouche ou désespéré, quelques traces rouges sur un robe de mariée font en effet travailler notre imagination beaucoup plus que ne l’auraient fait une débauche de décors et de costumes.

Antonio Gadès mobilise les ressources expressives du flamenco, significativement enrichies par les apports de la danse contemporaine, pour créer une véritable œuvre de théâtre dansé. Sa magnifique chorégraphie illustre de manière très puissante chacun des sentiments violents qui dominent les tableaux successifs : amour filial entre la mère et la fils, jalousie de l’épouse mal aimée, révolte de la fiancée sans amour, joie de la fête populaire, désirs interdits, colère du mari abandonné, poursuite des amants en fuite, désespoir de la femme qui voir mourir son amant. Mention spéciale pour le combat au couteau, longue scène silencieuse où les mouvements au ralenti permettent d’apprécier la beauté et l’élégance gémellaires des deux protagonistes.

Tourné en 1981, ce film inaugura une longue série d’œuvres de Carlos Saura consacré aux danses et  aux musiques populaires latines, parmi lesquelles on peut citer, entre autres, Carmen, L’amour sorcier, Flamenco Flamenco, et bien sûr, Tango.

Fabrice Hatem

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