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Films musicaux nord-Américains avant 1968

The Jazz Singer (Le chanteur de jazz)

ImageFilm musical de Alan Crosland, d’après une nouvelle de Samson Raphaelson, musique de Louis Silvers, avec Al Jolson, Eugenie Besserer, Warner Oland, May McAvoy, Etats-Unis, 1927, 96 minutes.

New, York, ghetto juif du Lower East Side. Jakie Rabinowitz (Al Jolson), le fils d’un chantre de synagogue (Warner Oland), est passionné par le Jazz, au grand dam de son père. En conflit avec celui-ci, il s’enfuit de sa famille pour mener à bien sa carrière de chanteur. Des années plus tard, il prépare, sous le nom de Jack Robin, son premier spectacle April Follies à Broadway, lorsqu’il apprend que son père, mourant, voudrait qu’il chante les chants sacrés de Kippour à sa place…

ImageAdaptation à l’écran d’une pièce théâtre éponyme, The Jazz Singer est connu dans l’histoire ducinéma pour avoir été l’un des premiers films « parlants ». De l’ai donc regardé par simple curiosité, sans espérer grand-chose de son contenu (une banale comédie légère, pensais-je). J’ai donc éprouvé une grande surprise en découvrant une œuvre d’une grande intensité dramatique, mettant en scène un héros déchiré entre ses aspirations personnelles et la fidélité aux valeurs de sa famille.

ImageMalgré quelques tentatives antérieures au cours des années 1920, The Jazz Singer est le premier long métrage « parlant ». Mais l’utilisation du son y reste en fait limitée : la plupart des scènes de dialogue y restent en effet muettes, entrecoupées par de petits intertitres expliquant au spectateur la progression de l’intrigue, avec un accompagnement musical en arrière-fond. La véritable synchronisation son – image n’apparaît qu’à l’occasion de la demi-douzaine de chansons (My Gal Sal ; Waiting for the Robert E. Lee ; Dirty Hands, Dirty Face ; Toot, Toot, Tootsie (Goo’ Bye) ; Blue Skies, Mother of Mine, I Still Have You ; My Mammy ; Kol Nidre ; Kaddish) qui s’égrènent tout au long du film.

ImageQuant aux très rares dialogues parlés, leur présence n’était d’ailleurs pas prévue dans le scénario, la sonorisation se limitant aux chansons. C’est Al Jolson qui improvisa ces dialogues de manière imprévue pendant le tournage (« You ain’t seen nothing yet« ), découvrant ainsi tout le potentiel du « parlant » dont les producteurs n’avaient pas encore saisi la mesure. Pour la plus grande joie du public, qui fut littéralement subjugué par ces courtes séquences de dialogue sonorisé.

ImageJ’ai beaucoup apprécié l’originalité du scénario, dont le principal ressort est constitué par un « conflit de génération » avant la lettre. L’opposition entre le père immigré attaché à ses traditions et le fils attiré par la culture de son pays natal, la mère aimante et souffrante (Eugenie Besserer) réparant infatigablement les brèches d’une relation familiale abîmée, le terrible dilemme du fils entre sa carrière artistique et son amour filial, l’histoire d’amour délicate qui l’unit à la comédienne, Mary Dale (May McAvoy), tout cela forme une trame dramatique excellente. L’image symbolique du jeune Juif maquillant son visage en noir pour interpréter des chansons de Jazz pose de manière profonde et très émouvante la question des identités mixtes au sein de la seconde génération d’immigrants.

ImageSeule déception : la musique elle-même, qui ne donne du jazz qu’un reflet déformé.  C’est une musique de variétés américaine de l’époque, à mon avis sans grand intérêt esthétique et qui a assez mal vieilli, malgré des paroles touchantes et l’interprétation expressive du très sympathique Al Jolson. On trouve aussi dans le film quelques très beaux extraits de musique sacrée juive. Quand à la danse, elle est pratiquement absente du film.

ImageMalgré les difficultés techniques de manipulation du nouveau système de sonorisation Vitaphone, le film rencontra immédiatement un immense succès public, suscitant lors des premières projections un climat proche de l’hystérie collective. Il fit également l’objet de critiques très élogieuses, y compris au sein des communautés juive et noire. Mais, du fait notamment de problèmes d’adaptation technique des salles et des délais de production des nouveaux films, il fallut encore environ deux années pour que la fin du cinéma muet soit entièrement consommée.

ImageThe Jazz Singer a fait l‘objet dans les années qui ont suivi sa sortie d’adaptation radiophoniques et, plus tard, télévisées. Resté fameux dans l’histoire du cinéma, il a inspiré le scénario de plusieurs films connus évoquant les débuts du cinéma parlant, comme Singin’ in the Rain, ou, plus récemment, The Artist.

Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipédia et un article historique détaillé.

Fabrice Hatem

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