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Films musicaux nord-Américains avant 1968

Porgy and Bess

ImageFilm musical d’Otto Preminger, musique de Georges Gershwin (adaptation d’André Prévin), avec Sidney Poitier, Dorothy Dandridge, Sammy Davis Jr., Pearl Bailey, Diahann Carroll, Brock Peters, Etats-Unis, 1959, 138 minutes.

 (Nb : les extraits du film Porgy and Bess étant très rares sur le web, les liens figurant dans l’article orientent en général sur des versions de scène plus récentes).

Caroline du Sud, 1900. L’action se déroule dans un quartier noir pauvre de Charleston, Catfish Row. La jeune Bess, femme de mauvaise réputation, est la maîtresse du voyou Crown. Mais celui-ci doit s’enfuir après avoir assassiné l’un des habitants. Elle est alors recueillie par Porgy, un mendiant estropié avec lequel elle se met en ménage en dépit de l’hostilité des voisins. Parviendront-ils à trouver le bonheur malgré la misère, la violence et la drogue ? 

ImageAdaptation à l’écran de l’opéra de Georges Gerswhin, ce film a connu une genèse particulièrement difficile : réticences d’Ira Gershin à l’idée de laisser les studios d’Hollywood réaliser un film à partir de l’opéra de son frère ; casting réuni à grand-peine du fait notamment de la réticence des acteurs  noirs à participer à une oeuvre faisant explicitement référence à toutes sortes de fléaux sociaux censés toucher leur communauté ;  remplacement en cours de tournage du metteur en scène à la suite de conflits avec le producteur Samuel Goldwin ; tensions personnelles entre les membres de l’équipe de tournage (Dorothy Dandrige et Otto Preminger venaient de rompre dans des conditions dramatiques) ; opposition des milieux activistes noirs accusant le film de véhiculer des stéréotypes racistes ; incendie de la garde-robe (peut-être criminel) à la veille du début du tournage…

 

ImagePorgy and Bess fut de plus un échec commercial, le producteur ne récupérant à sa sortie que la moitié des sommes investies dans sa réalisation. Et, quinze ans après sa sortie, il fut même retiré des écrans à la demande des ayant-droits de Gerswhin, qui lui reprochaient son manque de fidélité à l’œuvre originale : nombreux thèmes supprimés, transformations intempestives de la partition…

 

ImageEt pourtant, quelle belle reconstitution, faisant bien ressentir au spectateur, malgré les convention sde la transposition théâtrale, l’âme de cette communauté pauvre, placée par l’histoire et le racisme aux marges de la société : petits métiers souvent dangereux ou misérables (pécheur, mendiant comme Porgy, colporteur…) ; personnages délinquants ou violents (trafiquant de drogue comme Sportin’life, voyou comme Crown,..) ; familles trop souvent marquées par le malheur (Jack et Clara, les Robbins) ; caractères fragiles hésitant entre une existence honnête et l’illusion d’une vie facile, aux marges de la société et de sa morale (Bess) ; vitalité des grandes fêtes, ferveur des veillées funèbres, passion du jeu, crainte de la police, fragilité face aux caprices des  éléments…

 

ImageMusicallement, Porgy and Bess est également une intéressante tentative de réaliser une oeuvre scénique majeure, revêtant les formes de l’opéra classique et utilisant les techniques orchestrales européennes (arias, récitatifs, leitmotives, composition de l’orchestre), mais tirant son esthétique du jazz et des traditions afro-américaines du sud des Etats-Unis (Negro Spirituals, Blues, Gospel, chansons de rue ou de travail…).

 

ImageAdaptée à l’écran par André Prévin, la bande sonore du film comprend une vingtaine de thèmes parfois instrumentaux, comme l’ouverture, ou, le plus souvent, chantés. Les différents morceaux déclinent les thèmes de la vie quotidienne : berceuse (Summertime, A Woman Is A Sometime Thing), chansons de deuil ou de veillée funèbre (Gone, Gone, Gone ; My Man’s Gone Now) ; fêtes champètres  (I Can’t Sit Down, I Ain’t Got No Shame, It Ain’t Necessarily So), scènes de violence (What Do You Want With Bess), refrains de rue (Street Cries, Strawberry Woman, Crab man), pauvreté (I Got Plenty O’ Nuttin’), rève d’une vie meilleure (There’s A Boat That’s Leavin’ Soon For New York), chansons évoquant l’amour dans ses différents états (Bess, You Is My Woman Now ; I Loves You, Porgy ; Oh, Where’s My Bess). On peut y entendre les voix de Cab Calloway (Sportin’ Life), Robert McFerrin (Porgy) et Adele Addison (Bess).

 

ImageJ’ai cependant eu un peu de peine, à retrouver la marque du swing jazzy et de la polyrythmie afro-américaine dans l’adaptation musicale d’André Prévin, qui malgré tout son talent, n’est pas issu de cette tradition. Certains autres enregistrements que j’ai pu écouter, en version de concert, sont à mon avis supérieurs au film de ce point de vue. C’est d’ailleurs ceux-là que j’ai fait figurer en général en lien internet, également parce que les extraits du film d’Otto Preminger sont assez difficiles à trouver sur Youtube.

 

ImageNotons enfin que la danse est pratiquement absente du film – mises à part quelques scènes joyeuses au moment du pique-nique, qui tiennent d’ailleurs davantage de la mise en scène que de la chorégraphie. Par contre, les versions scéniques que j’ai pu consulter donnent souvent plus de place à la danse (I Ain’t Got No Shame).

 

Pour en savoir davantage sur Porgy and Bess, consulter la fiche Wikipedia. Pour écouter la bande-son du film, cliquez sur : Soundtrack. Une version complète du film était encore récemment disponible sur Youtube, mais vient d’être supprimée à la demande des détenteurs des droits.

Fabrice Hatem

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