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Films musicaux nord-Américains avant 1968

Guys and Dolls (Blanches colombes et vilains messieurs)

ImageFilm musical de Joseph L. Mankiewicz, musique de Frank Loesser, chorégraphies de Michael Kidd, avec Marlon Brando, Jean Simmons, Frank Sinatra, Vivian Blaine, Stubby Kaye, Etats-Unis, 1955, 150 minutes.

Sky Masterson (Marlon Brando), joueur invétéré, parie avec son ami le bookmaker Nathan Detroit (Frank Sinatra) qu’il parviendra en 24 heures à convaincre la très sérieuse Soeur Sarah Brown (Jean Simmons), membre de l’Armée du salut, de passer une soirée avec lui dans un cabaret de la Havane. Mais celle-ci a d’autres soucis en tête, la mission de quartier dont elle est responsable étant menacé de fermeture faute d’attirer un nombre suffisant de pécheurs repentants. L’amour, va bien sûr s’en mêler, entraînant une succession de situations à la fois loufoques et tendres.

Adaptation à l’écran d’une comédie musicale éponyme de 1950, Guys and Dolls puise son attachante vis comica dans la juxtaposition de trois intrigues aux ressorts très différents, illustrées chacune par de nombreuses séquences musicales.

ImageLa première est le face-à-face burlesque entre deux mondes également parodiés : celui, minable et vaguement malhonnête, du jeu clandestin, avec son argot de bookmaker et ses parieurs invétérés aux allures de gangsters demi-sel ; et celui, régi par de très rigides principes moraux, de l’Armée du Salut, avec ses uniformes stricts et ses continuelles références au Péché et à la Bible.

ImageLa séquence introductive Horse right here nous présente tout d’abord, dans une scène de rue très vivante incluant quelques passages dansés, le cadre de l’intrigue : un quartier animé et quelque peu mal famé où se côtoient pickpockets, péripatéticiennes et joueurs professionnels. Ceux-ci discutent ensuite passionnément, dans Fugue for Tinhorns, un amusant trio fugué, des chances respectives des différents chevaux engagés dans le prochain tiercé. Un autre morceau, laissant celui-là une large place à la danse, The Crapshooters’ Dance, évoque également le monde du jeu clandestin. On y voit des joueurs de dés effectuer un ballet très aérien, rappelant fortement l’esthétique de West Side Story, dans le sous-sol d’une chaufferie. Quant à la chanson The Oldest Established Permanent Floating Crap Game, interprétée par Sinatra et quelques autres joueurs dans un salon de coiffure, elle évoque la recherche d’un nouveau local de jeu clandestin, le précédent ayant été fermé par la police.

ImagePar contraste, le thème Follow the Fold, joué et chanté à plusieurs reprises par une fanfare de l’Armée du salut, illustre de manière parodique les efforts bruyants de cette oeuvre pieuse pour venir en aide aux pécheurs et aux déshérités. L’effet comique repose évidement sur le contraste entre le caractère très sérieux et rigide de la fanfare et le climat général de laisser-aller moral qui règne dans le quartier qu’elle parcourt.

ImageLa rencontre difficile entre ces deux mondes est principalement illustrée par deux thèmes musicaux. Dans Luck Be a Lady, Sky, pour aider Sœur Sarah dont il est tombé amoureux, tente de convaincre ses amis joueurs, très réticents, de participer à une séance de rédemption de l’Armée du salut. La partie de dés qui s’ensuit, dont l’objet est justement un pari sur cette participation, est l’occasion de quelques scènes de danse. Au cours de la réunion qui a finalement lieu dans le local de la mission, le joueur Nicely-Nicely Johnson (Stubby Kaye), accompagnée par un chœur aux accents de Negro Spiritualq, fait preuve dans Sit Down You’re Rockin’ the Boat, d’une repentance apparemment sincère, qui contraste comiquement avec l’entêtement dans le péché affichée par les autres participants.

ImageLa seconde intrigue, à la fois comique est romantique, est liée à la rencontre amoureuse entre Sky, joueur invétéré mais cœur généreux, et Sœur Sarah, soldate de l’armée du salut dévouée, mais assez  peu douée pour sauver les âmes des pécheurs et dont le véritable tempérament, à la fois romantique et impétueux, finira par se révéler. Le romantisme est incarné par des chansons comme I’ll Know, (où Sarah décrit les qualités de l’homme de ses rêves), A woman in love (un duo romantique avec Sky) et If I Were a Bell  (où, un peu ivre, elle exprime sa découverte enthousiaste de l’amour).

ImageLa liaison désassortie entre Sky et Sarah présente aussi un aspect comique, qui va notamment se traduire par une excellente séquence de danse. En effet, après avoir été saoulée à son insu, dans un cabaret de la Havane, par Sky,  Sœur Sarah va participer avec lui, sur l’air de A Woman in Love, à une désopilante parodie de danse tropicale. Sa jalousie pour son compagnon, reluqué par des filles d’extrêmement mauvais genre, va ensuite provoquer une bagarre générale, au cours de laquelle son comportement dénote fortement avec celui attendu d’un membre de l’Armée du Salut.

ImageEn contraste avec cette intrigue romantique, la liaison déjà ancienne entre la chanteuse de cabaret Miss Adelaide (Vivian Blaine) et le bookmaker Nathan (Frank Sinatra) joue essentiellement sur le registre du comique. Au grand désespoir d’Adélaïde, qui souhaite conclure leur relation par un mariage, Nathan préfère en effet visiblement, la vie insouciante du joueur célibataire à celle de l’homme marié. Il provoque ainsi chez sa compagne frustrations et rancoeurs, qui s’expriment par différentes scènes burlesques.

ImageCertes, Nathan est bien conscient de l’amour d’Adelaïde, qu’il compare comiquement au pari incertain d’un joueur sur un mauvais cheval (Adelaide). Mais cela fait quatorze ans qu’il refuse le mariage à celle-ci, chez laquelle une attente trop prolongée a fini par provoquer un rhume chronique d’origine psychosomatique (Adelaide’s Lament). Elle lui adresse donc des reproches amers, auxquels il répond en lui suggérant de lui faire un procès (Sue Me). Enfin, une scène de dispute entre les deux protagonistes dans la loge d’Adélaïde a pour contrepoint comique la chanson d’amour romantique I’ve Never Been In Love Before chantée en voix off par Franck Sinatra.

ImageMais, au jeu de l’amour, les hommes ont en général affaire à plus forte partie qu’eux. La chanson-titre, Guys and Dolls évoque ainsi de manière très amusante la manière dont ils sont réduits à merci par des femmes séduisantes et souvent manipulatrices.

Ce thème des difficiles relations entre sexes est également le prétexte à deux délicieux numéros de cabaret : Pet Me, Poppa, où de jolies danseuses déguisées en chats câlins et coquins, expriment leur désir de trouver un foyer confortable ; et Take Back Your Mink, où, furieuses du mauvais comportement de leurs amants, elles leurs offrent, dans un charmant effeuillage, de rependre les visons et les robes qu’ils leurs ont offert… tout en conservant les bijoux, seuls objets – mais de grande valeur – dont elles sont encore vêtues à la fin de la chanson…

ImageCe film à la fois drôle et tendre reçut à sa sortie un excellent accueil de la critique et du public. Il a depuis fait l’objet de plusieurs adaptations à la scène.

Pour en savoir davantage sur Guys and Dolls, consulter la fiche Wikipedia. Pour visionner la bande-annonce, cliquez sur : Trailer.

Fabrice Hatem

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